Dao Mercier (droite) et sa grande fille Coraline. |
Dao Mercier est de retour pour quelques semaines dans sa ville de cœur, Hô Chi Minh-Ville, auprès des siens et de tous ses anciens collègues de l’Institut d’échanges culturels avec la France (IDECAF) et de l’Université des sciences sociales et humaines - Département des lettres françaises.
C’est dans ces deux places fortes de la Francophonie et de la culture que Dao Mercier a fait ses premiers pas dans l’enseignement du français entre 1986 et 1992.
Et pourtant, Dao n’avait pas spécialement envie ni la vocation pour l’enseignement du français. Elle se voyait dans d’autres habits. Elle aime à raconter que c’est son père qui lui a fortement recommandé de suivre cette filière-là. «Regarde, ton niveau de français est excellent et c’est là que tu es la plus à l’aise, n’est-ce pas ?». Et c’est à peu près dans ces termes que tout a commencé pour cette femme déterminée.
Tellement déterminée qu’en 1992, elle obtient une bourse de la Suisse pour perfectionner ses connaissances et découvre ainsi l’Europe et plus exactement la charmante région de Neuchâtel où vit d’ailleurs une petite communauté vietnamienne d’environ une centaine de personnes.
L’histoire est belle puisque au cours de sa nouvelle vie, elle rencontre l’homme de sa vie, un chef cuisinier normand, qui devient son époux et le père de ses deux filles.
À la fin de sa formation, ils retournent tous les quatre au Vietnam et retrouvent avec passion la vie professionnelle : l’enseignement pour Dao et le resto de l’hôtel Majestic pour son mari. Mais comme souvent dans la vie de Dao, des éléments se mettent en travers. Le plan prévu ne peut aboutir.
En effet, nous sommes à la fin des années 90 et l’Asie est frappée de plein fouet par la crise. Le Vietnam, on s’en souvient, n’est pas épargné et le rêve de s’installer durablement à Hô Chi Minh-Ville s’éloigne.
Il faut alors penser à retourner en Europe pour la petite famille et cette fois-ci pour l’Hexagone.
Retour en Europe
C’est en 1998. La France a gagné la Coupe du monde de foot et un faux air de bonheur se propage un peu partout. Pourtant, les premiers pas en France de la petite famille sont très difficiles. Tout n’est pas rose, loin de là. Dao se forge ainsi une solide carapace, s’endurcit et découvre avec stupeur que la misère et la précarité existe aussi en France. Surtout, des gens ne savent ni lire, ni écrire et ça pour Dao, c’est trop difficile à digérer.
Et c’est parti pour une nouvelle vocation : l’alphabétisation des adultes. Et de nouveaux buts : apporter du bonheur, des sourires, aider, réconforter, encourager…
Ses années d’expérience dans l’alphabétisation en France lui permettent de continuer de se former tous les jours sur le terrain. Et le terrain, c’est sa vie. Dao aime à le répéter. Grâce à ses activités très variées, elle développe une grande capacité d’adaptation et une bonne connaissance de publics très divers.
Mais vous l’avez compris, la vie de Dao est faite d’aller-retour.
2005, il faut prendre un nouveau départ et revenir aux sources. Mais alors lesquelles ? Vietnamiennes ou suisses ?
Suisses, dans un premier temps. Dao et son clan retrouvent le calme et la douceur de Neuchâtel. Elle pense trouver facilement le même travail qu’en France. Pourtant, le contexte professionnel n’est pas du tout le même, les qualifications professionnelles également et les différences culturelles entre la Suisse et la France sont considérables. Incroyable pour des pays voisins et ayant par ailleurs une langue commune.
C’est à force de courage et de pugnacité que Dao fera son chemin et retrouvera sa place dans le domaine de l’alphabétisation et de la formation d’adultes.
Toute son énergie va aller vers ce public spécifique et Dao va même plus loin. Elle se rend compte de la rareté des manuels d’apprentissage du français pour les personnes analphabètes et elle se lance dans la conception d’un tel ouvrage en compagnie d’une collègue française, Isabelle Némery-Huron, quasi bénévolement au départ.
Le programme Alpha+, un projet pilote
De là va naître leur bébé : le programme Alpha+ (www.alphaplus.123website.ch).
Ce dernier est aujourd’hui reconnu comme projet pilote par l’Office fédéral des migrations et leur a valu différents prix et distinctions. Une belle revanche dans un secteur où les éditeurs étaient très frileux.
Dao Mercier n’est jamais à cours d’idée, ni d’énergie. Elle en profite aussi pour aider tous ses concitoyens et aime le côté progressiste du Canton de Neuchâtel.
Aujourd’hui armée de tous ses diplômes et de toutes ses expériences, Dao n’a qu’une envie : aider son pays, aider la Francophonie au Vietnam et aider les jeunes enseignants de français langue étrangère.
Elle pense déjà à l’été prochain où elle pourrait organiser toute une série de formations courtes au profit des jeunes enseignants de l’IDECAF. La boucle serait ainsi bouclée pour elle.
Entre-temps, d’autres idées lui viendront de sa grande fille Coraline qui va rester ici, à Hô Chi Minh-Ville, pour vivre complètement à la vietnamienne et aussi aider les professeurs et les élèves. Suivre les traces de sa maman en quelque sorte.
Une belle histoire familiale et une belle famille que celle de Dao Mercier.
Texte et photo : Hervé Fayet/CVN