À la découverte du pays en dehors des sentiers battus. |
Photo: Gérard Bonnafont/CVN |
Quelques images qui se dessinent dans les souvenirs. Une évasion dans un Vietnam de rêve que peu d’étrangers connaissent… Pas si loin de Hanoï et pourtant si loin de cette vie turbulente qui agite en permanence la capitale. Une façon de passer de l’autre côté du miroir.
C’était il y a longtemps déjà, et même si depuis, de beaux rubans goudronnés se sont déroulés pour conduire les visiteurs dans ces monts d’un Vietnam ancestral, il existe encore des voies buissonnières qui tracent leur chemin cahotant. Une façon de nous faire mériter le détour.
Tout en finesse
Une longue route qui paye un lourd tribut à la fièvre constructrice qui s’est emparée du pays conduit hors de la métropole. Une pluie drue couvre la chaussée. La voiture tangue, valse de trou en trou, brinqueballe ses passagers de tout côté en striant le paysage de longues éclaboussures de terre. Au moment où le soleil reprend ses droits, laissons la route filer sur la province montagneuse de Lào Cai (Nord-Ouest), pour emprunter une piste qui conduit jusqu’à la ville des pierres précieuses à Yên Bái.
Peu d’étrangers viennent se perdre dans ce bout du monde dont la spécialité est la taille de rubis, saphir, émeraude et autres pierres destinées à embellir les bijoux. Cette activité cohabite avec la réalisation de tableaux en poussière de pierre collée. Étonnamment kitsch et surannés, ces prouesses techniques font la joie des amateurs: Napoléon en gloire voisine avec maître Tigre en majesté, la baie de Ha Long (province de Quang Ninh, Nord) se mire dans une mer de turquoise en faisant la nique aux vieux murs du Quartier des 36 corporations, recouverts de rubis pour l’occasion.
Rizières en terrasse à Y Ty, une commune du district de Bat Xat, province |
Photo: Anh Tuân/CVN |
Mais, le plus étonnant, ce sont ces étrangers au long nez qui viennent se mêler aux acheteurs. Difficile de passer inaperçus, surtout quand parmi ces étrangers l’un mesure près de 2 m, qu’un autre parle couramment le vietnamien, et qu’un troisième, une grande et magnifique jeune fille, arbore de longs cheveux auburn. Au crépitement des flashs des appareils photo des touristes répond le scintillement des téléphones-photos portables des autochtones…
Le lendemain, aux premières lueurs du jour, la piste joue à saute-mouton avec des cols et des vallées éloignées, à l’écart des grands mouvements de transhumances estivales. Elle porte encore les stigmates de la fureur des rivières lors des dernières grandes pluies. Par endroit, la chaussée est tellement effondrée que devant la fragilité du sol, il vaut mieux quitter le confort des sièges et laisser la voiture franchir seule le passage dangereux.
Après une centaine de kilomètres, des plots sur la route refusent l’accès à un pont. Qu’importe, le chauffeur décide de descendre sur la gauche et sans hésiter traverse la rivière à gué. Petite angoisse quand le capot disparaît totalement sous l’eau pendant une dizaine de mètres…
Les maisons sur pilotis des Thai se blottissent en petits hameaux, le long des rizières et des bananeraies. Les buffles jouent les estivants en prenant bains de boue et de mares. Un vent coulis fait onduler le riz en vagues verdoyantes. C’est un véritable spectacle de cartes postales qui se déroule devant nos yeux ébahis.
Tout en tendresse
Difficile d’oublier le sourire et la gentillesse de tous ces hommes et femmes que nous avons dérangés dans leur vie quotidienne, en décidant d’aller se promener dans ces petits villages. Combien de fois décliner poliment l’invitation à venir prendre du thé, ne voulant pas troubler outre mesure la tranquillité de tous ces gens qui ont ouvert tout simplement leur maison. La plupart n’avaient jamais vu d’étrangers. Les enfants couraient se cacher devant ces diables blancs. Les plus hardis, cachés derrière les jupes de leurs mères, ouvraient des yeux étonnés devant ce monsieur barbu qui, accroupi à leur hauteur, tentait d’engager la conversation. Même le sourire des femmes de notre groupe n’arrivait pas à les rassurer totalement.
Ici, pas de faux-semblant, pas de costumes ethniques pour touristes, pas de souvenirs locaux à vendre, pas d’hôtel tout confort pour voyeurs fortunés. Simplement des gens qui vivent encore selon des traditions ancestrales, des gens qui ont su façonner un paysage fabuleux uniquement pour survivre. Ici, pas de trek organisé, les chemins s’offrent à qui veut accepter de pénétrer dans la jungle, ou courir sur les diguettes des rizières en terrasse, franchir des ponts de bambous qui craquent sous le poids, ou s’engager sur d’improbables passerelles chancelantes qui surplombent des rapides rugissants.
Enfants à Y Ty. |
Photo: Anh Tuân/CVN |
Suivre un sentier, c’est, à coup sûr, rencontrer un buffle qui chemine paisiblement, retournant dans son enclos après le travail à la rizière, c’est arriver subitement dans une cour de ferme adossée à la montagne, près de son bassin à poissons, c’est faire d’inattendues rencontres de H’mông ou de Dao portant fièrement leurs costumes traditionnels.
Difficile de refuser les bananes cuites et recuites par la chaleur, offertes avec un grand sourire édenté par une vieille paysanne assise à l’ombre d’un bambou géant. Ici, tout respire la dignité, la sincérité, la vie…
De gorges en vallée, de maisons sur pilotis en maisons de torchis, de rizières en terrasse en culture sur brûlis, nous avons parcouru un monde presque inviolé, qui nous a donné le plus beau de ce que peut offrir le Vietnam. Difficile d’en livrer les clefs d’accès, mais si l’on accepte de fermer tous les beaux guides touristiques et que l’on prenne les chemins de traverse pour faire l’école buissonnière, alors nul doute qu’un jour s’ouvrira pour les amoureux du “voyager beau” ce petit coin de paradis. Attention, cette merveille se mérite: nos os en capilotade en sont témoins!
Le Vietnam se dévoile à tous de jours en jours, mais il garde encore bien des secrets à découvrir, comme un jeu de piste pour curieux insatiables.
Gérard Bonnafont/CVN