Roxanne Gheno, 25 ans, travaille pour l’association School on the boat depuis près de deux ans. Photo : Angélique Rime/CVN |
Mai serre son fils contre elle. Assise devant la porte de sa maison, là où elle vend du thé, la jeune femme décoche un sourire. Discrètement. Roxanne Gheno, coordinatrice de projet pour l’association School on the boat (SOB) vient de lui annoncer, dans un vietnamien impeccable, que Hiêu, son fils de sept ans, rejoindrait les bancs de l’école dès cet été.
Créée en 2011, SOB scolarise les enfants de dix familles qui vivent dans des maisons flottantes sur le fleuve Rouge (voir encadré), ainsi que près du marché de nuit de Long Biên, à Hanoi. Soit seize jeunes cette année. «Avant que nous ne soutenions ces foyers, aucun de leurs enfants n’allait à l’école», partage Roxanne Gheno, qui travaille pour la structure depuis près de deux ans. Titulaire d’un master de géographie des pays en développement, la Française de 25 ans effectue actuellement un service civique dans l’organisation, après y avoir œuvré pendant six mois en tant que stagiaire, dans le cadre de ses études. «Mais mon mandat touche à sa fin et SOB n’a pas les moyens de m’engager en tant que salariée».
La rupture, Roxanne Gheno l’appréhende. «Il est clair que je me suis attachée aux enfants. Une relation de confiance s’est aussi nouée avec les parents. La construire a pris du temps, mais aujourd’hui, ils me parlent de tout». Un lien facilité par son bon niveau de vietnamien. «Le jeune en service civique qui va me remplacer ne parlera pas la langue, et c’est normal. Il faudra qu’il soit épaulé par nos deux coordinatrices de projet vietnamiennes, qui sont bénévoles. Pour plus d’efficacité, l’association espère donc engager un travailleur social vietnamien, à plein temps. Une action de financement participatif vient d’être lancée afin de récolter des fonds pour payer son salaire».
Dix kilos de riz par enfant scolarisé
En plus de la prise en charge des frais de scolarité des enfants, qui oscillent entre 300 et 350 euros par mois, SOB leur offre des cours de soutien. «Les parents sont pour la plupart analphabètes. Ceux qui ont fréquenté les bancs de l’école n’ont pas été plus loin que la CE2 (3e classe vietnamienne)». Trouver des tuteurs prêts à accompagner ces enfants n’est toutefois pas chose aisée. «Actuellement, nous pouvons compter sur sept tuteurs bénévoles. Mais l’environnement n’est pas vraiment propice au soutien scolaire. Dans les maisons, il n’y a souvent qu’une seule pièce. Toute la famille est présente, on discute, on cuisine», détaille Roxanne Gheno.
Avant que School on the boat n’intervienne, de nombreux enfants habitant dans les maisons flottantes sur le fleuve Rouge n’étaient pas scolarisés. Photo : Jérémie Lusseau/CVN |
Chaque famille reçoit aussi dix kilos de riz par mois et par enfant scolarisé. «Lorsque l’association a été créée, certains parents ne voyaient pas l’intérêt d’envoyer leurs enfants à l’école, car ils ne ramèneraient plus d’argent à la maison. La distribution de riz a permis de pallier ce manque».
Fournir un certificat de naissance aux enfants
Aux débuts de SOB, des difficultés administratives de taille ont également dû être dépassées. «Toutes les familles que nous soutenons habitent dans des maisons informelles, précise Roxanne Gheno. Elles ne possédaient pas de papiers». L’organisation s’est donc attelée à fournir à chaque enfant un certificat de naissance, un document indispensable pour pouvoir l’inscrire à l’école.
«Or, pour l’obtenir, il faut une attestation qui prouve que ces enfants habitent à Hanoi, ce qu’ils n’avaient évidemment pas. Les autorités leur ont délivré des papiers temporaires, qui ont permis d’obtenir le fameux sésame. Ces démarches sont compliquées et peuvent prendre plusieurs mois». À cause de l’exode rural, des milliers de personnes vivent à Hanoi sans papiers. «Et vu qu’ils ne sont pas enregistrés auprès de l’administration locale, ils ne reçoivent pas d’aides», a ajouté Roxanne Gheno.
Les maisons flottantes du fleuve Rouge Les familles soutenues par SOB sont installées sur le fleuve Rouge depuis une quinzaine d’années. «Elles ont quitté la campagne dans l’espoir d’une vie meilleure, explique Roxanne Gheno. Les zones où ces logements se concentrent sont tolérées, tant qu’il n’y a pas de problèmes». Leurs maisons, soutenues par des barils Petrolimex ou des boîtes en polystyrène, comporte généralement une pièce qui fait office de cuisine et de chambre, le tout séparé par un panneau de bambou tressé. «Depuis peu, ils achètent l’eau qu’ils boivent, décrit Roxanne Gheno. Mais ils utilisent celle du fleuve pour faire la vaisselle et laver leurs habits. Plusieurs habitants ont des problèmes de peau». La plupart des familles qui vivent ici gagnent leur vie en vendant du thé ou du maïs sur le pont Long Biên, comme xe ôm (moto-taxi) ou en récoltant des déchets qu’ils revendent. Des déchets qui jonchent d’ailleurs les talus avoisinants leurs habitations. «Leur salaire mensuel avoisine les trois millions de dôngs». Les habitants de ces maisons flottantes vivent en communauté. «Il y a un chef. Des réunions sont organisées régulièrement. Ils sont solidaires, commente Roxanne Gheno. La majorité de ceux qui habitent là ne veulent pas partir». Mais les projets d’aménagement des berges du fleuve Rouge les y obligeront peut-être. «Nous essayons d’en parler avec eux. Pour l’instant, ils n’arrivent pas à se projeter aussi loin dans le futur». |
Angélique Rime/CVN
Plus d’informations sur https://schoolontheboat.fr
Financement participatif : www.youcaring.com/red-river-children.