L’empreinte de l’architecture française à Hanoi

À Hanoi, qui dit belles architectures dit vieux quartier des 36 rues de corporations et ex-quartier français au sud et à l’ouest du Petit lac. Ce dernier, avec ses rues ombragées bordées des constructions d’allure européenne, fait partie désormais du patrimoine architectural de la capitale.

Si le vieux quartier se distingue par ses petites maisons juxtaposées aux toits de tuile, l’ex-quartier français (là où était concentrées les habitations des colons, par opposition à la «ville indigène» ou «ancien quartier» actuellement) se caractérise par ses villas élégantes, dont beaucoup sont désormais occupées par des ambassades. Introduite au Vietnam vers la fin du XIXe siècle, l’architecture française s’est épanouie au fil des décennies, notamment à Hanoi, tout en cherchant à s’harmoniser graduellement avec son environnement oriental. Vers le milieu du XXe siècle, ce style est parvenu à s’affirmer en tant que trait caractéristique de la physionomie de cette ville orientale.

La rue Lê Thai Tô où trônent beaucoup de maisons d’architecture française.


Deux périodes, deux styles
Le processus d’implantation de l’architecture française à Hanoi s’est étalé sur deux périodes différentes :
La première, de 1900 à 1920, est vue comme une «imposition stricte de l’architecture française», avec l’apparition de constructions au style tout à fait français. À cette époque, les ouvrages architecturaux publics érigés par les Français visaient à montrer la puissance et la modernité de l’Occident, et asseoir la domination sur le pays. Des architectes français renommés de l’époque, comme Henri Auguste Vildieu, Andre Bussy, Broger, Harioy… ont introduit les modèles alors en vogue en France.
D’un aspect imposant, ces constructions généralement à toit d’ardoise se trouvaient dans les rues principales de la ville. Les plus connues sont la Résidence du gouverneur général (actuellement Palais présidentiel) au bout de la rue Puginier (actuellement rue Diên Biên Phu), l’Opéra de Hanoi au bout de la rue Paul Bert (Tràng Tiên), la Gare de Hanoi au bout de la rue Gambetta (Trân Hung Dao)… Ou encore la Résidence du gouverneur du Nord (actuellement Maison des hôtes du gouvernement), l’hôtel Métropole rue Ngô Quyên, le Tribunal suprême rue Ly Thuong Kiêt …
Sans oublier le fameux pont Paul Doumer (rebaptisé aujourd’hui pont Long Biên) enjambant le fleuve Rouge, dont la conception a été réalisée par Gustave Eiffel lui-même.

Le pont Long Biên.


La seconde période, de 1921 à 1954, est marquée par un style architectural «mixte», un mariage entre l’Occident et l’Orient. C’était en effet la différence entre deux cultures - occidentale et orientale - qui a incité à cette «mutation» de l’architecture française, ce dans l’intention d’être en harmonie avec les conditions culturelle, sociale et environnementale locales. Sont apparu à cette époque, à Hanoi, de belles constructions françaises d’une architecture censée associer la modernité monumentale de l’Occident et le charme classique de l’Orient. L’architecte français Ernest Hebrard a été le pionnier de cette tendance.
Nombreux sont les ouvrages typiques de l’époque, marqués par un toit de tuile rouge et un mur peint en jaune : l’Université de l’Indochine (actuellement l’Université de la pharmacie, construite entre 1923 et 1926), le siège du Service des finances (actuellement ministère des Affaires étrangères, construit en 1925-1931), l’École d’extrême-Orient (aujourd’hui Musée de l’histoire du Vietnam, 1928-1932), l’Institut Pasteur (achevé en 1930), l’Église Cua Bac (construite de 1925 à 1930), la Banque de l’Indochine (aujourd’hui Banque d’État du Vietnam, construite après les années 1930), le club de la Marine (aujourd’hui siège du Département de l’éducation physique et des sports, achevé en 1939).
Deux mille villas coloniales françaises
À côté de ces bâtiments dont beaucoup avaient une fonction administrative ou du moins communautaire, sont apparues de nombreuses villas de familles françaises le long des rues Trân Hung Dao, Ly Thuong Kiêt, Hai Bà Trung, Diên Biên Phu, Lê Hông Phong, Phan Dinh Phùng... Un quartier français a ainsi vu le jour, avec des maisons (2.000 selon les estimations) aux styles très variés, à l’instar des styles traditionnels des diverses régions françaises. Sans oublier des établissements d’enseignement comme le lycée d’Albert Saraut, les écoles Phan Dinh Phùng, Trân Phu, Chu Van An.
Ces constructions françaises font partie désormais du patrimoine architectural de la capitale. On peut saluer au passage les autorités vietnamiennes qui auraient pu choisir de faire table rase du passé et de raser toutes ces habitations symboles de 80 ans de présence et domination françaises, mais qui ont préféré au contraire les conserver «dans leur jus».
Beaucoup d’entre elles ont été le théâtre d’événements historiques de la Révolution vietnamienne, et sont devenues des vestiges historiques. On peut citer la Résidence du gouverneur général, la Résidence du gouverneur du Nord, la Banque de l’Indochine, la villa au 90, rue Tho Nhuôm, celle au 101, rue Trân Hung Dao.

Nghia Dàn/CVN

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