Une adaptation théâtrale du roman populaire "Pham Tai et Ngoc Hoa". |
Les romans populaires en nôm (idéogrammes vietnamiens), écrits en distiques six+huit syllabes typiquement vietnamiens, ont vu le jour à la fin du XVIIe siècle pour se développer jusqu’au début du XIXe siècle.
L’un des plus aimés du peuple est sans doute Pham Tai et Ngoc Hoa. L’œuvre chante un amour des plus pures entre deux jeunes gens de classes sociales différentes et son héroïne qui ose rompre avec les traditions de passivité féminine pour défendre avec acharnement son bonheur. Malgré ce défi à l’ordre confucéen, l’amour ne peut être conçu en dehors du mariage.
La douce et belle Ngoc Hoa est la fille d’un mandarin de famille riche. Prenant en pitié Pham Tai, orphelin de père et de mère qui vit de mendicité, elle lui donne régulièrement du riz et de l’argent. Cette compassion se mue rapidement en amour et les parents de Ngoc Hoa consentent à unir les deux jeunes gens par le mariage.
C’est un affront personnel pour Diên Biên, un gredin de la pire espèce qui a demandé en vain la main de la jeune fille.
Pour se venger, il présente au roi Trang Vuong une statuette de Ngoc Hoa en bois de santal. Le monarque ordonne de faire venir la nouvelle mariée à la Cour. Mais elle refuse d’entrer au harem.
Le roi propose au mari richesse et honneurs. Pham Tai rejette l’offre et se retire dans une pagode, sachant qu’il ne pourrait rien contre le roi. Ce dernier fait empoisonner son rival.
Une fin heureuse
Les romans populaires exaltent souvent la fidélité conjugale. |
Photo : CTV/CVN |
Toujours fidèle à son mari, Ngoc Hoa use d’un stratagème : elle promet d’épouser le tyran s’il lui accorde trois ans pour porter le deuil de son mari.
À l’expiration de ce délai, elle se coupe la gorge pour rejoindre Pham Tai au Royaume des Ombres. Les deux époux portent plainte contre Trang Vuong. Le roi des Ténèbres fait jeter le coupable dans un vase d’huile brûlante et permet aux victimes de revenir au monde des mortels où Pham Tai devient roi à la place de Trang Vuong.
Dans la scène suivante, le roi propose un marché matrimonial aux deux époux :
…"Le roi Trang aussitôt fait venir Pham Tai :
Souverain de ce royaume, mandaté par le Ciel.
Je ne ravirai pas la femme d’un sujet.
Or pour or, je te propose ceci :
Je te donne la moitié de mes trois cents odalisques, Ngoc Hoa sera reine.
Comme un couple de phénix, nous régnerons
Aussi glorieux que les empereurs du passé.
Je t’accorderai titres et faveurs,
Tu seras en règle avec ta famille, comme avec l’État ?".
Pham Tai se prosterne et dit humblement :
"Sire, ma pauvre épouse est esclave du destin.
Croyant pouvoir remplir son devoir conjugal
Pour cent ans, elle a juré fidélité.
Il est écrit que les êtres divins doivent s’unir.
Je ne suis qu’un pauvre étudiant soucieux de suivre la voie des sages.
Je m’incline devant la volonté royale.
Je ne m’en prends qu’à mon triste sort.
Le Dieu du Mariage ne m’a guère comblé.
Une fois Ngoc Hoa intronisée, je regagnerai mon village.
Je cultiverai l’abstinence à l’ombre de Bouddha".
… Le roi Trang fait venir Ngoc Hoa :
"Ton mari, dit-il, à renoncer au monde est décidé.
J’attends ta décision, maître tout puissant.
J’ai daigné t’accorder mille et mille paroles !".
Elle s’agenouille et lui répond :
"Sire, nous sommes unis par
des liens du mariage.
Votre volonté va à l’encontre de la justice, vous êtes le soleil.
Mais la femme doit suivre son mari, fût-il un astre obscur.
… Le harem ne manque pas de beautés,
Pourquoi imposer votre volonté à une femme mariée ?
Si vous martyrisez mes joues roses,
Je choisirai la mort pour ne pas trahir mon époux…".
(Octobre 2003)