>>L'accord Mercosur - UE fait aussi grincer des dents côté brésilien
>>Après 20 ans de discussions, accord "historique" entre UE et Mercosur
Une vache de race Limousine est tenue par la bride pendant la foire agricole de Libramont en Belgique, le 26 juillet 2019. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Chaque année, plus de 200.000 personnes convergent en plein été dans cette petite commune des Ardennnes belges, à l'extrême Sud du pays, pour assister aux concours de bovins élevés pour leur viande.
On se bouscule pour admirer les Limousines, Charolaises, Blondes d'Aquitaine et les vaches "Blanc, Bleu, Belge". Or, malgré l'ambiance festive, la peur s'est invitée à ce rassemblement de quatre jours.
Car fin juin, l'UE a annoncé, après 20 ans de négociations, un accord commercial avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), l'un des plus vastes jamais conclus par l'Union, qui a suscité de très nombreuses et vives critiques.
Les éleveurs européens craignent notamment que le boeuf sud-américain inonde le marché européen, et dénoncent une concurrence déloyale en raison des écarts entre les normes de production qui leur sont imposées et ce qui est toléré dans le Mercosur.
"On est déjà à la limite de la surproduction dans toute l'Europe et en Wallonie également (...) On n'a absolument pas besoin de viande brésilienne surtout quand on voit les conditions dans lesquelles cette viande est produite", prévient Hughes Falys, 49 ans, éleveur et porte-parole du second syndicat agricole wallon, la FUGEA.
"Mauvais accord"
Une vache Montbéliarde, vainqueure à la foire agricole de Libramont, en Belgique, le 26 juillet 2019. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
"Mercosur n'est pas +Oui, peut-être+ ou +Oui, si...+, Mercosur est +Non!+!", lance le ministre régional sous les applaudissements et un soleil de plomb. Une mise en garde qui n'a rien d'anodin: la Wallonie (3,6 millions d'habitants), qui a son mot à dire dans la signature d'accords internationaux par la Belgique, pourrait bel et bien résister, comme en 2016.
La région francophone du Sud de la Belgique avait alors bloqué plusieurs jours durant le feu vert belge, nécessaire à la signature d'un autre traité de libre-échange, le CETA, entre l'UE et le Canada, cette fois.
"Nous avons fait évoluer le CETA, nous avons fait insérer des clauses de sauvegardes qui sont très importantes (...) Nous allons être d'autant plus vigilants par rapport au Mercosur", a assuré M. Collin. Il espère que le Parlement wallon, comme les députés belges et le Parlement européen, rejetteront ce "mauvais accord".
La Commission européenne n'a pour l'instant pas dissipé les craintes de ces éleveurs, malgré deux grandes promesses: une importation limitée de viande bovine (99.000 tonnes supplémentaires par an) et la création d'une enveloppe d'un milliard d'euros d'aides aux agriculteurs.
"Beaucoup de fermiers âgés trouvent difficilement des repreneurs, surtout pour le bétail", constate Béatrice Ghyselen, une agricultrice de 61 ans, à Vedrin, tout près de Namur, capitale de la Wallonie.
Distribution locale
Des vaches Blonde d'Aquitaine, pendant la foire agricole de Libramont en Belgique, le 26 juillet 2019. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
"Mes enfants, mes beaux-enfants sont fort intéressés par les terres de culture, mais ils sont fort sceptiques et pessimistes par rapport à la spéculation bovine", observe cette fille d'un des pionniers de l'introduction de Limousines en Belgique et qui en possède actuellement un troupeau de 300.
Certes, les prix de la viande augmentent dans les boucheries, mais "pas de manière proportionnelle" pour les éleveurs, dont les coûts de production "ont beaucoup augmenté", estime-t-elle. Elle plaide pour un meilleur étiquetage de l'origine et de la race des viandes.
M. Falys, qui possède 50 Charolaises, préconise quant à lui une distribution locale, sans intermédiaire, pour améliorer la rémunération des éleveurs.
Un avis partagé par Jean-Luc Pierret, 64 ans, agriculteur bio depuis 1999 à Orgeo, tout près de Libramont, accompagné de son fils Xavier, 38 ans, qui promène un taureau de race blonde d'Aquitaine, arrivé troisième de l'un des concours de la foire, où le jury examine démarche, viande et peau du bétail.
"Mon ressenti n'est pas bon du tout, confie Xavier à propos de l'avenir du métier. De ce que je peux voir, l'agriculteur n'est plus le numéro un (...) Je souhaite beaucoup de courage aux jeunes".
Le Mercosur ne sera définitivement entériné qu'après avoir été ratifié par les Parlements de l'ensemble des États membres, ce qui devrait prendre deux ans au minimum.