>>Le géant du pétrole brésilien Petrobras maintiendra sa politique tarifaire impopulaire
La Bourse de Sao Paulo, le 18 mars 2019 au Brésil. |
La Bourse a chuté à son plus bas niveau de l'année cette semaine et la monnaie brésilienne ne s'était jamais autant dépréciée depuis huit mois, s'échangeant à nouveau au-dessus des 4 dollars.
L'indice boursier Ibovespa, qui avait franchi pour la première fois la barre symbolique des 100.000 points à la mi-mars, est retombé sous les 90.000 vendredi 17 mai.
La Bourse a déjà perdu tous les gains engrangés depuis l'arrivée au pouvoir du président d'extrême droite. Avec son ministre de l'économie ultra-libéral Paulo Guedes, il avait pourtant séduit les marchés en promettant des mesures d'austérité et un vaste plan de privatisations.
Les pertes boursières ont été causées entre autres par les incertitudes au sujet de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, qui éloignent les investisseurs des marchés émergents comme le Brésil, considérés à risque.
Mais ces "facteurs externes" se conjuguent à des préoccupations sur la léthargie de la première économie d'Amérique latine, explique William Jackson, du cabinet de consultants londonien Capital Economics.
Depuis la récession historique de 2015 et 2016, le PIB brésilien n'a progressé que de 1,1%, en 2017 comme en 2018.
"Au fond du puits"
"L'arrivée de Bolsonaro au pouvoir a fait naître un espoir d'une reprise de l'économie (...) mais en fait, elle flirte avec la récession", affirme William Jackson.
Le malaise est d'autant plus grand que le gouvernement a subi de rudes coups cette semaine, entre les manifestations de masse contre les coupes budgétaires dans l'éducation et les accusations de blanchiment d'argent qui pèsent sur le fils aîné du président.
De quoi entamer encore plus la crédibilité de l'administration Bolsonaro, dont la capacité à faire approuver au Parlement ses réformes économiques - notamment une cruciale mais épineuse réforme des retraites - était déjà mise en doute depuis plusieurs semaines.
Paulo Guedes lui-même a averti mardi 14 mai que l'économie brésilienne était "au fond du puits", tout en réduisant sa prévision de croissance pour 2009 de 2,2% à 1,5%, tandis que le président de la Banque centrale faisait état d'un risque de contraction au premier trimestre.
Les analystes consultés pour l'enquête hebdomadaire Focus de la Banque centrale ont revu leurs estimations à la baisse 11 semaines de suite et tablent à présent sur une progression anémique de 1,45% du PIB.
"Optimisme excessif"
Le président brésilien Jair Bolsonaro, le 8 mai 2019 à Rio de Janeiro. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
"Le Brésil n'a jamais connu de reprise aussi lente", déplore Marcos Casarin, du cabinet de consultants Oxford Economics, qui considère toutefois que le risque de récession sur deux trimestres consécutifs est relativement faible.
"Nous avons déjà touché le fond", souligne-t-il, même s'il estime que la situation pourrait s'avérer encore pire si le gouvernement ne parvenait pas à faire approuver la réforme des retraites.
Et même si elle passe le crible du Parlement, de nombreux analystes considèrent qu'elle risque d'être fortement édulcorée, ce qui limiterait son impact sur l'économie.
"L'optimisme qui a suivi l'élection de Bolsonaro était excessif et à présent les milieux d'affaires sont plus réalistes", explique Marcos Casarin. "Cela semble clair qu'il a du mal à s'assurer le soutien des parlementaires".
Le Parti social libéral (PSL), formation de Jair Bolsonaro, ne détient que 10% des 513 sièges de la chambre des députés, composée d'une myriade de partis, dont le soutien est traditionnellement monnayé en échange de nominations à de hautes fonctions au sein des ministères.
Une fois élu, le président a fait part de son intention de mettre fin à ces arrangements en nouant des alliances au-delà des partis, grâce aux blocs parlementaires défendant les intérêts des lobbys conservateurs comme celui des armes, des évangéliques ou de l'agro-négoce.
Mais les débats houleux en commission ces dernières semaines ont montré que cette logique était difficile à mettre en place quand il s'agit de réformes économiques.
"Il faudra en faire plus pour redonner un coup de fouet à l'économie. Je crois qu'il y a encore de vrais risques de pertes boursières à l'avenir", estime Thomaz Favaro, du cabinet de consultats Control Risks.
AFP/VNA/CVN