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La beauté simple des femmes Thai Blanc. |
Photo: CTV/CVN |
Pour les Thai Blanc, une ethnie minoritaire de Muong Sô, province de Lai Châu, dans la région montagneuse septentrionale du Vietnam, le ruisseau de la commune est vu comme un génie bienfaisant et étroitement lié à la vie quotidienne de chacun.
Il s’agit en effet d’une source de vie qui approvisionne la population en eau, qui arrose les cultures et fournit de la nourriture… "Plus que cela, le ruisseau est censé apporter bonheur, chance, prospérité et santé, toutes choses positives en somme, à ceux qui se lavent les cheveux dans son cours le jour précédent le Têt (le Nouvel An lunaire)", révèle Hoàng Ngoc Suu, patriarche du village de Vang Pheo.
Selon lui, cette étrange tradition ancestrale est religieusement respectée; il s’agit en effet d’une des fêtes communautaires les plus importantes de l’année. "Cette tradition se pratique depuis la nuit des temps dans la commune de Muong Sô. C’est une cérémonie qui dure toute la matinée, elle est rythmée de plusieurs rites différents", éclaire Hoàng Ngoc Suu.
Fête rituelle au ruisseau
Dès le petit matin du 30e jour du dernier mois lunaire, au village de Vang Pheo règne une atmosphère effervescente. Selon la tradition, les familles abattent chacune un cochon pour en faire un festin copieux réunissant tous les membres de la famille. Une fois le repas terminé, on se prépare déjà à partir au ruisseau. Aux sons tumultueux des tambours, les villageois affluent à la maison communale, chacun emportant une bassine et un petit récipient rempli d’eau obtenue après le lavage des grains de riz (avant leur cuisson) ainsi qu’une pincée de poudre de gousses de Gleditsia grillées - plante populaire servant de shampoing naturel et qui donne aux cheveux un bel éclat. À cela vient s’ajouter évidemment un ensemble de vêtements neufs.
Fête du lavage des cheveux chez les Thai Blanc à Lai Châu (Nord). |
Photo: ST/CVN |
"La cérémonie du lavage des cheveux est une fête qui se perpétue avec la participation chaleureuse de tout le monde, hommes et femmes, de tous âges, des bébés aux vieillards. Si quelqu’un n’y participe pas, il est dit que la malchance le poursuivra toute la nouvelle année durant", explique le chef du village.
Une cérémonie cultuelle se déroule à la maison communale. Entouré des villageois, le patriarche plante des baguettes d’encens sur l’autel des ancêtres, demandant ainsi la permission d’ouvrir les festivités. Ensuite, la foule prend le chemin du ruisseau de Nâm So, situé non loin du village. Le long du ruisseau, sont également présents d’autres groupes de personnes venus de divers villages avoisinants de la commune de Muong Sô.
La cérémonie principale commence vers 10h00. Des baguettes d’encens sont plantées ici et là sur la rive. Au nom des villageois, les patriarches se prosternent devant le cours d’eau, prient et implorent la protection du Génie de l’eau. Les vœux sont vertueux: on souhaite prospérité pour le village, santé pour les villageois, bonheur pour les familles, succès dans les études pour les écoliers, météo favorable pour les cultures et abondance pour les récoltes, notamment… "Que nos vœux soient exaucés et que la malchance périsse!", entonnent en chœur les villageois dans une ambiance solennelle. Vient ensuite le moment tant attendu de se jeter, corps et âme, dans les eaux limpides du ruisseau, et de laisser ses cheveux ondoyer parmi les flots.
Des chevelures qui font tourner les têtes
Les femmes Thai Blanc sont connues pour leurs longues et magnifiques chevelures noires. |
Photo: ST/CVN |
Les femmes Thai Blanc sont célèbres pour arborer fièrement des chevelures magnifiques, à la fois longues, robustes et d’un noir de jais brillant. Le secret se cache notamment dans la fameuse décoction faite maison qu’elles utilisent habituellement en guise de shampoing. Préparé selon la tradition, ce mélange de couleur blanc ivoire, possède des vertus capillaires inattendues. "Ce mélange naturel, je le prépare au petit matin. Il permet de nettoyer le cuir chevelu et de nourrir les cheveux, tout en leur donnant un parfum agréable", confie en souriant Mang Thi Giang, 20 ans. Cette jeune fille, à la longue chevelure noire ébène et aux lèvres roses pourpres "a fait tourner la tête de plus d’un garçon de la région!", s’amusent ses amies.
"L’année prochaine sera belle et bénéfique. C’est dans cet espoir que nous accueillerons demain le Nouvel An, avec des vêtements neufs et des cheveux propres et bien soignés". La confidence et la joie de Hoàng Ngoc Suu sont partagées par nombre de villageois.
Près du ruisseau de Muong Sô, se dresse un temple ancien dédié au culte de Han. "Il s’agit d’une héroïne canonisée en raison de ses mérites dans la résistance contre des agresseurs", explique le chef du village. Une légende qui explique merveilleusement cette coutume séculaire des Thai Blanc. À la mémoire de cette héroïne, la "Fête de Han" est organisée chaque année, au 15e jour du 2e mois lunaire, à Muong Sô.
La légende d’une héroïne
Il était une fois à Lai Châu, une famille pauvre qui mit au monde une petite fille du nom de Han. À la fleur de l’âge, Han montra une beauté extraordinaire. Ce fut en ce temps-là que des agresseurs étrangers envahirent le pays, pillèrent les villages, tuèrent les habitants innocents… La jeune fille patriote voulut s’enrôler dans l’armée pour expulser les ennemis. Face au refus catégorique de ses parents, elle se rasa les cheveux, se travestit en garçon et partit clandestinement pour le front. Intelligente et courageuse, la soldate déguisée devint en peu de temps un haut commandant de l’armée, contribuant grandement à la victoire du pays sur les agresseurs. Une fois les ennemis boutés hors du pays, Han revint au ruisseau de Muong Sô. Elle s’y baigna et se lava la tête dans ses eaux limpides. Par miracle, elle retrouva sa belle et longue chevelure d’antan. Le cœur rempli de joie et du sentiment du devoir accompli, elle prit son envol vers le Ciel et fut sanctifiée.
Nghia Dàn/CVN