Une spécialité gastronomique singulière à Lâp Thach

Avez-vous déjà entendu parler d’une coutume où manger de la terre est considéré comme spécialité gastronomique ? C’est le cas dans une région montagneuse de la province de Vinh Phuc, où une poignée de fervents pratiquent encore cette étrange tradition.

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Dans les années 1980, la quasi-totalité des habitants du district de Lâp Thach, province de Vinh Phuc (Nord), s’adonnaient à cette coutume singulière qu’est de manger la terre. Mais attention, ce n’est pas n’importe quelle sorte de terre qui y est dégustée. Il s’agit spécifiquement d’une sorte d’argile blanche et friable similaire au kaolin que l’on peut trouver à plusieurs mètres de profondeur aux pieds des montagnes. À l’époque, ladite «spécialité» de Lâp Thach était vendue aux marchés locaux à titre de friandises.

«Cet encas de Lâp Thach était si réputé que nombreux étaient les gens d’ici et d’ailleurs qui se rendaient sur place pour s’y procurer cette friandise singulière», se souvient le septuagénaire Dô Van Binh, chef du village de Thông Nhât, district de Lâp Thach. Quand à l’origine de cette tradition, ce dernier penche sur l’hypothèse des années de misère de 1944-1945 où les ravages de la faim ont poussé les habitants à explorer toutes sources d’éléments consommables possibles.

Pour être mangeable, cette sorte d’argile blanche et friable, exploitée à plusieurs mètres de profondeur aux pieds des montagnes, doit être fumée.

À l’heure actuelle, cette coutume se perd peu à peu à Lâp Thach. Cependant, une poignée d’adeptes persistent et semblent de ne pas vouloir abandonner cette habitude, notamment le couple Không Van Loa (87 ans) et Không Thi Biên (85 ans), domiciliés dans le village de Thông Nhât.

Chez Không Thi Biên, les bouts d’argile sont conservés dans un panier de bambou placé en évidence à l’entrée de la maison. Prenant deux morceaux «sculptés» en forme de bonbons, la femme âgée avoue les consommer à tout moment de la journée et dès qu’elle en a envie, tel un enfant désireux de manger des sucreries. Elle met le premier dans la bouche, mâche lentement et invite le visiteur à faire de même en lui offrant le second.

«Une fois que vous y avez pris goût, pas moyen de s’en passer ! C’est comme manger du manioc séché mais avec une saveur plus moelleuse. C’est vraiment délicieux !», explique-t-elle en voyant la claire réticence de son interlocuteur.

Des «bonbons» fumés

Le couple Không Van Loa et Không Thi Biên n’a de cesse de parler de cette spécialité et raconte avec enthousiasme son origine ainsi que ses méthodes de traitement. Il ne s’agit pas de n’importe quelle sorte d’argile. Similaire au kaolin, cette argile se trouve dans les tréfonds, aux pieds des montagnes.

Mme Biên déguste ses friandises préférées.

«Une fois ramassée, la masse de terre est séchée et tranchée en petits morceaux, sous forme de bonbons ou de lamelles de chocolat. La dernière étape et non des moindres est le fumage. En effet, c’est cette technique qui rend toute sa saveur à ce met particulier», affirme M. Loa. M. Loa précise que cette dernière étape consiste à placer les morceaux d’argile au-dessus d’un feu ou brûle de la paille ainsi que des feuilles d’eucalyptus pendant environ une trentaine de minutes.

Questionnée sur l’effet de cet encas sur la santé, Mme Biên affirme qu’elle mange de la terre depuis l’âge de 20 ans et qu’elle se sent en pleine forme et tout à fait normale. «Mon mari et moi pouvons nous priver de riz pendant un ou deux jours mais ce type d’encas quotidien nous est indispensable !», affirme l’octogénaire. D’après le couple, les vertus de cette terre miraculeuses sont multiples : apport en fer et en calcium, éléments particulièrement sains pour les femmes enceintes notamment.

Cependant, même si plusieurs délégations vietnamiennes et étrangères se sont rendues sur place afin d’étudier cette argile de plus près, aucune conclusion sur le plan scientifique n’a encore été donnée quant aux vertus positives supposées de cette terre «miraculeuse».


Texte et photos : Linh Thao/CVN

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