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Image non datée d'observation au microscope du SARS-CoV-2, le virus causant le COVID-19, transmise par les Instituts nationaux de santé (NIH) américains. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Pascal Mayer, biophysicien de 58 ans originaire de l'Est de la France, a reçu le Breakthrough Prize dans la catégorie des sciences de la vie, aux côtés de deux Britanniques, Shankar Balasubramanian et David Klenerman.
Ce prix américain, lancé par des entrepreneurs de la Silicon Valley pour récompenser des percées en recherche fondamentale, est doté de pas moins de 3 millions d'USD - contre un million pour un prix Nobel.
Après la publication en janvier 2020 du premier portrait robot détaillé du coronavirus, c'est aujourd'hui grâce à cette même technologie, le séquençage nouvelle génération (NGS), que les différentes mutations du virus peuvent être suivies au jour le jour afin d'identifier et surveiller les nouveaux variants.
Sans cette technique, cela serait "beaucoup plus cher" et surtout pas "si rapide", explique Pascal Mayer depuis Riom, près de Clermont-Ferrand.
Pourtant, lorsque l'idée germe dans sa tête en 1996, "ça paraissait fou, donc je passais pas mal pour un fou quand j'en parlais", se rappelle-t-il en souriant.
Colonies d'ADN
Pour comprendre la petite révolution que cette découverte constitue, petit rappel : le génome est l'ensemble des gènes d'un être vivant, qui déterminent son fonctionnement et ses caractéristiques particulières.
Chaque gène représente un petit morceau d'ADN, ce dernier étant constitué de quatre lettres : A (pour adénine), T (thymine), C (cytosine) et G (guanine).
Pascal Mayer, biophysicien de 58 ans originaire de l'Est de la France, a reçu le Breakthrough Prize 2022 dans la catégorie des sciences de la vie, aux côtés de deux Britanniques. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Au total, notre génome contient plus de trois milliards de lettres, réparties en 23 chromosomes. "C'est un peu comme si on avait une encyclopédie, qui serait répartie en 23 volumes", explique Pascal Mayer.
Séquencer le génome, c'est "lire" l'ordre de ces lettres.
Le séquençage du premier génome humain complet a été achevé en 2003, au bout de dix ans et pour un coût de plus d'un milliard d'USD. La technique alors employée s'appelle le séquençage de Sanger.
Grâce au NGS, parfois aussi appelé séquençage massif en parallèle, le processus peut désormais être réalisé dans la journée pour seulement environ 1.000 dollars.
Comment est-ce possible ? Au lieu de lire les pages de chaque livre une par une, elles sont toutes lues en même temps, en simultané.
"C'est comme si vous mettiez toutes les feuilles sur un terrain de foot, et que vous étiez capables de prendre une photo du terrain en une fois", dit le scientifique.
L'une des clés de la technique: créer des "colonies" (clusters) d'ADN, en découpant le génome en petits morceaux, dont on fait ensuite des milliers de copies formant des ilots. Regroupés sur un même support, ils peuvent être lus simultanément et plus facilement par fluorescence.
Le tout en "un coup de pipette", détaille M. Mayer, pour qui la "simplicité déconcertante" de la technique est source de fierté - et ce qui constitue sa force.
17.000 machines
Après des études à l'université de Strasbourg et des stages de postdoctorat au Canada puis au CNRS à Bordeaux, Pascal Mayer a pour la première fois expérimenté son idée à Genève, au sein du centre de recherche d'une entreprise pharmaceutique. Deux brevets clés sont déposés dès avril 1997.
De leur côté, les Britanniques Shankar Balasubramanian et David Klenerman travaillent sur les mêmes questions, et créent une start-up qui finit par acquérir la technologie développée par M. Mayer.
Cette start-up est finalement rachetée par Illumina, de loin leader de ce marché aujourd'hui, avec quelque 17.000 machines de séquençage à travers le monde.
Outre la lutte contre la pandémie, le séquençage massif en parallèle est largement utilisé pour diagnostiquer et traiter certains cancers et maladies rares. Mais aussi, par exemple, dans le cadre d'enquêtes judiciaires, pour différencier plusieurs personnes à partir d'un même échantillon sur une scène de crime.
Le Français ne touche rien des profits réalisés, n'étant pas propriétaire de l'invention. "Je suis un peu comme le gars qui a inventé le post-it", plaisante-t-il.
Il espère que ce prix apportera une crédibilité bienvenue à son entreprise, Alphanosos, fondée en 2014.
Il compte réinvestir une partie du million d'USD remporté pour soutenir le développement des projets de cette société. Parmi eux : un traitement contre le coronavirus.
AFP/VNA/CVN