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Ces pacifiques pachydermes sont la cible des braconniers depuis quelques années car leurs cornes - pourtant uniquement composées de kératine, comme les ongles humains - sont affublées de toutes les vertus en Asie. Elles y sont revendues à prix d’or au marché noir, et réduites en poudre pour entrer dans la composition de remèdes traditionnels.
«C’est très inquiétant, vraiment», a reconnu la ministre de l’Environnement Edna Molewa, lors d’une conférence de presse à Pretoria. Le massacre prend en effet des proportions alarmantes: avec 1.215 animaux abattus l’an dernier, et 1.004 l’année précédente, on approche dangeureusement du moment où la mortalité va être supérieure aux naissances parmi les quelque 20.000 rhinos sud-africains - qui constituent 80% de la population mondiale.
Un rhinocéros à la corne coupée suivi de son petit, à Klerksdorp en Afrique du Sud. |
D’autant que des spécialistes estiment que les chiffres des autorités sous-estiment la réalité, de nombreuses carcasses échappant au macabre recensement des rangers.
«Les chiffres (réels du braconnage) sont bien plus élevés. Mais 1.215, c’est déjà énorme», constate l’homme d’affaires militant de la cause des rhinos Dex Cotze. Sans parler du sort des petits, dont les chances de survie sont quasi nulles si leur mère meurt.
Pour éviter d’être repérés, les braconniers utilisent souvent des anesthésiants, plus discrets que les armes à feu, pour immobiliser les rhinocéros. Puis ils les décornent à la hache, encore vivants. L’animal se réveille ensuite et meurt d’une longue agonie, des suites de sa blessure.
«Ne l’oublions pas, le braconnage des rhinocéros fait partie d’un commerce illégal d’animaux sauvages pesant plusieurs milliards de dollars dans le monde entier», a souligné Edna Molewa jeudi. «Le trafic organisé des cornes de rhinocéros sape nos efforts !»
«Agir ou mourir»
«Des tueries à cette échelle montrent que le braconnage des rhinocéros est de plus en plus le fait de syndicats du crime organisé», a renchéri Elisabeth McLellan, responsable au Fonds mondial pour la nature (WWF).
«Les courageux rangers du pays font tout ce qu’ils peuvent sur le terrain pour protéger les rhinocéros, mais seul un effort concerté, au niveau mondial, pourra mettre fin à ce trafic», ajoute-t-elle. «L’Afrique du Sud doit faire davantage d’efforts pour enrayer le trafic des animaux».
Un rhinocéros dans une réserve privée à Inverdoom, en Afrique du Sud. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
À cet égard, l’organisation Traffic s’étonne que Pretoria ait snobé la conférence visant à mettre fin au commerce illégal d’espèces menacées, à Londres, en février dernier.
«Le manque de volonté politique et de leadership actif du gouvernement, du Mozambique voisin (d’où viennent la plupart des braconniers, ndlr) et des principaux pays asiatiques, reste un obstacle sérieux pour résoudre cette crise», accuse David Newton, le directeur de l’ONG en Afrique orientale et australe.
Sur le terrain, l’armée sud-africaine est venue renforcer les rangers, notamment dans le parc national Kruger (Nord-Est), frontalier du Mozambique, où vivent quelque 9.000 rhinos.
Le gouvernement sud-africain a récemment entrepris de déplacer des pachydermes pour les mettre à l’abri. Une centaine d’entre eux est notamment partie l’an dernier dans des pays voisins... où les braconniers ont fait leur apparition.
Pretoria aimerait ainsi légaliser le commerce de la corne de rhinocéros, estimant qu’il serait plus simple de répondre à la demande, car les cornes repoussent.
Une commission va être mise sur pied pour étudier les conséquences d’une telle légalisation, qui serait abordée à la prochaine réunion de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), en 2016 au Cap, selon Mme Molewa.
En attendant, «encore une année de braconnage comme 2014 et il sera de plus en plus dur de voir un avenir à la survie des rhinocéros en Afrique du Sud», note Tom Milliken, spécialiste des éléphants et des rhinos chez Traffic.
«Maintenant, c’est agir ou mourir !», lance-t-il.