Rattachés au groupe linguistique malais, les Êdê, que certains Français appellent Rhade, vivaient à l’origine dans des régions maritimes. Ils ont d’abord élu domicile au centre du Vietnam avant de migrer vers des terres plus en altitude, vers les hauts plateaux du Tây Nguyên, durant une longue période allant de la fin du 8e au 15e siècle. Mais rien n’a pu effacer dans leur mémoire les images de l’eau et du bateau.
La maison longue, cet édifice typique des Êdê, a en effet la forme d’un long bateau dont le plafond n’est pas sans évoquer un rouf. C’est une maison sur pilotis peu élevée, qui s’étend en longueur, de 15 à 100 mètres selon la taille de la famille qui en est propriétaire. Luu Hung, directeur adjoint du musée d’ethnographie du Vietnam explique que "cette maison longue traduit les principales caractéristiques culturelles des Ede, dont la société est fondée est matriarcale et matrilinéaire. L’un des symboles les plus frappants de ce système, ce sont ces sculptures de seins féminins bien arrondis que l’on trouve sur l’escalier situé à l’extrémité nord et sur les poteaux de la maison. Les objets utilisés dans la maison sont aussi typiques du système matrilinéaire".
Dans une famille Êdê, il convient donc de parler plutôt de la maîtresse que du maître de céans. Les enfants portent le nom de leur mère et les fils n’ont pas droit à l’héritage. Une fois marié, l’homme va vivre chez sa femme. Les femmes héritent des biens de leurs parents et c’est la cadette qui prend en charge à la fois la maison de culte et le soin de ses parents. Lorsqu’une femme se marie, la maison se rallonge au sens littéral pour accueillir la nouvelle cellule familiale. Pour savoir si une femme Ede est déjà mariée, il suffit de regarder sa fenêtre. Si elle est ouverte, alors attention, vous avez affaire à une femme mariée !
Autrefois, les Êdê vivaient de chasse, de cueillette, de travaux champêtres, de pêche, mais aussi de la vannerie et du tissage. Leur grande particularité agricole, c’est l’assolement. À côté des terres cultivées, les Ede conservent des terrains en jachère pour qu'ils se régénèrent. Aujourd’hui, les cultures pratiquées ont évolué vers celle de plantes industrielles comme le caféier, l’hévéa, le poivrier et le cacaotier. Côté élevage, ils élèvent des buffles, des boeufs et des éléphants. Ils continuent de pratiquer la vannerie, de confectionner des objets en cuivre, en bois ou en céramique qui sont utilisés aussi bien dans les cérémonies de culte que dans la vie quotidienne.
À l’instar d’autres groupes ethniques du Tây Nguyên, les Êdê considèrent Giàng - le Ciel en français - comme étant la divinité suprême. Dans leur croyance, les phénomènes de la nature ont chacun leurs génies, on a ainsi les génies de la pluie, de la montagne, de la rivière et de la forêt... Chaque objet, que ce soit une herbe ou une maison, abrite une âme. Nguyên Tru, chercheur, souligne que "ce sont les conditions naturelles, les rivières et les montagnes, qui ont créé la culture des Êdê. En honorant les génies liés à ces phénomènes naturels, ils expriment leur gratitude envers la nature comme envers leurs ancêtres. Ceci est particulièrement clair dans leur musique de gongs qui imite le son de la montagne et de la rivière".
Les Ede préservent toujours leurs fêtes traditionnelles, cérémonie de sacrifice du buffle, pendaison de crémaillère, cérémonie de passage à l’âge adulte... Ils possèdent tout un trésor de littérature orale composé de mythes, de contes de fée, de comptines, et surtout d’épopées, dont les plus connues sont Dam San, Dam Kteh M’lan. C’est un peuple mélomane qui joue du gong, du tambour, de la flûte et d’autres instruments traditionnels comme le Goc, le Kni ou le Dinh Nam.
Modernisation oblige, la physionomie des villages Êde change rapidement. Mais les membres de cette ethnie s’attachent à préserver leurs traditions ancestrales. Ils sont bien conscients du fait que la sauvegarde de leur identité contribue à enrichir la culture vietnamienne.
VNA/CVN