Un graveur de tampon silencieux au cœur d’une ville dynamique

Depuis une dizaine d’années, de plus en plus de jeunes Hanoiens et de touristes étrangers tombent sous le charme des tampons. Un des plus célèbres magasins se trouve au 6, rue Hàng Quat dont son patron est Pham Ngoc Toàn.

Le graveur

Midi, le petit magasin de gravure de tampons du 6 rue Hàng Quat, au cœur de la capitale, est plein de monde. Parmi les clients vietnamiens comme étrangers, les uns s’assoient sur les petites chaises et bavardent, les autres restent immobiles pour observer le graveur.

Pham Ngoc Toàn, patron du magasin âgé de plus de 50 ans, s’absorbe sur de petits morceaux de bois. Sa famille est dans la menuiserie depuis cinq générations et possède un atelier à Thuong Tin (ancienne province de Hà Tây). Ses grands-parents et parents fabriquaient trônes, armoires, lits, dressoirs pour service à thé... Autrefois, les commerçants chinois venaient commander des produits et les transportaient par voie maritime en Chine. Jusqu’à la génération de M. Toàn, avec les besoins croissants des touristes, il a décidé de faire le métier de graveur de tampons.

C’est à l’âge de huit ou neuf ans que son père lui a appris à tailler des statues d’arhat. Il a pourtant étudié pour devenir professeur de physique et mathématiques et exercé cette profession jusqu’en 1990, année où il a décidé de reprendre le magasin familial. "La vie n’était pas dure dans l’enseignement mais je souhaitais perpétuer le métier traditionnel de ma famille, donc j’ai arrêté le métier de professeur. Avec mes économies, j’ai pu acheter ces locaux du 6, rue Hàng Quat, et déménager le magasin du 10 de cette même rue", explique-t-il.

M. Toàn confie sa passion pour ce métier qui lui offre d’innombrables occasions de rencontrer les gens. Encore que... ‘"Une fois, je me suis absorbé dans mon travail au point de ne plus faire attention à ce qui se passait autour. Un vieillard à long barbe blanche est arrivé et s’est assis sur une chaise pour me regarder travailler. Quand j’ai pris conscience de sa présence, je l’ai invité à boire du thé, et c’est seulement après que j’ai reconnu en lui un chercheur en culture connu. Il ne venait pas regarder mes tampons mais me voir travailler silencieusement et avec passion, dans l’inquiétude que les métiers traditionnels de Hanoi disparaissent".

Pendant des dizaines d’années de métier, M. Toàn a beaucoup de souvenirs sans valeur matérielle aucune mais qui lui réchauffent le cœur. Ce métier demande une concentration qui parfois le rend difficile. Et par ailleurs, il y a des fois où il vexe ses clients qui, après avoir compris ses bonnes intentions, le remercient.

"Une fois, un client - Dinh Van Thanh - m’a demandé de graver un tampon de son nom en chinois. Je lui ai demandé la signification de son nom car Thanh en chinois a plusieurs significations. Gêné, il a abandonné puis, une semaine après, il est revenu pour présenter ses excuses puis préciser avoir demandé à son père le sens de son nom : +bleu+".

Une autre fois, une femme néerlandaise enceinte a voulu que M. Toàn grave un tampon portant le nom des trois membres de sa famille y compris celui du fils. En fait, elle avait oublié que son enfant qu’elle portait n’avait pas encore de nom. Alors, le graveur lui ai conseillé de graver seulement son nom et celui de son mari et que la prochaine fois qu’ils retourneraient au Vietnam, ce serait le nom de son enfant. Quelques années plus tard, ils sont revenus avec le bébé et le tampon...

M. Toàn est souvent occupé car son magasin attire un grand nombre de clients vietnamiens et étrangers. "Quand on est occupé, on se sent utile. En 2006, lors du 14e Sommet de l’APEC, j’ai eu l’honneur de graver un tampon pour accrocher sur les produits céramiques  qui ont été offerts aux dirigeants. Je suis très fier d’avoir contribué à diffuser la culture vietnamienne".

Un amour éternel pour les tampons

Plus d’une fois, ses amis comme sa famille lui ont conseillé de louer son magasin. "Cela me donnerait de meilleurs revenus et moins de fatigue, mais je ne peux me résoudre à abandonner ce métier. L’argent n’en est qu’un des aspects, a-t-il confié. Je veux conserver le métier familial qui remonte à plusieurs générations et qui en outre contribue à diffuser la culture vietnamienne à l’étranger, avec des tampons d’image de femmes portant l’ao dài (tunique traditionnelle des Vietnamiennes), le non (chapeau conique), des bambous... Des images qui sont devenues symboles du Vietnam".  

S’agissant de former un apprenti, M. Toàn demeure méditatif : "dans ce métier, même si le professeur enseigne tous les +secrets+, l’apprenti n’en devient pas forcément un bon artisan car cela dépend de ses capacités qui sont innées. Il leur faut de plus être passionné pour créer de nouveaux modèles. Ce n’est que ceux qui sont heureux en contemplant leur travail qui vivront toute leur vie dans ce métier".

Néanmoins, il forme un apprenti - un seul - depuis six années déjà Ce dernier ne peut pas apprendre toutes les "clés", mais il a le «cœur» pour ce métier. "À cette époque où l’argent est plus important encore, les hommes sont toujours pressés, le fait qu’un jeune homme décide de consacrer sa vie au ciseau et au bois est très précieux. Ma fille unique ne reprendra pas le métier ni ses enfants. C’est ma seule peine".

Depuis des dizaines d’années, excepté lorsqu’il était trop malade et ne pouvait sortir de chez lui, il est toujours dans son magasin. Malgré le froid ou la pluie, même quand seuls quelques magasins de la rue Hàng Quat restent ouverts..., le graveur de tampons y travaille avec sa concentration habituelle, devant des clients attendant patiemment sous leurs parapluies...

Au cœur d’une Hanoi dynamique et bruyante, il en demeure toujours quelques-uns qui, en silence, perpétuent les métiers traditionnels d’une capitale de plus de 1.000 ans. 

 HA MINH/CVN

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