Au Liban, les banques réduisent la voilure pour survivre à la crise

Des dizaines d'agences fermées, des milliers d'emplois supprimés : pour faire face à la crise économique sans précédent qui frappe le Liban depuis plus de deux ans, les banques naguère considérées comme un fleuron de l'économie ont considérablement réduit la voilure.

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Des membres des forces de l'ordre contrôlant l'entrée d'une succursale d'une banque à Beyrouth, en novembre 2019.

À son apogée, le secteur bancaire représentait trois fois le PIB du Liban, avec des dépôts totalisant plus de 150 milliards d'USD (environ 131 milliards d’euros). Les prêts à intérêts avantageux pour l'habitat, l'achat de voitures ou les voyages contribuaient au succès des banques, qui étaient alors une fierté nationale.

Mais avec la pire crise économique que ce petit pays de six millions d'habitants ait connu depuis plus d'un siècle, tout s'est effondré.

À commencer par le volume des prêts, passé de 59 milliards d'USD en 2018 (51,9 milliards d'euros) à 29,2 milliards d'USD (25,6 milliards d'euros) fin 2021, calculé au taux de change officiel de la livre libanaise, selon l'Association des banques du Liban (ABL).

Autre conséquence, les banques ont imposé des restrictions sur les retraits en devises et empêché les transferts d'argent à l'étranger. Ces mesures ont limité l'accès aux comptes, notamment en dollars américains.

Et les accrochages entre des clients en colère voulant retirer leurs économies et des employés appliquant les consignes en vigueur sont devenus fréquents.

"Banques zombies"

Aujourd'hui, constate le banquier d'affaires Jean Riachi, "les banques libanaises n'ont quasiment plus d'activités bancaires, donc elles sont obligées de réduire leurs opérations".

Car l'essentiel de leurs revenus provenait "des intérêts qu'elles percevaient de l'État et de la Banque centrale", dit-il.

Un cycliste passant devant une succursale bancaire fermée dans la capitale libanaise, Beyrouth, le 18 février.

Même son de cloche du côté de l'analyste Patrick Mardini, qui enfonce le clou : le secteur bancaire libanais est composé de "banques zombies" et la restructuration est "inévitable".

La nouvelle réalité a ébranlé la confiance des clients envers leurs banques, qui ont été "contraintes de s'adapter à la contraction de l'Économie, face à l'inaction de l'État libanais", observe l'ABL.

En conséquence, le nombre d'agences bancaires a chuté de 1.081 fin 2018 à 919 fin novembre 2021.

Par ailleurs, le nombre d'employés dans le secteur bancaire est passé de près de 26.000 fin 2018 à quelque 20.000 en novembre 2021, soit une réduction de l'ordre de 23%, selon l'ABL.

Malgré le déclin social et économique inédit du pays, les dirigeants libanais décriés par la population n'ont toujours pas entamé les réformes nécessaires ou rendu public un plan de sauvetage économique conformément aux demandes de la communauté internationale à laquelle ils ont réclamé des aides. L'État libanais a fait défaut sur sa dette souveraine en 2020, une première dans son histoire.

"Pays à l'abandon"

"Le Liban est un pays à l'abandon", a déclaré Selim Sfeir, le président de l'ABL. Plus de deux ans se sont écoulés sans aucune réaction de l'État pour redresser le pays, alors que les pertes continuent de s'accumuler, dit-il.

Formé en septembre 2021, l'actuel gouvernement du Premier ministre Najib Mikati a évalué les pertes du secteur financier à 69 milliards d'USD (60 milliards d'euros) avant d'entamer en janvier 2022 des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI).

À la mi-février, le FMI a présenté une feuille de route détaillée pour le Liban et souligné "l'ampleur sans précédent des pertes du secteur financier qui devraient être traitées de manière transparente (...) en protégeant les petits épargnants". L'institution monétaire a appelé à "reconstruire ce secteur et à supprimer la loi sur le secret bancaire".

Pour le moment, un flou règne sur le sort des banques du pays, mais pour le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, "la capacité de prêter au marché" sera un des facteurs déterminants.

Les clients, eux, n'ont rien à faire du sort des banques : "Je veux récupérer mes économies à tout prix", affirme Hicham, un homme d'affaires franco-libanais qui n'a pas souhaité décliner son nom. Pour lui, "la situation de ce secteur est incompréhensible. Toutes les parties concernées doivent assumer leurs responsabilités dans cette crise".

AFP/VNA/CVN

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