Afghanistan : l'Australie ferme son ambassade, d'anciens interprètes manifestent

L'Australie a fermé vendredi 28 mai son ambassade en Afghanistan, après avoir fait part de ses craintes concernant la sécurité dans la capitale Kaboul lorsque le retrait en cours des troupes américaines sera achevé.

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L'entrée de l'ambassade australienne à Kaboul, le 25 mai 2021.
Photo : AFP/VNA/CVN

Les ambassades étrangères doivent modifier leur fonctionnement, alors que les États-Unis auront retiré leurs derniers militaires encore présents en Afghanistan d'ici au 11 septembre, le jour anniversaire des attentats de 2001. L'inquiétude monte parmi les milliers d'employés afghans des ambassades craignant d'être victimes de représailles de la part des talibans, qui les considèrent comme des traîtres.

Pour l'analyste politique afghan Sayed Nasir Musawi, l'exemple australien pourrait faire tache d'huile. "Les pays occidentaux ne sont pas convaincus du fait que le gouvernement actuel va survivre", a-t-il souligné auprès de l'AFP.

Les autorités afghanes assurent qu'elles sont en mesure d'empêcher les talibans de prendre le pouvoir par les armes, mais les insurgés, qui affrontent quotidiennement les forces de sécurité, ont fait d'importants progrès territoriaux ces derniers mois. Les talibans contrôlent totalement ou partiellement des milliers de districts et ont commencé à encercler plusieurs villes majeures, une tactique similaire à celle qui avait précédé leur arrivée au pouvoir en 1996.

Pour certains observateurs, les combattants islamistes attendraient la fin du retrait américain avant de lancer une offensive majeure.

"Abandonnés une nouvelle fois"

Le Premier ministre australien Scott Morrison avait annoncé mardi la fermeture "provisoire" le 28 mai de l'ambassade à Kaboul, "en raison de l'imminent retrait militaire international d'Afghanistan", qui crée un "environnement sécuritaire de plus en plus incertain".

Les talibans avaient tenté dans la foulée de rassurer en assurant qu'ils "ne poseront aucune menace" aux diplomates et humanitaires étrangers.Mais les chancelleries et les ONG ont gardé en mémoire le comportement brutal des radicaux islamistes lorsqu'ils s'étaient emparés de Kaboul en 1996. Ils avaient notamment pénétré dans l'enceinte des bâtiments des Nations unies, où ils s'étaient emparés du dernier président communiste du pays, Najibullah Ahmadzai, qu'ils avaient torturé et assassiné. Deux ans plus tard, les talibans avaient été responsables du meurtre de dix diplomates iraniens, dans leur consulat à Mazar-i-Sharif, la grande ville du Nord du pays.

"La fermeture de l'ambassade australienne n'est pas une bonne nouvelle pour les Afghans", a commenté à Kaboul Ahmad Rashed, 25 ans, un employé de banque. "Je crains que la plupart des ambassades et des ONG cessent leurs opérations en Afghanistan. Nous allons être une fois de plus abandonnés".

Le quotidien britannique The Telegraph a écrit vendredi 28 mai que le Royaume-Uni se préparait à évacuer des centaines d'employés de son ambassade, avec leurs familles.

"Les talibans vont nous tuer"

Vendredi, une trentaine d'anciens interprètes de l'armée française ont manifesté à Kaboul, demandant des visas pour eux et leur famille, brandissant des banderoles proclamant en français: "Nous sommes les oubliés de l'armée française en Afghanistan" ou se comparant aux harkis, ces auxiliaires algériens dont plusieurs dizaines de milliers, abandonnés à leur sort, ont été massacrés au moment de l'indépendance de l'Algérie.

"J'ai travaillé de 2005 à 2010 pour l'armée française. Aujourd'hui, le gouvernement français ne veut pas de nous. Nous pensons à nos vies, à celles de nos femmes et de nos enfants: il ne fait pas de doute que les talibans vont tuer tous ceux qui ont travaillé pour les forces étrangères", a témoigné Ahmad Sear Anwari, 38 ans.

"Nous étions la parole et les yeux de l'armée française et celle-ci nous a trahi, on nous a menti... Le gouvernement a libéré l'année dernière 5.000 prisonniers talibans, dont certains ont été capturés dans des opérations de l'armée française auxquelles j'ai participé. Si je reste en Afghanistan, je suis un homme mort", a dénoncé à ses côtés Waheedullah Hanifi, 32 ans.

L'armée française a employé quelques 770 Afghans (interprètes, chauffeurs, magasiniers...) entre 2001 et 2013. Un peu moins de la moitié ont obtenu un visa pour la France. Les États-Unis ont déjà annoncé préparer l'évacuation de leurs interprètes afghans.

Plus de 18.000 Afghans et 45.000 membres de leur famille proche ont déjà obtenu des visas et immigré aux États-Unis, dans le cadre d'un programme pour les interprètes, les membres d'opérations spéciales et ceux ayant pris des risques en travaillant avec les Américains. Mais 18.000 demandes supplémentaires sont encore à l'étude.

AFP/VNA/CVN

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