>>De Tu Thuc à Tú Uyên, toujours un amour de fée !
Quand une tortue d’or révèle l’amitié, l’honneur et l’honnêteté ! |
Photo : CTV/CVN |
C’était il y a fort longtemps, au temps des mandarins et des empereurs. Dans un petit village du Nord, vivaient deux amis d’enfance, qui avaient grandi côte à côte : Grand-Cœur et Parfaite-Noblesse. La vie ne leur avait pas donné le même destin : Grand-Cœur était riche et Parfaite-Noblesse était pauvre. Mais ils étaient restés très proches l’un de l’autre, et leur amitié n’avait jamais souffert de cette différence.
Une tortue en or
Un jour, Grand-Cœur et sa femme dirent à Parfaite-Noblesse : "Vous manquez de fonds pour faire du commerce, laissez-nous, pour vos débuts, vous avancer un petit capital. Vous nous rembourserez quand vous voudrez !". Parfaite-Noblesse réfléchit long-uement : "Je pourrais accepter, se dit-il. Mes amis sont sincères, ils ont bon cœur. Mais si je ne réussis pas dans mes entreprises, comment m’acquitter envers eux ?". Il consulta sa femme, qui partagea ses scrupules. Et tous les deux décidèrent de refuser l’offre, se résignant à leur pauvreté.
Le lendemain, Parfaite-Noblesse se rendit chez son ami : "Je remercie mon frère et ma sœur, mais vraiment je ne vois pas quel commerce je pourrais monter et je ne saurais prendre votre argent". Au cours de la conversation, Grand-Cœur montra à son hôte une tortue en or qu’il venait de faire réaliser en fondant tout le métal précieux qu’il possédait. L’oeuvre était magnifique et représentait bien plus que ce que Parfaite-Noblesse pourrait gagner dans toute sa vie.
Les amis causèrent et burent ensemble, puis s’assoupirent un moment. Entra le fils de Grand-Cœur. Il vit la tortue et l’emporta dans sa chambre pour l’admirer de plus près, avant de repartir pour la ville lointaine où il faisait ses études. Peu après son départ, les deux amis se réveillèrent. Parfaite-Noblesse prit congé, sans qu’aucun d’eux n’eût remarqué la disparition de la tortue.
Dès que Grand-Cœur s’en aperçut, il questionna sa femme, qui répondit qu’elle ne l’avait pas rangée. Ils ne surent que penser car ils ne pouvaient douter de l’honnêteté de leur ami. Quand il revit Parfaite-Noblesse, Grand-Cœur lui dit : "N’auriez-vous pas emporté notre tortue en or pour la montrer à notre sœur amie ? Je vous en prie, gardez là aussi longtemps que vous voudrez !".
Parfaite-Noblesse et sa femme furent plongés dans un cruel embarras : "Nous sommes pauvres, se dirent-ils, et si nous déclarons que nous n’avons pas la tortue, personne ne pourra se défendre d’un certain soupçon. Il faut épargner à nos amis une telle pensée".
Une amitié en or
Parfaite-Noblesse et sa femme décidèrent de vendre le peu de biens dont ils disposaient et allèrent frapper chez le plus riche propriétaire de la région, Généreuse-Opulence, qui possédait d’immenses rizières. Ils se jetèrent à ses pieds, le prièrent de les garder à son service et de les payer en leur donnant la quantité d’or nécessaire pour fondre une autre tortue et la rendre à Grand-Cœur.
Une tortue en or. |
Photo : CTV/CVN |
Dès qu’il eut entendu leur histoire, Généreuse-Opulence prit l’or qu’il fallait, le remit à l’orfèvre qui avait fabriqué la tortue et tout fut fait comme le souhaitaient Parfaite-Noblesse et sa femme. Mais, en retour, il n’exigea pas que leurs personnes fussent attachées à sa maison. De leur côté, Parfaite-Noblesse et sa femme ne voulurent pas partir et restèrent auprès de leur bienfaiteur, "pour lui servir de pieds et de mains".
Quelque temps après, le fils de Grand-Cœur, de retour à la maison de ses parents, rapporta la tortue. "Papa ! Maman ! Vous pensiez l’avoir perdue ! Heureusement que c’était moi qui l’avait emportée par mégarde !". Les parents furent tous étonnés. Des deux tortues, laquelle était la leur ? Et d’où vient l’autre ? Puis, soupçonnant la vérité, Grand-Cœur, extrêmement confus, se rendit en hâte chez Parfaite-Noblesse. Il trouva la maison vide. Les voisins lui apprirent que ses amis étaient allés se vendre chez Généreuse-Opulence.
Grand-Cœur y courut, tout ému. Il fit appeler Parfaite-Noblesse… Tous deux se mirent à pleurer en se voyant. Grand-Cœur voulut rendre la tortue à Généreuse-Opulence pour racheter ses amis. Mais Généreuse-Opulence lui répondit : "Vous ne m’avez rien emprunté, il ne peut être question de rendre. Quant à ces deux personnes, je ne les ai nullement contraintes à rester ici ; vous n’avez pas à les racheter. Elles n’ont jamais cessé d’être libres".
L’accord fût impossible. L’un n’acceptait pas l’or qu’on lui rapportait. Parfaite-Noblesse et sa femme se considéraient comme endettés et refusaient de s’en aller. Grand-Cœur ne voulait point garder ce qui ne lui appartenait pas. Ils durent recourir à la justice du mandarin local. Mais l’histoire ne dit pas quelle fut la sentence !
En lisant la fin de cette légende, le lecteur sera sans doute fort contrit, car on aimerait bien savoir comment un juste mandarin a pu dénouer l’écheveau de cette histoire d’amitié et d’honneur. Après tout, sans doute que la meilleure leçon à en tirer est que chacun d’entre nous peut l’achever comme il l’entend en rendant justice à chaque personnage selon son cœur et ses valeurs.
ÔNG NGOAI/CVN