>>Huyên Không Son Thuong, une des plus belles pagodes à Huê
>>Un trésor de tablettes de bois à Hôi An
La pagode, lieu de culte pour les adeptes du bouddhisme. |
Photo : CTV/CVN |
Quand on se balade dans les rues de la cité sainte de Louang Prabang - "Cité de la grande statue sacrée de Bouddha", on voit surgir un vat (temple) tous les 200 m ou 300 m.
Un jour, parmi les frontons triangulaires des sim (chapelle bouddhique), j’ai découvert avec ravissement un portique à trois entrées, façade typique des pagodes vietnamiennes. Ainsi, la barrière climatique et culturelle que constitue la longue cordillère Truong Son, connue aussi sous le nom de Chaîne annamitique, n’a pu empêcher la rencontre entre la culture laotienne marquée par l’Inde et la culture vietnamienne influencée par la Chine, en l’occurrence un croisement entre deux branches du bouddhisme, le Petit Véhicule du Laos et le Grand Véhicule du Vietnam.
Différentes positions de Çakyamuni
Le portique de la pagode en question n’est pas badigeonné à la chaux blanche comme au Vietnam, mais est coloré de tons voyants et porte à son faîte la roue du dharma au lieu du disque lunaire ou de la calebasse à nectar. Aux deux côtés du nom écrit en vietnamien "Phât Tích tu" (Pagode du Vestige de Bouddha - en laotien "Vat Phra Bat Tay") figurent deux sentences parallèles peintes en caractères vietnamiens :
"Phât đia dành riêng nguoi huu đuc,
Ðât thiêng chung đê khách quan chiêm"
(Le fief bouddhique est réservé à ceux qui ont accumulé de bonnes œuvres,
La terre enchantée attend tous les visiteurs).
Devant la pagode, une dizaine de bonzes laotiens, tête rasée et robe safran, travaillent la terre avec des instruments rudimentaires. Le Vénérable Thích Thái Phùng (en laotien : Phra Kham Pha), Vietnamien de 54 ans, dirige avec deux bonzes laotiens ce temple fréquenté en particulier par des familles d’immigrés vietnamiens de la région. Il me reçoit cordialement dans une petite pièce latérale avec table et chaises. Celles-ci n’existent pas dans les pagodes laotiennes où l’on s’assoit à même le plancher.
Le Vietnam est un pays pluriethnique et multireligieux. |
Photo : Dinh Thuân/VNA/CVN |
Cette pagode, m’apprend le Vénérable, existe depuis 200 ans. Son nom laotien est "Pagode de l’empreinte de pied de Bouddha" parce que Çakyamuni y aurait laissé une trace que l’on peut aujourd’hui encore admirer dans le creux d’une falaise surplombant un paysage magnifique du Mékong. Abandonné pendant longtemps, ce lieu de culte n’a été restauré qu’en 1959 par un bonze et des immigrés vietnamiens. C’est Thích Thái Phùng, originaire du district Tam Diêp, province de Ninh Binh, au Nord du Vietnam, qui a pris la relève depuis 1962. Il fait des prières et prêche en vietnamien selon les sûtras du Grand Véhicule mais le fait aussi en pali pour les Laotiens.
Son vat s’adjoint de deux pièces qui n’existent que dans les pagodes au Vietnam : l’une réservée à l’adoration spécifique des Déesses-Mères (Tho Mâu) et l’autre à celle des Bonzes patriarches (Nhà Tô).
Mais le culte en général respecte les prescriptions laotiennes du Petit Véhicule. Au lieu d’un panthéon pléthorique de bouddhas, de bodhisattvas, d’arhats et même de divinités taoïstes comme au Vietnam, on ne voit ici que Çakyamuni sur les autels. Mais le Maître s’est incarné sous différentes formes selon ses avatars. Chacune de ses positions revêt une signification particulière. Debout avec les avant-bras tendus en avant, paumes verticales et tournées au dehors : Cessez de vous quereller ! Même position mais avec un bras tombant le long du corps : Repousser le mal. Position couchée : Entrée au Nirvana. Position debout, les mains rigides le long du corps, les doigts pointant vers le sol : Invocation de la pluie. Même position avec les mains croisées devant le corps : Contemplation de l’arbre Bohdhi, position assise de méditation. L’imagination populaire embellit Bouddha en le représentant drapé dans le vêtement royal et coiffé d’une tiare royale.
Plusieurs composantes du vat laotien
Le vat laotien comporte plusieurs composantes : la chapelle (sim), la bibliothèque où sont rangées les textes sacrés en pali (écrits sur des feuilles de palmier), la maison des bonzes, le pavillon du tam-tam, la cour de réunion religieuse, les stûpas. Il y a de nombreux petits stûpas où les fidèles mettent les cendres de leurs proches.
Beaucoup de Laotiens cherchent à "acquérir des mérites" pour s’assurer une meilleure vie après leur renaissance et diminuer le nombre de celles-ci. Dans ce but, ils viennent régulièrement aux pagodes et s’emploient à faire du bien. Les femmes donnent chaque matin de la nourriture aux moines qui font la tournée d’aumônes. Presque tous les hommes font dans leur vie un séjour monastique dans un vat, en général avant leur mariage. Ils le font pendant la saison des pluies pour une durée de trois mois ou moins. Beaucoup de petits garçons séjournent plusieurs fois dans la pagode pour "acquérir des mérites" au profit de leur famille.
Rappelons que le bouddhisme du Grand Véhicule (Mahayana) avait été introduit au Laos dès le VIIIe siècle et que le Petit Véhicule (Hinayana) ou Theravada lui avait succédé depuis le XIVe siècle. Le Hinayana s’attache à une libération individuelle tandis que le Mahayana introduit l’idéal du bodhisattva qui souhaite la libération de tous les vivants avant la sienne.
(Mars 1999)