Winsor McCay, explorateur de rêves à l'aube de la BD

Pionnier de la bande dessinée et du dessin animé, l'Américain Winsor McCay fait l'objet d'une exposition exceptionnelle à Cherbourg (Manche): une soixantaine de planches originales restituent la finesse et l'inventivité de son univers onirique et drôle.

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+Little Nemo+ écrit par Winsor McCay.
Photo : ST/CVN

"Il est aujourd'hui presqu'inconnu du grand public, même si tous les auteurs de BD reconnaissent en lui un père incontournable. Mais, à l'époque, c'était une véritable vedette", explique François Schuiten, co-commissaire, avec Benoît Peeters, de cette exposition programmée jusqu'au 1er octobre.

Les prolifiques auteurs de la série BD Les Cités obscures en ont également signé la scénographie de l'exposition.

À l'aube du XXe siècle, des millions d'Américains se laissent en effet happer par sa pleine page de bande dessinée en cinq couleurs qui surgit de la grisaille des journaux de l'époque.

Ils plongent dans un univers "merveilleux", où McCay (1869-1934), contemporain à la fois de Freud et de Méliès, semble avoir transposé ses rêves d'enfants, mais avec une technique rarement atteinte par la suite dans l'histoire de la BD, selon François Schuiten.

L'Américain Winsor McCay, pionnier de la bande dessinée et du dessin animé.
Photo : ST/CVN

Le galeriste Bernard Mahé a rassemblé une soixantaine de planches originales, venues de France, Belgique, Italie et Espagne, pour cette 8e Biennale du 9e art de Cherbourg. Une première mondiale, selon les commissaires.

Chaque page de Little Nemo, son personnage le plus connu dont il dessinera 549 épisodes, raconte un rêve du petit garçon de six ans qui finit toujours par se réveiller, cheveux ébouriffés dans son lit.

"Les maisons courent. Les colonnes grecques se changent en arbre et les arbres en rhinocéros", relève Benoît Peeters.

McCay sidère par son inventivité, sa fraîcheur, la précision avec laquelle il restitue une scène subaquatique ou les perspectives vertigineuses de son personnage embarqué sur un dirigeable.

Dans ce monde le "petit", apparemment fragile, peut d'un souffle renverser le plus imposant des buildings.

Témoin amusé

Lui-même homme de petite taille, McCay est un "témoin amusé" d'une époque où poussent les gratte-ciel, pétaradent les nouveaux moyens de transports, sonnent les premiers téléphones, souligne François Schuiten. "À cette époque, la presse écrite est la seule source d'information. Jamais la BD n'aura eu une telle visibilité. On s'arrache ses auteurs", ajoute l'artiste belge.

La richesse du dessin de McCay est telle que le texte est presque superflu, le mettant à la portée des migrants qui ne maîtrisent pas encore l'anglais.

"Admiré par Disney, Miyazaki, Moebius, Art Spiegelman et bien d'autres, il est un multiprécurseur, de la BD, du dessin animé et du spectacle multimédia. Il monte sur scène, donne une banane au dinosaure animé à l'écran qui avale" le fruit, s'enthousiasme encore François Schuiten.

McCay signe en 1918 le premier dessin animé documentaire pour "rendre ce qu'on ne pouvait voir, ce qui ne peut être filmé", selon le dessinateur belge: Le Naufrage du Lusitania, paquebot torpillé en mai 1915 par les Allemands.

"Les hommes seront bientôt éduqués au point d'avoir perdu tout intérêt pour des images fixes", pense McCay. Ne concevant le dessin animé que comme un art solitaire, il se fait toutefois vite dépasser par son industrialisation. Il mourra quelques heures après avoir constaté la paralysie de la main avec laquelle il dessinait.

En l'absence de livres, il va sombrer dans l'oubli jusqu'aux années 60, où il est réédité en France. "Mais encore aujourd'hui, les Américains le valorisent très mal", déplore François Schuiten.


AFP/VNA/CVN

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