COVID-19
À Téhéran, les habitants craignent une banalisation de l'épidémie

Alors que l'Iran accélère son retour à la vie normale avec la réouverture des commerces, des habitants de Téhéran craignent un nouveau pic de contaminations au nouveau coronavirus dans le pays, le plus touché par la pandémie au Proche et Moyen-Orient.

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Des Iraniens dans les rues de Téhéran, en pleine épidémie de coronavirus, le 9 mai 2020.

"La file des imbéciles", murmure Manouchehr, un commerçant, en regardant avec mépris une longue queue devant un bureau de change du quartier de Sadeghiyeh, dans l'ouest de Téhéran.

Dans la file d'attente, des Iraniens se pressent les uns contre les autres, dépourvus de masques.

Agacé, un agent de la circulation confie à l'AFP avoir assisté à de nombreuses scènes similaires depuis la reprise d'activité des bureaux de change. La plupart des clients ne respectent pas les consignes sanitaires de base, déplore-t-il.

Après l'apparition du virus mi-février en Iran, écoles, universités, cinémas, stades et autres lieux de regroupement ont été fermés dès le mois de mars pour endiguer sa propagation.

Mais sous la pression économique, notamment en raison des sanctions américaines, l'État a autorisé le 11 avril une réouverture progressive des commerces dans les provinces puis, une semaine plus tard, dans la capitale.

Les rues, les marchés et les centres commerciaux de Téhéran ont ainsi retrouvé leur animation habituelle après avoir été désertés pendant deux mois. Les bureaux de change font partie des entreprises les plus sollicitées par les Iraniens: la dévaluation de la monnaie iranienne et l'inflation en incitent beaucoup à sauver leur épargne.

Mais "tous ces clients mettent nos vies en danger, nous qui sommes obligés de venir" au travail, dit Milad, employé dans un centre commercial tout proche d'un bureau de change.

Sans masque, le jeune homme de 22 ans s'inquiète aussi de voir les boutiques bondées le soir, lorsque les gens sortent faire leurs courses.

"Talon d'Achille" 

Une Iranienne porte un masque de protection contre le nouveau coronavirus, à Téhéran, le 9 mai 2020.

Téhéran est le "talon d'Achille" du pays, a reconnu samedi 9 mai le vice-ministre de la Santé, Iraj Harirchi.

Le gouvernement utilise désormais un système de couleurs (blanc, jaune, rouge) pour établir une échelle du risque (du plus faible au plus élevé) lié à la maladie dans les différentes provinces.

Avec une population de plus de 8 millions d'habitants et des centaines de milliers de travailleurs qui y affluent depuis d'autres provinces, la capitale a été placée en rouge.

Depuis le 4 mai, le nombre de nouvelles infections recensées officiellement est supérieur à 1.000 par jour, après une brève baisse observée la semaine passée.

Au total, le pays compte plus de 106.000 contaminations et 6.500 décès, selon les chiffres transmis par le gouvernement et qui, d'après certains experts à l'étranger et plusieurs responsables iraniens, sont largement sous-estimés.

"La prudence des gens a fait chuter le nombre des contaminations, mais dès que la maladie a été jugée moins importante, nous avons constaté une augmentation des cas", explique Massoud Mardani, spécialiste en maladies infectieuses au ministère de la Santé.

La hausse des infections "est en partie due à la réouverture (des commerces) et aux gens qui vont faire du shopping", juge-t-il auprès de l'agence Isna.

L'État s'est engagé à réimposer des mesures si le nombre de contaminations continue d'augmenter, mais beaucoup d'Iraniens sont obligés de reprendre le travail pour subvenir à leurs besoins.

"La vie coûte de l'argent, les gens doivent aller travailler", a dit à l'AFP Hamed, 22 ans, rappelant que "le virus est dans le pays depuis environ trois mois".

Habitant de Qom, à 150 km de Téhéran, Hamed se rend tous les jours dans la capitale à la demande de son employeur. S'il refuse, il perdra son travail, craint celui qui ne porte pas de masque, car c'est "inefficace".

Dans les rues voisines, des badauds, le plus souvent dotés de masques, achètent des légumes frais et des fruits secs.

Le visage nu, Mohammad, 58 ans, déplore quant à lui les prix élevés des masques et la difficulté de s'en procurer alors qu'il doit grimper dans un bus bondé tous les matins. "Ils auraient dû en donner gratuitement aux gens", tempête-t-il.

Pour Zahra, une comptable de 30 ans, "seulement la moitié de la population (de Téhéran) suit les mesures sanitaires. "Soit les gens s'en moquent, soit ils n'ont pas la patience de porter un masque", estime-t-elle.

AFP/VNA/CVN

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