Un village chantant au pied du mont Lang Biang

Niché au pied du mont Lang Biang, sur les hauts plateaux du Centre, le village de Dang Ya doit sa célébrité à ses habitants et surtout à leur voix. C’est l’endroit au Vietnam où l’on trouve le plus grand nombre de chanteurs.

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Le village de Dang Ya, à la tombée de la nuit. Sur l’esplanade de la nhà rông (maison commune sur pilotis), un grand feu de camp est allumé autour duquel la foule se rassemble et se meut aux rythmes des gongs et des khèn (sorte de flûtes de Pan). C’est alors que les chants des habitants de la montagne, au pied du mont Lang Biang, commencent. Animés par la musique et le ruou cân (alcool de riz à siroter avec un chalumeau de bambou), on entonne des airs folkloriques du Tây Nguyên (hauts plateaux du Centre). On chante en chœur, en duo, en solo… Les chants se prolongent jusqu’à minuit.

La musique coule dans les veines des villageois de Dang Ya.


Ce n’est pas un hasard si Dang Ya est surnommé «le village chanteur». «Chez nous, tous les villageois aiment la font et chantent bien. C’est ce don inné qui fait la particularité de Dang Ya», déclare K’Plin, le patriarche du village, fier de la spécialité de ce territoire reculé, habité par les ethnies Co Ho, Cil et Lach. De nombreux chanteurs et instrumentistes issus de Dang Ya se sont faits une renommée nationale, comme Bonneur Trinh (lauréate au concours «Le chant télévisé» de Hô Chi Minh-Ville), Krajan Sik (médaille d’or au concours national des chants folkloriques), K’Druynhs (chanteur et joueur de gongs primé au concours «Vietnam Got Talent»), Kranjan Ut et Cil Poi (finalistes du concours de chant Sao Mai), etc. Sans oublier d’autres chanteurs comme Pang Ting Luc, Cil Ri Lin, Cil Ro Lin, K’Plin… qui ont été invités à se produire en France et aux États-Unis.
Manger sept cigales pour une belle voix
Parmi les chanteurs de Dang Ya, le sexagénaire K’Plin se distingue par une voix envoûtante, un doigté d’instrumentiste, et aussi une créativité féconde. Ses créations contribuent à enrichir le répertoire musical de cette communauté pluriethnique. Autour d’un vase de ruou cân à plusieurs chalumeaux, les visiteurs tombent sous le charme des légendes du mont Lang Biang et du village des chanteurs de Dang Ya, racontées par le patriarche K’Plin.
«La musique coule dans les veines des villageois de Dang Ya. Ils ont été bercés par les chants du vent de la montagne, et ont respiré le bon air de la forêt en buvant l’eau limpide du ruisseau Da P’lah», nous dit K’Plin. La tradition de Dang Ya veut qu’après la naissance, le bébé soit baigné dans de l’eau du ruisseau Da P’lah, et qu’il boive sept gouttes d’eau bouillie si c’est un garçon ou neuf gouttes si c’est une fille.
À ses 5 ans, la famille doit capturer dans la forêt sept cigales, le sorcier fait des incantations magiques et on les grille sur le feu, on les porte à la gorge et aux lèvres de l’enfant, avant de les lui donner à manger. Tout cela afin que l’enfant ait une belle voix, «à la fois mélodieuse comme le chant des oiseaux et puissante comme le cri du taureau», affirme le patriarche. Après ce jour là, l’enfant commence à apprendre les airs folkloriques du Tây Nguyên, sous le guide du vénérable K’Plin.

Deux des chanteurs du village de Dang Ya. Photo : GDTD/CVN


Le chef d’orchestre paysan
Sans aucune formation professionnelle, ce «professeur de musique» a ainsi formé des centaines de chanteurs et instrumentistes. De cette «classe primaire», nombreux sont ceux qui sont devenus aujourd’hui des chanteurs professionnels. Pas peu fier, il parle de son élève K’Dick- chef de chorale et de danse de la province de Lâm Dông - qui a charmé les spectateurs par sa voix retentissante lors du Festival culturel des ethnies du Tây Nguyên, organisé à Hanoi.
«C’est K’Plin qui nous a transmis l’amour et la passion de la musique», s’exprime Ka Ré, un «rossignol» de Dang Ya. Selon elle, dans les années 1980, K’Plin a troqué ses dix buffles contre un ensemble d’instruments de musique. À la fois chef d’orchestre et compositeur, il est aussi chef du Club de la culture de gongs de Dang Ya qu’il a créé il y a une vingtaine d’années. «Le club compte à présent près de 400 membres divisés en douze groupes qui viennent se produire partout dans le pays, et parfois à l’étranger. C’est le plus important Club des joueurs de gongs du Vietnam», informe K’Plin.
Minuit passé. Les villageois quittent la scène avec regret. Avec insistance, Ka Ré demande aux visiteurs de venir chez-elle. Son mari Ha Tiên prend sa flûte de Pan. Ka Ré et ses enfants se mettent à chanter. «À Dang Ya, on souhaite la bienvenue aux visiteurs en chantant», explique Ha Tiên. Ensemble, ils s’enivrent avec le ruou cân et les airs envoûtants du Tây Nguyên.


La légende du mont Lang Biang

Il était une fois… Dans un village niché au pied d’un mont élevé, à Tây Nguyên, Lang, un garçon de l’ethnie Lach, tombe amoureux de Biang, une fille de l’ethnie Cil. Un couple amoureux dont le talent et la beauté font des envieux. Chaque fois qu’ils élèvent leur voix, leurs chants ensorcellent tant les hommes que les animaux. Par malheur, leur amour fait face à l’opposition de leurs ethnies animées par une haine héréditaire. Pour exprimer leur amour éternel, Lang et Biang s’enfuient au fond du bois sur la montagne. Là, ils chantent ensemble des mélodies d’amour jusqu’à leur dernier souffle. Émues par cet acte, les deux ethnies décident de se réconcilier et baptiser la montagne du nom des deux concubins : Lang Biang.


Nghia Dàn/CVN

 

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