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Un ancien bateau en bois exposé au Musée d’archéologie Pham Huy Thông. |
"Pham Huy Thông est un archéologue de renom au Vietnam. C’est grâce à lui que je suis devenu archéologue. C’est à sa mémoire que j’ai voulu donner son nom à ce musée", confie le Docteur Nguyên Viêt, directeur du Centre de recherche sur la préhistoire de l’Asie du Sud-Est (CRPASE).
La visite du Musée d’archéologie Pham Huy Thông à Quang Ninh (Nord) est une véritable plongée dans la vie des Viêt (Vietnamiens) d’autrefois. Les objets exposés, variés, racontent des histoires du temps jadis, qui ont parfois marqué l’Histoire, avec un grand H, du pays. C’est le cas notamment des pieux en bois que les forces armées vietnamiennes dirigées par le roi Ngô Quyên plantèrent dans le lit du fleuve Bach Dang pour annihiler la flotte des envahisseurs Han du Sud en 938. Ce combat fluvial historique, permit au pays de reconquérir son indépendance, mettant fin à mille ans de domination chinoise.
Pirogues monoxyles exhumées du limon
On peut aussi admirer nombre d’anciens articles en céramique et en pierre, tambours en bronze, épées, piques de l’Âge du Bronze (à partir d’environ 3.000 avant J.-C.)… rattachables à la culture de Dông Son (2.400-1.900 ans avant J.-C.). Mais la particularité du musée Pham Huy Thông, c’est sa collection de 22 pirogues monoxyles, c’est-à-dire construites dans une unique pièce de bois taillée dans un tronc d’arbre (dôc môc en vietnamien).
Selon le Docteur en archéologie Nguyên Viêt, ces anciens bateaux sont le fruit de trois ans (2016-2018) de recherche du CRPASE le long du Kinh Thây, une rivière de la province de Hai Duong, voisine de celle de Quang Ninh.
Le CRPASE a créé l’Institut d’études sur le combat du fleuve Bach Dang, basé à Quang Yên, dont la mission est de rassembler des documents de référence et de chercher des bateaux et armes datant des dynasties des Ly et Trân (XIe-XVe siècles). Les résultats des fouilles ont dépassé toutes les espérances des archéologues. Dans le lit du Kinh Thây, 22 pirogues monoxyles ont en effet été exhumées, dont 6 datées de la culture de Dông Son, 5 de l’époque de la domination chinoise (Ier-IXe siècles) et les autres de celle du Dai Viêt (Vietnam indépendant, Xe-XVIIe siècles).
Ces bateaux à usage quotidien, pour le transport ou la pêche, servirent peut-être aussi aux soldats de la célèbre bataille fluviale. Le Kinh Thây livra également la poupe d’un kouffa ("bateau panier", daté de la culture de Dông Son) servant de bateau-sépulture, selon l’archéologue Nguyên Viêt. Des échantillons de bois de 12 des 22 pirogues ont été envoyés en Australie, en Allemagne et en France pour être expertisés par la méthode du carbone radioactif, afin de cerner leur âge avec exactitude.
Kinh Thây, endroit de convergence
Ces bateaux anciens sont conservés dans l’eau pour éviter leur putréfaction. |
Mais pourquoi ces pirogues ont-elles toutes été trouvées dans le Kinh Thây ? Cela tient en trois raisons, selon le Docteur Nguyên Viêt. Primo, ce cours d’eau, un affluent du fleuve Luc Dâu Giang, est le réceptacle à la fois d’eaux maritimes (marée montante) et de crues. Au fil des siècles, cette puissante dynamique a apporté dans la rivière bien des objets qui s’y sont sédimentés, n’attendant plus que les yeux aiguisés des archéologues pour être révélés.
Secundo, cette rivière fut l’endroit où les forces vietnamiennes s’entraînèrent avant les combats contre les envahisseurs chinois. Et enfin, tertio, ses rives abritèrent autrefois des villages de céramique où accostaient des commerçants.
Dans le musée Pham Huy Thông, six pirogues sont exposées à l’air libre, et les autres conservées dans de l’eau. Selon le Docteur Nguyên Viêt, en 2018, en collaboration avec le Professeur australien P.Bellwood, le CRPASE a débuté un programme international de recherche. De nombreux rapports ont été présentés lors de symposiums scientifiques tenus dans le pays et à l’étranger.
"Un ouvrage de recherche sur les bateaux de la culture de Dông Son est en cours d’achèvement. Par ailleurs, les travaux de réfection de ces bateaux seront réalisés dans les années qui viennent", ajoute-t-il.
En 2017, Nguyên Viêt et ses confrères ont construit une jonque à voiles en forme "d’aile de roussette" (grande chauve-souris frugivore) inspirée du modèle des jonques d’autrefois très communes le long des cours d’eau et des côtes du Nord. Cette jonque à voiles, considérée comme la dernière représentante dans le pays de ce genre d’embarcation, a été homologuée par les autorités compétentes et mise à l’eau en 2018.