Un Professeur belge donne son expertise sur l’agriculture high-tech du Vietnam

Les expériences européennes sont précieuses pour le Vietnam, à la recherche de solutions pour appliquer efficacement les nouvelles technologies dans l’agriculture. Entretien avec Philippe Lebailly, Professeur belge d’économie et de développement rural à l’Université de Liège.

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Lors de cet entretien accordé à la correspondante de l’Agence Vietnamienne d’Information (VNA) à Bruxelles, Philippe Lebailly préconise une coopération intelligente entre la Belgique et le Vietnam, avec un projet pilote en partenariat pour le traitement de la jacinthe d’eau.

Quel est, selon vous, le potentiel de l’agriculture high-tech au Vietnam ?

L’agriculture qui utilise les nouvelles technologies est l’avenir pour le développement économique du Vietnam. Il faut penser aux technologies modernes pour notamment accroître la valeur des produits agricoles. Le Vietnam a prouvé qu’il est très réactif.

Ces dernières années, ce pays est devenu un grand producteur de produits de base agricole. Les paysans vietnamiens ont beaucoup travaillé et dépensé pour accroître la production. Ils ont produit beaucoup, mais aujourd’hui, il faut réfléchir à produire mieux ainsi qu’à valoriser les produits avec les nouvelles technologies. Cela nécessite des collaborations, en particulier avec l’Europe puisque celle-ci a des connaissances qu’elle peut partager intelligemment avec le Vietnam. En outre, il y a aussi des avancées intéressantes à faire pour de nouvelles valorisations des produits qui ne l’étaient pas.

J’ai un exemple qui est développé par une entreprise belge. Celle-ci a déposé un brevet avec un centre de recherche français (FRD) et l’Université de Liège pour valoriser la jacinthe d’eau. Cette plante, bien connue au Vietnam, est très envahissante. Elle pose problème et est utilisée jusqu’à maintenant que dans l’alimentation des porcs, et ce de manière très réduite.

Cette entreprise est parvenue à mettre au point une technologie pour utiliser la jacinthe d’eau afin de produire des matériaux nouveaux qui sont très utiles pour des panneaux d’isolation dans la construction, la plasturgie, des matériaux respectueux de l’environnement. Tout cela fait que ce produit, qui n’avait pas de valeur, peut maintenant donner de petits revenus aux agriculteurs et aux personnes qui vivent en zone rurale. Mais en plus, avec ce procédé technologique, on répond à une nouvelle demande : il ne faut pas seulement produire, mais se soucier des attentes des consommateurs.

Les matériaux changent très vite maintenant, et si l’on attend, les marchés sont pris par d’autres. Le Vietnam doit être très réactif. Nous pouvons vous aider à résoudre le problème, avec la possibilité de faire quelque chose de très rentable et de construire par exemple une usine qui fabrique ces nouveaux matériaux, dans une optique de partenariat gagnant-gagnant.

En restructurant l’agriculture pour élever le rendement et la qualité, le Vietnam mise sur l’application des avancées technologiques dans la culture et l’élevage.
Photo : Thuy Dung/VNA/CVN

Quels avantages les entreprises vietnamiennes et européennes spécialisées dans l’agriculture high-tech vont pouvoir tirer de l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange Vietnam - Union européenne ?

Je crois qu’aujourd’hui, on est aussi dans une période d’après crise. La crise financière a touché tout le monde, donc nous devons réfléchir à de nouvelles pistes pour accroître les échanges économiques et cet accord va y contribuer. L’accord entre l’Union européenne et le Vietnam sera très important pour justement relancer l’économie. L’Europe est un grand marché avec beaucoup de consommateurs, beaucoup de pouvoir d’achat.

Le Vietnam est aussi un marché très intéressant. Au-delà des produits à exporter, je pense que nous pouvons trouver dans ces accords des mesures équilibrées pour que chaque entité puisse se développer harmonieusement et contribuer à l’essor économique des pays et de la population. Travailler sur la jacinthe d’eau serait vraiment un bon test pour cette nouvelle manière de travailler.

Les entreprises vietnamiennes doivent s’adapter et intégrer les nouvelles lignes de production, les avancées scientifiques et technologiques. Les Vietnamiens sont eux-mêmes très ingénieux et créatifs. Mais nous aussi, on a des laboratoires de recherche, des avancées et je crois qu’ensemble on peut coopérer encore plus.

L’Europe dispose d’une grande expertise dans la modernisation du secteur agricole. Quelles mesures suggérez-vous au Vietnam ?

L’Europe a une grande expérience dans le domaine des politiques agricoles et des technologies. On sait aussi qu’il n’y a pas de miracle, de solutions merveilleuses que tout le monde peut appliquer. Il y a des avantages et des inconvénients à propos desquels il faut beaucoup discuter et réfléchir ensemble pour faire en sorte que les choix politiques soient bien éclairés, que l’on ait parfaitement connaissance des impacts de tout ça.

Au Vietnam, des jacinthes d’eau poussent naturellement et en grande quantité dans le delta du Mékong.

Avec ce procédé, on a adopté des politiques que l’on a changées à plusieurs reprises par rapport à certains problèmes qui n’avaient pas été intégrés au début. On a fait tout un chemin. Ça peut être un objet d’échange avec le Vietnam avec ses autorités politiques pour que vous aussi, vous preniez les bonnes choses et vous laissiez les mauvaises. Le fait qu’on continue avec des petites exploitations agricoles ou développe des entreprises modernes appliquant de nouvelles technologies devient un sujet à débattre.

Je pense que la question est d’adopter les mesures adaptées aux deux formes. Parce qu’il y a toujours des petits paysans qui devront être soutenus. Il ne faut pas oublier que c’est un grand problème social. Et il y a des entreprises plus modernes, mais ces deux types d’exploitations ont besoin d’une politique spécifique.

Ce n’est pas avec une seule politique qu’on peut régler les problèmes des deux entités. Mon point de vue, c’est de bien tenir compte des deux objectifs. Il faut soutenir les deux, et le faire intelligemment parce qu’on n’a pas beaucoup de ressources, les moyens financiers sont de plus en plus comptés.


Propos recueillis par Kim Chung (de Bruxelles)/CVN

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