Un «grain de folie» qui force le respect

Nguyên Thi Gao est enseignante depuis 1988 dans la province de Lâm Dông (hauts plateaux du Centre). En dehors de sa profession, elle passe une bonne partie de son temps à ramasser les seringues jetées par les toxicomanes avec, en plus, un vrai travail de sensibilisation.

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Nguyên Thi Gao ramasse les seringues usagées des toxicomanes sur les berges du lac de Bao Lôc, dans la province Lâm Dông.
Photo : Minh Minh/CVN

La pluie s’abat avec une intensité rare à Bao Lôc, dans la province de Lâm Dông, blanchissant les rues de la ville. Alors que les éléments se déchaînent, une quinquagénaire se précipite sur les berges du lac de Bao Lôc, équipée d’épais gants et de bidons en plastique pour ramasser les seringues usagées qui traînent ci et là.

D’incomprise à saluée

«Quand il pleut fort, les seringues laissées sur les arbres et la pelouse finissent leur course dans le lac. J’en profite pour les repêcher», explique Nguyên Thi Gao, enseignante au Centre de formation continue de la province de Lâm Dông. Sachant que la plupart des toxicomanes de la ville jettent leurs seringues dans les lieux publics, elle a demandé en 2017 à la direction du Centre de la laisser les ramasser et de tenter de nouer le dialogue avec les drogués pour les inciter à arrêter de s’injecter du poison dans les veines, moyennant un léger aménagement de son emploi du temps professionnel en été.

Ainsi, chaque week-end ou pendant ses temps libres, Nguyên Thi Gao prend ses bidons et se rend sur des lieux fréquentés par les toxicomanes. Au début, les gens ne comprenaient pas. «Mais pourquoi diable fait-elle ça ? Il vaudrait mieux qu’elle reste tranquillement à la maison ?», se demandaient-ils. Certains, d’ailleurs, n’hésitaient pas à la traiter de «folle».

Malgré les préjugés et les menaces parfois proférées par des drogués, Nguyên Thi Gao persiste, alors qu’elle n’en tire aucun profit sur le plan financier. «Une fois, alors que je ramassais des seringues pleines de sang, certains drogués m’ont dit : +Tu prends toutes les seringues, comment fait-on du coup ?+», partage-t-elle. L’idée qu’ils puissent utiliser ces seringues en commun lui a fait froid dans le dos.

Outre les toxicomanes, ces seringues font courir un risque pour les habitants qui s’aventurent dans ces endroits de perdition. «Un jour, pendant l’été, je suis allée au cimetière des soldats morts pour la Patrie de la ville. J’y ai vu des enfants s’amuser avec des seringues usagées. Ils les prenaient pour des fléchettes et certains en envoyaient en direction de leurs petits camarades !, se souvient-elle. J’ai couru vers eux pour leur expliquer à quel point c’était dangereux. J’ai dû m’y reprendre à plusieurs reprises avant qu’ils comprennent !».

Progressivement, son activité est mieux comprise, plusieurs toxicomanes lui montrent les lieux de rassemblement et des habitants lui donnent un coup de main. Les gardiens de l’hôtel Seri, au bord du lac de Bao Lôc, surveillent gratuitement son scooter pendant qu’elle travaille. L’hôpital II Lâm Dông est toujours à ses côtés en lui fournissant tous les outils nécessaires - gants, pinces et bidons aux normes.

Prévention et sensibilisation

Les seringues jettées par les toxicomanes dans les lieux publics sont un danger pour les habitants.

L’initiative de cette enseignante, en plus d’être soutenue par la communauté, est une bénédiction pour les drogués et leurs familles. Certains proches de ces victimes tombées dans le cercle infernal de la drogue lui demandent de servir d’intermédiaire pour les encourager à renoncer à ces substances qui mènent le plus souvent à la mort.

À l’instar de Lê Thi Diêm, domiciliée dans le quartier 2, et dont le fils, Tiên, aujourd’hui adolescent, est «accro» depuis plusieurs années. Tiên a déjà passé un séjour dans un centre de désintoxication mais il n’arrive pas à «surmonter ses démons». En le rencontrant, Nguyên Thi Gao ne lui a posé qu’une question : «Plus tard, quand tu auras des enfants, penses-tu qu’ils accepteront le fait que leur père est un drogué ?». Éclatant en sanglots, touché au plus profond de son être, il a promis qu’il ferait tout pour abandonner la drogue.

Nguyên Thi Gao cherche également à parler directement avec des toxicomanes afin de les inciter à reprendre leur vie en main. Elle va les voir souvent de 10h00 à midi le week-end. «C’est +l’heure de pointe+ pour les +fix+», informe-t-elle. Consciente que beaucoup d’entre eux ont des relations sexuelles non protégées, elle demande donc au centre médical local des préservatifs pour leur en distribuer. «Il faut empêcher la transmission des maladies, surtout le VIH !», s’exclame-t-elle.

Son action a fait du bien à la ville de Bao Lôc. «Le paysage autour du lac de Bao Lôc est superbe, mais c’est aussi le lieu préféré des drogués pour se piquer. Grâce à Gao, ils le fréquentent moins. Le lac est redevenu un espace pour faire de la gym ou se promener», se félicite Nghiêm, un riverain.

Ce jour-là, il pleut à torrents dans la bourgade de Bao Lôc. Comme à son habitude, Nguyên Thi Gao sort armée de son imperméable, ses gants, sa pince et ses bidons. Sous la pluie, sa silhouette est comme un rayon de soleil qui réchauffe la vie...


Mai Quynh/CVN

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