* Pourquoi la restructuration du secteur public demeure-t-elle essentielle pour la réforme de l'économie nationale durant la prochaine décennie ?
Il s'agit d'un élément important sinon prédominant de notre économie, sur le plan quantitatif comme qualitatif. Certains segments - stratégiques - de l'économie tels que télécoms et transports sont des domaines privilégiés du secteur public qui a un rôle primordial. De mêmes, la plupart des ressources naturelles et autres minéraux sont gérés et exploités par les entreprises publiques. Le secteur est important aussi sur le plan des finances publiques : actuellement, un tiers des investissements du gouvernement vont à ce dernier, de même que l'État est garant de nombreux crédits souscrits à l'étranger par les entreprises publiques... Depuis une vingtaine d'années où la restructuration a été lancée pour des raisons d'organisation et de rentabilité, beaucoup de travail a été effectué, ainsi le nombre de ces entreprises est passé de 12.000 à 1.500, et simultanément leur chiffre d'affaires a nettement progressé.
Toutefois, en l'état actuel, le secteur public connaît toujours des problèmes. Sa contribution au développement national est trop modeste encore. D'une part, la croissance de sa production industrielle est régulièrement inférieure à celle des autres secteurs, voire même inférieure à la moyenne nationale. D'autre part, il ne contribue qu'à 35% du PIB national, et seulement 25-27% pour les entreprises publiques proprement dites. La poursuite de la restructuration s'impose donc toujours.
* Si cette restructuration n'a pas encore abouti aux résultats escomptés, quelles en sont les causes d'après vous ?
Je pense qu'il y a trois causes principales. D'abord, le statut, le régime et les moyens juridiques des biens publics ne sont pas adaptés aux spécificités d'un emploi économique par de telles entreprises. Le second tient lato sensu à l'ouverture... Les entreprises publiques ne sont pas encore parvenues à fonctionner selon les règles d'une économie de marché alors que notre économie a réalisé nettement sa transition vers cette dernière. Enfin, la plupart des entreprises publiques sont faibles en matière d'intégration, donc de compétitivité. Les constats sur ces points sont de problèmes de management - trop éloignés des standards internationaux - et plus généralement de ressources humaines, de mobilisation de capitaux que ce soit dans le pays ou à l'étranger, et aussi d'un manque de recherche de nouveaux débouchés...
* Alors quelles sont les orientations à donner à cette restructuration pour la prochaine décennie ? Quelles en sont les essentielles ?
Il faut faire en sorte que les principes et mécanismes fondamentaux d'une économie de marché soient appliqués à ces entreprises, ce qui implique aussi une modification des données de la tutelle de l'État sur plusieurs plans.
Dans l'immédiat, il faut supprimer les décisions d'autorités de tutelle prescrivant l'octroi de crédit par une entreprise publique à une autre, et le gouvernement ne doit échelonner le remboursement des dettes envers l'État qu'en cas exceptionnel, et de même pour la prise en charge par ce dernier du paiement de leurs dettes.
Ensuite, les objectifs annuels de ces entreprises, groupes et compagnies générales doivent être fixés différemment, non plus seulement en termes de chiffre d'affaires, de bénéfices et de croissance d'actif, mais aussi de niveau de développement, de compétitivité, de position dans la région et dans le monde, etc. Pour les secteurs d'activité où l'État conserve une présence forte ou totale pour les raisons habituelles de sensibilité, de stratégie ou de défense nationale, le développement de nouveaux débouchés doit être privilégié. Par ailleurs, le régime et les mécanismes de la tutelle de l'Etat au regard de ces entreprises doivent satisfaire aux principes comme aux normes internationales couramment admises.
Enfin, sur un plan plus général, l'État doit déterminer et faire entendre de manière claire que ce secteur public est un outil majeur de la politique d'industrialisation du pays. Pourquoi ? La raison en est très simple : le rôle du secteur privé demeure modeste, et l'industrialisation du pays ne peut se fonder principalement sur un secteur à participation étrangère, ce pour des raisons d'évidence...
Phuong Mai/CVN