>>Le Tây Bac, une identité culturelle à preserver
Le mariage précoce, l’une des causes de la pauvreté. |
Depuis longtemps, la situation des hameaux du district de Muong Nhe, province de Diên Biên (Nord), est considérée comme préoccupante à cause des mariages précoces. L’impact des campagnes de sensibilisation reste limité.
Le lourd poids des traditions
Après avoir participé à une campagne de sensibilisation sur le planning familiale, organisée par le centre de la démographie et du planning familial du district de Muong Nhe, Ly Po Nu, domiciliée dans la commune de Chung Chai, ne cache pas sa tristesse. Elle n’a pas pu bénéficier d’une aide de 2 millions de dôngs dans le cadre du programme de planning familial car elle s’est mariée de manière précoce.
Née en 1999, Nu et son mari Ly Che Xa vivent ensemble depuis trois ans. Son mari est de l’ethnie Si La. Ils ont maintenant une petite fille de 2 ans. Dans leur modeste maison, il n’y a rien de valeur. En raison du manque de terre, son mari doit travailler aux champs à 10 km de sa maison et rentre une fois par semaine ou parfois même une fois par mois. «Notre enfant est toujours malade et nos conditions de vie sont très difficiles. Je suis triste et je voudrais aussi reprendre mes études», confie Ly Po Nu.
Quant à ses parents, ils ne veulent pas vraiment marier tôt leurs enfants, mais ils n’ont pas d’autres choix. En portant sa petite-fille dans ses bras, Ly Po Long, père de Nu, 41 ans, ne cache pas son amertume : «nous sommes obligés d’accepter leur vie conjugale car ma fille est tombée enceinte».
Ce ne sont malheureusement pas des cas isolés au sein des communautés d’ethnies minoritaires. Dans la commune de Huôi Tu, district de Ky Son province de Nghê An (Centre), la plupart des enfants se marient et deviennent parents à l’âge de 13 ou 14 ans. Beaucoup de parents ne veulent pas vraiment laisser leurs enfants se marier trop jeune. Pourtant, des traditions restent très ancrées, une grossesse précoce est vite arrivée, et la pauvreté est omniprésente...
Le cas de la famille de Va Xin Mùa illustre bien ce phénomène. Sa fille, 12 ans, est mariée depuis quelques années. «Je l’ai envoyée dans une école-internat du bourg de Muong Xen où elle a rencontré son mari, raconte-t-il. Un jour, elle est revenue à la maison en disant qu’elle voulait se marier. Après le mariage, elle a abandonné l’école».
En tant que chef du hameau, M. Xin Mùa sait qu’il enfreint la loi quand il marie sa fille si jeune. Pourtant, il se soumet à cette tradition, même s’il sait que sa fille est condamnée à une vie de labeur.
Un fléau social qu’il faut combattre
Pour remédier au mariage précoce, il faut combattre la pauvreté, promouvoir l’égalité des sexes, et l’instruction. |
La loi sur les enfants de 2016 interdit les mariages précoces et les activités relatives à l’organisation des mariages précoces. Pourtant, ce phénomène persiste, principalement au sein des différentes ethnies minoritaires.
Une étude menée en 2015 par le Comité des affaires ethniques du gouvernement, montre que parmi les 53 ethnies minoritaires, 40 connaissent un taux de mariage précoce de 20% et six de 50 % à 60%. Les H’mông, Xinh Mun, La Ha, Gia Rai, Raglay, Bru-Vân Kiêu sont les plus touchées par ce fléau.
Face à cette situation, le gouvernement a approuvé en 2015 le projet nommé «Réduction du nombre de mariages précoces et consanguins dans les régions où vivent les ethnies minoritaires» pour la période 2015-2025, proposé par le Comité des affaires ethniques. Deux ans après sa mise en œuvre, le projet a attiré la participation de nombreux ministères et organisations internationales.
Certaines provinces ont aussi participé financièrement à la réalisation du projet. Mais la prévention et la lutte contre les mariages précoces est un combat à mener sur le long terme. Selon des experts sur le mariage, la famille et la société, pour remédier à ce problème, il faut combattre la pauvreté, promouvoir l’égalité des sexes, et l’instruction.
Le ministre et le chef du Comité des minorités ethniques du gouvernement Dô Van Chiên estime que «le mariage des enfants est l’une des causes principales de la pauvreté. Il porte atteinte à la dynamisme démographique de la population. En effet, l’espérance de vie de nos concitoyens des ethnies minoritaires est plus faible».
Il ajoute que «ces dernières années, le gouvernement a mis en place de nombreuses politiques afin de combattre ce fléau, mais avec des effets modestes tant les traditions sont ancrées dans les mœurs». Selon lui, pour remédier à cette situation, l’engagement conjoint des ministères, des localités et des leaders communautaires est indispensable. Il est important aussi d’impliquer les organisations internationales.
«L’Organisation des Nations unies va coopérer avec le gouvernement vietnamien pour assurer des droits aux filles en leur permettant de développer leurs potentiels. Cela va aussi aider le Vietnam à atteindre ses objectifs sur le développement socio-économique», s’engage Astrid Bant, représentante en chef du Fonds des Nations unies pour le Vietnam.
Huong Linh/CVN