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L'électricité aurait dû augmenter non pas de 15% le 1er février. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"On a déjà du mal à boucler, si on ajoute 15%, ça ne va pas faire du bien", soupire cet ancien électricien, inquiet de ce coût supplémentaire et de ce que va dire son comptable. Il rembourse encore des crédits et a déjà réglé le thermostat de sa pompe à chaleur sur 18°C.
Sans le bouclier tarifaire décidé par l’État pour protéger les consommateurs, l'électricité aurait dû augmenter non pas de 15% mercredi 1er février, mais de 99,22% TTC, selon le barème rendu public en janvier par la Commission de régulation de l'énergie (Cre) et fixé en fonction des coûts de fourniture de l'électricité sur les marchés de gros.
"Un prix fou", peste M. Berlingué, qui ne voit pas comment répercuter la différence sur ses nuitées sans faire fuir la clientèle qui s'arrête chez lui à Fresnes-en-Woëvre pour la proximité de l'autoroute ou les visites de sites de la Première Guerre mondiale.
Un gîte voisin, chauffé au fioul, a été radical. Le tarif d'une nuit est passé de 120 à 170 euros jusqu'à la fin de l'hiver. "On préfère n'avoir personne plutôt que de remplir la cuve à fioul", indique la propriétaire Catherine Richard. Elle a aussi des chambres avec climatisation réversible mais est encore incapable de mesurer le manque à gagner que va générer l'évolution du tarif d'électricité : "On n'a aucun recul", dit-elle.
Un an de gel des tarifs
Mercredi 1er février, la hausse concernera dans l'Hexagone 20,54 millions de foyers et 1,45 million de petits professionnels, ainsi que la Corse et l'Outre-mer, mais pas la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie qui ont leurs propres tarifs. "Les nouveaux prix seront répercutés sur la facture chaque mois", a précisé EDF. Pour les clients qui ne veulent pas modifier leurs mensualités, une régularisation en fin d'année sera appliquée.
Environ 100.000 logements du parc social, chauffés collectivement à l'électricité, sont aussi indirectement concernés. Le nouveau tarif servira au calcul de l'aide du bouclier tarifaire améliorée fin 2022, qui reste "imparfaite" selon le Mouvement HLM.
"Parce que la part des dépenses de transport et de logement est un peu plus élevée dans leur panier de consommation, les ménages avec les revenus les plus bas subissent plus fortement la hausse des prix de l’énergie", a souligné à plusieurs reprises l'Insee.
La hausse de 15% - identique à celle du tarif réglementé du gaz le 1er janvier - survient après douze mois de gel tarifaire décidé par le gouvernement.
Elle est le fruit d'un arbitrage politique, avec à la clé des considérations budgétaires pour l’État qui prend en charge 85% de la hausse. "On est le pays le plus protecteur des ménages", revendique le ministère de la Transition énergétique : 45 milliards d'euros sont prévus en 2023 pour le bouclier tarifaire, dont 27 milliards pour l'électricité.
Parc nucléaire
L'an dernier, le gouvernement avait limité la revalorisation du 1er février 2022 à 4%. Cette poussée des tarifs est un phénomène pas seulement français ou européen et lié en partie à la pandémie de COVID-19.
Le redémarrage général de l'activité a tiré à la hausse l'ensemble des prix de l'énergie dès le premier trimestre 2021. Le déséquilibre entre l'offre et la demande s'est aggravé en 2022 avec la tension en Ukraine, qui a généré des craintes sur l'approvisionnement en gaz.
La France, même si elle tire 70% de son électricité à bon marché de son parc de centrales nucléaires, n'a pas été épargnée. Comme les autres pays, elle est tributaire des cours sur les marchés de gros. Or, les prix à terme de l'électricité pour livraison en 2023 ont atteint un "niveau exceptionnellement élevé tout au long de l’année 2022", constate la Cre.
Cela "s'explique d'une part par le prix très élevé des prix de gros du gaz", dont dépendent les prix de l'électricité, selon la Cre. La "faible disponibilité anticipée du parc nucléaire français" a aussi conduit les acteurs du marché de l'électricité à appliquer une prime de risque sur la France face à des menaces de pénurie.
AFP/VNA/CVN