Quang Nam
À Hôi An, le bài choi retrouve son éclat

L’art du bài choi est depuis décembre 2017 patrimoine culturel immatériel de l’Humanité. Hôi An est un lieu idéal pour découvrir cette forme artistique qui associe jeu, musique, poésie et théâtre.

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Une scène de jeu de "bài choi" en miradors.
Photo : Thu Hà/CVN

La nuit tombe sur la vieille ville de Hôi An (province centrale de Quang Nam). Le long des rues où flânent de nombreux touristes, les premiers lampions s’allument. Des groupes de piétons affluent vers les rives de la rivière Hoài, où se tient un marché nocturne très animé, véritable cœur vibrant de la nuit locale.

Dans le brouhaha, s’élève soudain un air folklorique accompagné de musique et des "toc-toc" d’une claquette de bambou. Des chanteurs/meneurs de jeu en costume de scène, appelés Hiêu, se tiennent sur un tapis, entourés de participants avec des plaquettes de bois en main.

Ce spectacle de bài choi se produit chaque soir près du célèbre Chùa Câu (pont-pagode de style japonais). Un trait original qui accentue encore la beauté désuète et l’ambiance sympathique de Hôi An, ville reconnue en 1999 par l’UNESCO "Patrimoine mondial".

L’origine du bài choi remonterait à la fin du XVIIe ou au début du XVIIIe siècle. Cet art chantant était alors populaire dans les localités littorales du Centre, de Quang Binh, Quang Tri, Thua Thiên-Huê, Dà Nang, Quang Nam, Quang Ngai, Binh Dinh, Phu Yên, jusqu’à Khanh Hoà, Ninh Thuân et Binh Thuân.

"Depuis que Hôi An est entrée dans la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, le +bài choi+ revit. Il fait désormais partie des attractions touristiques locales. Sa reconnaissance en tant que patrimoine culturel immatériel de l’Humanité a été une immense fierté !", observe Vo Phung, directeur du Centre de la culture et des sports de Hôi An.

Un jeu mâtiné d’art

L'art du "bài choi" présenté dans la ville de Quy Nhon, province de Binh Dinh (Centre).
Photo : Ly Kha/VNA/CVN

Enthousiasmé, un touriste italien confie : "C’est un joli spectacle. Tout est fait pour que le touriste puisse y participer, même quand on ne parle pas un mot vietnamien. Ce que j’aime dans ce jeu, c’est la convivialité".

Le bài choi est une sorte de jeu de bingo accompagné de musique traditionnelle. Feu le Pr.-Dr. Trân Van Khê, un spécialiste très célèbre de la musique traditionnelle du Vietnam, a comparé ce genre d’art au pansori des Coréens.

Les airs interprétés prônent le patriotisme, les belles traditions, les sentiments filiaux, les qualités humaines ; exhortent l’amour de la terre natale, la solidarité nationale ; abordent des expériences dans le travail ; et critiquent les fléaux sociaux, les mœurs et coutumes d’un autre temps. Souvent, les chanteurs improvisent.

Le bài choi se présente sous deux formes : "jeux de bài choi" (bài choi en miradors) et "spectacle de bài choi" (bài choi sur tapis). La première est pratiquée souvent à l’occasion du Têt (Nouvel An lunaire) ou aux festivals printaniers, et se caractérise par la présence des miradors montés sur le terrain de jeu, dans chacun desquels s’installe un groupe de cinq ou six joueurs. Les groupes de chanteurs rivalisent de talent et d’esprit dans l’improvisation. La deuxième, plus simple, est marquée par un tapis étalé sur le terrain où se produit le meneur de jeu ou Hiêu, et par la participation de nombreux joueurs assis tout autour. L’absence des miradors permet de favoriser l’interaction entre le meneur de jeu et les joueurs.

Dans le spectacle de bài choi, le Hiêu joue un rôle de première importance. C’est lui qui chante pour chaque partie du jeu un air folklorique et prononce le mot-clé du jeu. "Son talent dans l’interprétation décide de l’attraction ou non de nombreux participants. Seul celui qui dispose d’une large connaissance sur les airs de +bàichoi+, et fait preuve à la fois d’intelligence, de malice, de créativité et de grâce, peut mener le jeu", confie Thu Huong qui endosse le rôle de Hiêu depuis dix ans à Hôi An. Selon elle, les Hiêu éminents sont assez nombreux à Hôi An ; parmi eux figurent notamment Luong Dang, Ngoc Huê, Lê Nga, Thu Huong, Thu Sang, Minh Nhanh, Van Quy…

L’art de bài choi se caractérise par un répertoire riche en airs folkloriques, parmi lesquels se distinguent quatre airs anciens : Xuân nu, Xang xê, Cô ban et Ho Quang. L’originalité du bài choi réside en premier lieu dans l’inspiration du Hiêu. Il doit être capable d’improviser (tung hung en vietnamien) et de jouer seul plusieurs personnages en même temps (dôc diên). Les accessoires et costumes de scène sont considérés comme secondaires comparés à la qualité d’improvisation du Hiêu.

Une seconde jeunesse pour un art folklorique

Des études ont montré que le bài choi est relié au nom de Dào Duy Tu (1571-1643), une célébrité militaire et culturelle du Vietnam. L’histoire raconte que c’est lorsqu’il dirigeait le défrichage et le développement de la région de Binh Dinh qu’il a créé cet art chantant, qu’il a ensuite appris à ses hommes. Ceux-ci le pratiquèrent dans les miradors installés ici et là dans les champs, lorsqu’ils gardaient le bétail contre les animaux sauvages. D’où le nom de bài choi, littéralement "chant en miradors".

Plus tard, envoyé par la Cour royale à Quang Binh pour diriger la construction d’un ouvrage hydraulique, celui de Luy Thây, Dào Duy Tu a transmis ce chant aux habitants locaux. Avec le temps, le bài chòi s’est répandu partout dans la région côtière du Centre, de Quang Binh à Khanh Hoà. Actuellement, les provinces de Binh Dinh et Quang Nam sont à la pointe dans la sauvegarde et le développement de cet art, avec une centaine de troupes et de clubs amateurs.

Les plaquettes en bois utilisées dans la représentation de "bài choi".
Photo : Thu Hà/CVN

Lors du séminaire international intitulé "L’art de bài choi du Vietnam et les arts scéniques analogues dans le monde", tenu en 2015 à Binh Dinh, l’Artiste émérite Nguyên Kiêm, 80 ans, a joué en solo la pièce "Le chef du village a le béguin pour une jeune fille". Pour lui, la forme de "spectacle sur tapis", estimée comme la plus flexible, représente la quintessence de l’art du bài choi. Et d’expliquer : "Il suffit d’un tapis étalé n’importe où, pour que le Hiêu se produise à merveille, jouant parfois en solo différents personnages, interprétant des airs aussi bien classiques que populaires. Cette flexibilité lui permet de plaire à tous".

Avec ce classement en tant que patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, la préservation, la diffusion et la promotion du bài choi font désormais partie des priorités. Auparavant, le savoir-faire de cet art n’était transmis qu’oralement et dans un cadre familial. La situation a changé. Le Service de la culture et des sports de Quang Nam prête attention à la formation de jeunes artistes. Nombre de troupes et de clubs amateurs ont été créés, attirant la participation enthousiaste des habitants, des jeunes notamment, parfois des familles entières. De plus, cet art chantant a été introduit dans le programme scolaire d’écoles primaires et collèges.

Selon Dinh Hai, directeur dudit Service, ces derniers temps, "de nombreuses troupes de théâtre de la région Centre ont monté avec succès des pièces combinant chants folkloriques et +bài choi+".

La préservation de cet art et sa transmission aux générations futures sont sur la bonne voie. Le principal est qu’il demeure ou redevienne un patrimoine enraciné dans le quotidien des habitants, bref qu’il reste "vivant". Car pour être vivant, un patrimoine ne doit pas être simplement restauré et étudié, mais transmis et fermement ancré dans la société où il a vu le jour.

Règles du jeu de bài choi

Au début du spectacle, l’un des meneurs de jeu distribue à chaque joueur trois plaquettes de bois sur lesquelles sont gravés soit une figure d’homme, soit un objet ou un animal, accompagnés au-dessous d’un mot en vietnamien. Il y a en tout une trentaine d’images différentes dont chacune correspond à un air particulier.

La partie (qui coûte une petite somme de 20.000 dôngs par participant) commence quand le meneur de jeu ("Hiêu") tire un bâton de bambou sur lequel figure un mot clé que lui seul voit. Il entonne (soit en duo, soit en solo) un air folklorique, dans lequel le mot clé sera prononcé. Il suffit alors au joueur de tendre l’oreille et de donner un coup de claquette de bambou si le chant qu’il entend correspond au mot et à l’image de sa plaquette. Si l’air est le bon, le meneur lui donne un drapeau jaune. Le chant reprend jusqu’à ce que l’un des joueurs obtienne le plus de drapeaux. Le premier, qui réunit trois drapeaux jaunes, gagnera la partie.

À Hôi An, le vainqueur reçoit en cadeaux une lanterne (symbole de la vieille ville) et un CD du groupe de bài choi.


Nghia Dàn/CVN

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