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François Bibonne et son affiche du documentaire "Once upon a bridge in Vietnam". |
Photo : Thu Hà/CVN |
Pourquoi avez-vous réalisé le documentaire Once upon a bridge in Vietnam (Il était une fois un pont au Vietnam, Ndlr) ?
L’idée m’est venue en 2019 pendant un stage dans un groupe de labels de musique nommé "Outhere music", à Paris. Je m’occupais des calendriers des artistes et je me suis demandé si le Vietnam était une destination possible pour les musiciens de musique classique européenne.
Je faisais des recherches pendant mes pauses et ne trouvais presque rien sur l’orchestre et sur l’histoire musicale du Vietnam depuis l’Indochine. Comme j’étais déjà fasciné par le pays suite à deux premiers voyages après le décès de ma grand-mère, Thérèse Nguyen Thi Koan, j’ai décidé de partir une fois le stage terminé fin février 2020. L’idée était aussi de voyager au Vietnam avec un imaginaire différent de la guerre et des stéréotypes des agences de voyage.
Ce documentaire a une signification importante pour vous. Pourriez-vous la préciser ?
Le documentaire répond à plusieurs missions intérieures qui me sont chères. Tout d’abord celle de rendre hommage à ma grand-mère à travers une œuvre artistique. Ensuite, montrer un univers au Vietnam méconnu du grand public francophone et international, celui de la musique classique européenne, et permettre de créer un contraste créatif entre Vietnam et musique classique.
Je pense que le Vietnam est un pays dynamique et que ce dynamisme se ressent dans son paysage musical. Tout ce travail est une preuve de lien entre la France et le Vietnam et symbolise ce pont culturel. Au fur et à mesure de mon travail, je me suis rendu compte que cette mission de promouvoir la musique classique européenne s’est éclipsée, et a laissé place à la culture vietnamienne, aux traditions, à l’héritage complexe du Vietnam qui prouve que mon travail est surtout un retour aux racines.
Le vieux pont Long Biên dans le documentaire "Once upon a bridge in Vietnam" de François Bibonne. |
Photo : Thu Hà/CVN |
Le mot "bridge" dans le titre du documentaire doit avoir plusieurs sens. Pouvez-vous les expliquer plus clairement ?
En anglais, le bridge est une structure musicale qui sert de lien entre le refrain et le couplet dans une chanson. C’est aussi une partie du violon (ou violoncelle et alto) sur laquelle tiennent les cordes. C’est concrètement dans le documentaire le pont Long Biên, et donc le pont entre la France et le Vietnam, et encore plus loin, le pont entre la musique classique européenne et la musique traditionnelle vietnamienne.
Quels ont été les bons moments et les difficultés dans la réalisation de ce documentaire ?
Les bons moments ont été surtout psychologiques. J’ai eu le soutien de beaucoup de médias vietnamiens, beaucoup d’amitiés et de conseils de la part des musiciens au Vietnam. J’ai aussi réussi à lever 12.000 euros pour réaliser le montage du documentaire et assurer son marketing, grâce au milieu associatif parisien mais aussi de mécènes privés et beaucoup d’amis, et bien sûr ma famille. Ma caméra a été financée par les Fontainebleau Associations, qui sont une école de musique internationale pour qui je travaille chaque été, mais qui étant annulé à cause du COVID-19 en 2019-2020 m’a permis de profiter du Vietnam. Je dirais donc que ce coronavirus a été un avantage, je savais que ma place était au Vietnam, qui a bien géré la crise.
Les difficultés ont aussi été psychologiques, car je ne parlais pas vietnamien, j’ai dû m’y faire un réseau tout seul. J’ai eu aussi du mal à gagner de l’argent jusqu’à ce que je trouve assez d’élèves en français et anglais pour être autonome. J’ai eu aussi des problèmes techniques parce que je n’ai pas de formation de cinéaste à la base (j’ai une formation en littérature et un master en histoire contemporaine). J’ai donc tout appris sur le terrain et ce documentaire m’a permis de trouver ma vocation. Le Vietnam a été une véritable école pour moi.
L’orchestre philharmonique du Vietnam. |
Photo : CTV/CVN |
Ce documentaire a été réalisé avec beaucoup de forces et d’émotions, ce qui prouve que vous avez un amour profond pour le Vietnam ? Pourriez-vous nous en dire plus ?
Oui, je ne vois pas le temps passé quand je travaille pour des projets liés au Vietnam, j’ai une énergie qui vient certainement de ma famille. J’ai aussi cette volonté de prouver à mon entourage que le Vietnam et la musique classique forment un imaginaire magique qui mérite d’être exploité au maximum, c’est une mission intérieure naturelle. C’est aussi une quête identitaire, je pense que notre période est marquée par un mal être général et j’ai su trouver mon bonheur en voyageant chez mes ancêtres.
Le documentaire ouvrira de nouveaux projets dans le futur, pourriez-vous en parler avec nos lecteurs ?
Je veux diversifier les supports et financer un livre qui parlera de l’histoire de la musique classique au Vietnam, monter un festival avec les personnes du documentaire, monter des concerts qui lient musique classique et musique traditionnelle. Pour l’instant, je veux projeter mon documentaire dans un maximum de lieux et créer une effervescence autour de mon concept "Once upon a bridge in Vietnam" et ma marque Studio Thi Koan. Je vais aussi tourner un 2e épisode avec en trame de fond cette histoire de Camille Saint Saëns qui est allée au Vietnam en 1895, sur l’île hantée de Côn Dao... Plus largement, je veux conceptualiser le globetrotting de la musique classique et aller dans d’autres pays faire la même chose.