Une histoire à dormir debout

Depuis 1970, Thai Ngoc, un agriculteur du district de Quê Son, province de Quang Nam (Centre), travaille jour et nuit, à défaut de dormir. Récit d’une rencontre qui déroute le monde scientifique.

Ne pas dormir depuis plus de 40 ans, c’est ce que vit Thai Ngoc, né en 1940. Cet homme, atteint d’insomnie permanente, remarié, a six enfants issus de cette seconde union. Il doit donc travailler d’arrache-pied pour faire vivre sa famille.

Malgré ses 40 années d’insomnie, Thai Ngoc se porte comme un charme.
Photo : TH/CVN

À la tombée de la nuit, au moment où sa femme et ses enfants s’endorment, M. Ngoc ne ferme pas l’œil. L’agriculteur allume sa lampe pour travailler dans les champs, fabriquer de l’alcool, s’occuper de ses cochons...

Des dizaines d’équipes de chercheurs venues de Thaïlande, d’Australie, de Corée du Sud, des États-Unis ont examiné la maison de cet homme pas comme les autres. Mais tous se sont avoués vaincus, ne pouvant donner de réponse à cette insomnie.

Un homme qui fait des curieux

Malgré ses 70 ans passés, M. Ngoc se porte bien et est parfaitement lucide. Chaque jour, il élève ses volailles, cochons, poissons et s’occupe de ses rizières. «Ne pas dormir c’est supportable, mais ne pas travailler, c’est terrible. Je passe plus de temps à travailler que d’autres puisque je ne dors pas. Je deviens désagréable si je n’ai rien à faire», confie-t-il.

Malgré ses 40 années d’insomnie, Thai Ngoc se porte comme un charme
Photo : TH/CVN

«Beaucoup de Vietnamiens, curieux de mon histoire viennent chez moi, me posent quelques questions et repartent. Les étrangers, quant à eux, écoutent mon récit et restent m’observer. Ils se relaient alors pour rester veiller avec moi», raconte-t-il. Il y a sept ans, le paysan a reçu un groupe de Thaïlandais. Ces derniers avaient installé dix caméras dans tous les coins de sa maison. Ils en ont également profité pour examiner la lucidité de leur hôte, en lui faisant passer différents tests.

La curiosité qu’il attise auprès des étrangers ne lui est pas désagréable, bien au contraire. En effet, ces visites lui évitent de passer la nuit seul. «La nuit passe plus vite en ayant de la compagnie», confie le septuagénaire. Résultats, une semaine après l’installation des caméras thaïlandaises, aucune image ne montre l’homme fermant les yeux. Ne s’avouant pas vaincus, les chercheurs installent dans le lit de Ngoc une machine à bercer. Mais alors que les membres de sa famille s’endorment, le paysan reste éveillé.

Après le départ des Thaïlandais, des Britanniques sont arrivés chez notre homme. Ils ne croient pas aux résultats des examens menés précédemment et lui demandent de se rendre à l’hôpital de Dà Nang (Centre). Mais, l’homme ne réagit pas aux somnifères. «Je ne me souviens pas combien d’équipes de chercheurs étrangers j’ai contactées. Ils ont tous effectué des tests, veillé avec moi des nuits entières et sont repartis chez eux avec des questions sur mon insomnie extraordinaire», raconte Thai Ngoc.

«I have a dream…»

En 1973, Thai Ngoc est atteint d’une forte fièvre. Il prend alors des médicaments pour se soigner et rencontre des difficultés à dormir, au point de ne plus fermer l’œil du tout. «Au début, je pensais que je ne dormais pas parce que j’étais inquiet. Mais ce phénomène s’est avéré être permanent», confie l’agriculteur.

Grâce à cette insomnie extraordinaire, le paysan a le temps d’exploiter 8 hectares de terrain à Quê Son. Photo : PNTD/CVN 

Loin de se résigner, la famille de M. Ngoc consulte alors de nombreux médecins réputés et n’ont d’autre choix que d’accepter cette insomnie chronique. Le traitement de ce phénomène est un vrai casse-tête pour les médecins. «De nombreux chercheurs étrangers m’ont invité chez eux pour essayer de trouver un traitement à mon insomnie. Mais cela prendrait deux ans. Je refuse de quitter ma famille, ma maison et mes terres, pour une si longue durée», livre Ngoc.

Lorsqu’une personne normale veille jusqu’à une ou deux heures du matin, elle va se sentir molle et inefficace. L’énergie de Thai Ngoc reste, quant à elle, intacte et le paysan effectue correctement ses tâches quotidiennes. L’homme a néanmoins un rêve avant de finir sa vie : rejoindre une fois les bras de Morphée.

Quê Anh/CVN

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