Une maison pour reprendre espoir

Depuis vingt ans, la peintre suisse Aline Rebeaud s’est attachée intimement au Vietnam, son pays d’adoption. C’est ici qu’elle a trouvé sa raison d’être : venir en aide aux personnes défavorisées de tout âge.

>>Soutenir les femmes handicapées pour qu’elles trouvent leur place dans la société

>>Pour que la voix des enfants compte

La marraine Tim (dernier plan) entourée par des hôtes de la Maison de la Chance.

Le Centre «Support de l’envol», une structure d’aide aux personnes défavorisées à Hô Chi Minh-ville, est aussi un lieu d’expression artistique. Créé en 2006 par Aline Rebeaud, une peintre suisse au cœur d’or, le Centre «Support de l’envol» est devenu le refuge de nombreux handicapés. Cinq ateliers y sont proposés : broderie, objets d’arts, vannerie, peinture (deux ateliers), et modélisation (création de modèles d’articles d’arts et d’œuvres d’imprimerie). «Fabriqués par les handicapés, les produits sortant de notre établissement n’ont rien à envier à ceux des artisans professionnels», confie avec un brin d’orgueil Lan, chargée des affaires de marketing du Centre.

Dans les deux premiers ateliers, les artisans s’affairent au travail au milieu de produits variés : broderies aux couleurs chatoyantes, objets d’arts en bois finement façonnés, vanneries diverses… Les ateliers de peinture se distinguent avec de grands tableaux multicolores. Ici, les peintres invalides peuvent réaliser leurs propres créations ou des œuvres commandées. «Nombreuses sont nos œuvres picturales qui s’exportent à l’étranger», explique Lan.

L’atelier de modélisation est équipé de nombreux ordinateurs. Sortant d’un cours de formation spécifique, les «modélistes» sont capables de créer des modèles pour objets d’arts et articles d’imprimerie, voire des pages web sur commande.

Un tournant inopiné de sa vie

La joie partagée.

Aline Rebeaud est sur nommée Tim, coeur en vietnamien. Ce nom donné par les résidents du Centre «Support de l’envol» en dit long sur les sentiments que ces derniers lui portent. Souriante et parlant un excellent vietnamien, cette jolie femme semble comprendre profondément la vie des Vietnamiens, notamment celle des personnes trappées par le sort. «Cela fait déjà 20 ans que je vis au Vietnam, pays que j’aime bien. Et, savez-vous que je suis de nationalité vietnamienne ?», révèle-t-elle avec un sourire aux lèvres. Tim a voulu être Vietnamienne pour faciliter ses activités humanitaires, à l’inverse d’autres étrangers qui le font pour des raisons économiques.

Née dans une famille d’artistes, d’une mère chanteuse et d’un père saxophoniste dans un orchestre de jazz, Aline Rebeaud a fait ses études dès l’âge de 6 ans dans un Conservatoire suisse. Douée en arts, la petite pouvait chanter et jouer plusieurs instruments de musique. Sans oublier sa passion pour la peinture. Elle a présenté deux expositions à l’âge de 16 ans, puis de 19 ans.

Avec émotion, elle se rappelle du tournant inopiné de sa vie : en 1992, elle voyage à travers la Russie, la Mongolie, la Chine, puis le Vietnam. À Hô Chi Minh-Ville, la jeune peintre constate la présence de nombreux enfants SDF (sans domicile fixe).

«C’était comme une prédestination. De retour en Suisse, l’image de ces petits malheureux apparaissait en permanence dans ma tête, à tel point que j’ai décidé de retourner au Vietnam pour faire quelque chose de bien pour eux», raconte-t-elle.

Revenue en 1993 au Vietnam, elle demande l’autorisation de créer un centre social au profit des enfants orphelins à Hô Chi Minh-Ville, sans le soutien de ses parents. «Au début, mes parents n’étaient pas d’accord avec ma décision», se souvient Tim. «Mais, ils ont changé d’avis quand ils sont venus me voir au Vietnam. En regardant la joie et l’optimisme des petits orphelins sous la protection de la marraine Tim, ils m’ont considérée comme intelligente, non plus comme +timbrée+». Ces deux artistes sont venus quatre fois au Vietnam pour aider leur fille dans cette «noble mission».

Objectif : une vie indépendante

Les jeunes mariés et leur ange gardien au Centre «Support de l’envol».
Photo : CTV/CVN

Le Centre social s’est élargi au fil des années, venant en aide non seulement aux enfants orphelins, mais aussi aux handicapés et aux personnes âgées isolées. Son effectif s’élève à présent à 500 personnes dont 250 logent dans l’internat du Centre. Désireuse de donner à ces infortunés un toit et un travail stable, Tim a créé tour à tour la Maison de la Chance (en 1998), le Centre «Support de l’envol» (en 2006) et le Village de la Chance (en 2011).

«Ici, dans cette maison, on vit comme dans une famille. Les membres ont le droit d’être formés professionnellement, gratuitement bien sûr. Après la formation, ils peuvent travailler pour des compagnies ou dans les ateliers du Centre. Ces derniers comptent une centaine de travailleurs qui touchent un salaire correct», révèle Tim. Pour elle, le Centre a pour but de permettre à ses résidents de vivre leur vie de manière indépendante, comme tout le monde.

Jusqu’ici, Tim est toujours célibataire. «Le centre, c’est la moitié de ma vie. Malgré mon célibat, je suis maintenant grand-mère de quelque 80 petits-enfants», dit-elle avec un large sourire. Dans le Village de la Chance où vivent des dizaines de jeunes couples, une nouvelle génération a fait son apparition. Grâce à la grand-mère Tim, les petits-enfants peuvent aller à l’école ouverte dans le village. Une école primaire de 250 élèves qui accueille aussi des élèves issus de familles pauvres vivant à proximité.

Binh, amputé de deux jambes, brodeur, ne cache pas sa reconnaissance envers Tim : «Ma famille a un appartement convenable adapté à l’usage du fauteuil roulant. Mes enfants vont à l’école. Le logement et les études étant gratuits, nous avons une vie heureuse. Je remercie mille fois Dieu qui m’a permis de rencontrer la marraine Tim».

Tim est heureuse de vivre dans la Maison de la Chance, à côté d’une cinquantaine d’orphelins et handicapés. Sur les murs de son studio trônent une image de nuages multicolores. «Je les ai dessinés pour étancher ma soif de peinture. Cette image me donne l’impression de m’envoler au-delà des frontières», avoue la peintre au cœur d’or. Pour le moment, elle travaille sur la création d’un autre centre social, à Dak Nông, une province des hauts plateaux du Centre.

Nghia Dàn/CVN

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