Une petite compagnie sénégalaise navigue à vue pour sauver sa peau

La petite compagnie aérienne sénégalaise Transair, frappée comme l'ensemble du secteur par la pandémie de coronavirus, "ne sait pas où elle va". En attendant des jours meilleurs, elle fait voler ses avions à vide au-dessus du Sénégal.

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Un avion de la petite compagnie aérienne sénégalaise Transair, sur le tarmac de l'aéroport de Dakar, le 22 mai.

"Altimètre : check! Compas : check! Vérifications avant décollage : terminées". Concentré sur les écrans du cockpit, le commandant de bord Laurent Klinka procède aux derniers ajustements avant le décollage de l'aéroport international Blaise Diagne, à l'Est de Dakar. Une scène banale pour ce pilote français chevronné, si ce n'était le silence dans les rangées vides de cet Embraer ERJ-145 d'une cinquantaine de places.

Pour conserver leurs licences, les pilotes doivent effectuer au moins trois décollages et trois atterrissages tous les trois mois. Et les avions doivent voler pour rester en bon état. "C'est une joie de retrouver les avions, même pour une heure. Mais tout le monde a peur de ce qui pourrait advenir avec cette crise", explique le pilote.

Aux commandes du bimoteur de 22 ans, il effectue une rotation d'une trentaine de minutes en longeant les côtes sénégalaises, jusqu'à Saint-Louis (nord). Pour entretenir sa flotte de six appareils, Transair organise un vol à vide par semaine, qui lui coûte 1.000 euros par heure rien qu'en carburant.

Bouclage aérien

Tous les vols en provenance ou à destination du Sénégal sont suspendus depuis le 20 mars, à l'exception d'une poignée d'évacuations sanitaires, d'un certain nombre de vols de rapatriement de touristes et des vols de maintenance. Les compagnies aériennes, dont Air France, très présente au Sénégal, et les autres secteurs économiques du pays, attendent avec impatience l'autorisation de reprise des vols, en croisant les doigts pour qu'elle intervienne avant la saison estivale en Europe.

Mais le gouvernement a annoncé jeudi 28 mai prolonger jusqu'au 30 juin la suspension de tous les vols au départ ou à destination du Sénégal. Au niveau mondial, l'Association internationale du transport aérien (Iata) a chiffré à 314 milliards de dollars (286 milliards d'euros) l'impact de la pandémie sur le chiffre d'affaires des compagnies aériennes en 2020, soit une chute de 55% par rapport à 2019.

Un membre d'équipage de la petite compagnie aérienne sénégalaise Transair, à l'aéroport de Dakar, le 22 mai

Et le transport aérien ne devrait pas retrouver son niveau de trafic d'avant-pandémie avant 2023, selon l'association. Le Sénégal, où le tourisme est un des moteurs de l'économie, compte trois compagnies nationales. La plus petite, Arc-en-ciel Aviation, est spécialisée dans les vols à la demande. Air Sénégal, compagnie publique fondée en 2016, a su se faire une place dans les liaisons avec la sous-région et l'Europe. Entre les deux, Transair, lancée il y a 10 ans, reste active dans les vols à la demande, son métier initial, tout en opérant en temps normal une soixantaine de vols commerciaux par semaine, dont 40 à l'intérieur du Sénégal.

Elan brisé

"Avant, nous étions en expansion, on prévoyait même des vols intercontinentaux dans quelques années. Maintenant, tout est à l'arrêt. Quand on fait 3 ou 4 vols par jour et qu'il n'y a plus rien, on ne sait pas où on va", explique le patron de Transair, Alioune Fall. Pour réduire l'impact de la crise, le gouvernement sénégalais a débloqué 77 milliards de francs CFA (115 million d'euros) en faveur du tourisme et des transports aériens, dont 45 milliards de CFA (67,5 millions d'euros) pour Air Sénégal.

Compagnie privée, Transair devrait bénéficier d'un petit coup de pouce, dont des prêts à taux préférentiels et un report du paiement de la TVA. Alioune Fall n'a procédé à aucun licenciement mais il se demande s'il pourra verser les salaires de ses 104 employés et évoque un "risque de faillite". S'il juge "l'année 2020 vouée à l'échec", le chef d'entreprise "garde espoir malgré tout".

"C'est pour cela qu'il faut que les avions continuent à voler", souligne-t-il, tout en sachant que "l'activité va reprendre avec un service minimum au début". Les lendemains de la pandémie s'annoncent "sanglants", prévient Ibra Wane, un expert sénégalais du secteur aérien. "Les entreprises vont rogner sur les budgets de déplacement et le tourisme va se contracter de manière terrible. Si les compagnies ne réduisent pas la voilure et ne taillent pas dans les coûts, elles risquent de disparaître", juge-t-il. Le Sénégal, comme les autres pays du continent, reste relativement épargné par la pandémie. Il a déclaré plus de 3.300 cas, dont 41 décès, depuis le 2 mars.


AFP/VNA/CVN

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