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Contrairement à d'autres arts traditionnels du Vietnam, le Châm riêng Chà pây est encore très vivant dans la communauté minoritaire des Khmers du delta du Mékong. Dans la langue de l'ethnie, Châm riêng veut dire chant, et Chà pây, sorte de luth en forme de feuille de styrax à deux cordes. Concrètement, il s'agit de narration chantée alternée avec de la musique.
L’artiste Thach Mâu interprète un morceau du Châm riêng Chà pây. |
La communauté khmère totalise plus de 1,3 million de personnes habitant pour l’essentiel dans les provinces occidentales du Sud, notamment à Trà Vinh et Soc Trang. Elle est l'une des seules des 54 ethnies du Vietnam à posséder sa propre langue vivante, son écriture et sa culture. Par ailleurs, les Khmers disposent d'un trésor artistique original et inestimable, à savoir les danses traditionnelles Rô bam, le théâtre chanté Du kê, le Châm riêng Chà pây, la sculpture sur bois, l’art décoratif, la peinture, la musique, la littérature, etc., sans oublier une collection unique d’instruments de musique.
Artistes polyvalents
C'est notamment lors des fêtes rituelles, à Trà Vinh et Soc Trang, que l'on peut rencontrer ces talents qui perpétuent les traditions. Comme le xâm (chant des aveugles) au Nord, le Châm riêng Chà pây exige que l'artiste sache à la fois chanter et jouer. Les paroles sont des poèmes en strophes de quatre vers, ou des vers improvisés abordant de manière récurrente les valeurs morales de la vie humaine. Ainsi, chaque quatrain est interprété en alternance avec des parties instrumentales. Ces spectacles peuvent durer de longues heures, et conter plusieurs histoires.
«Le +Châm riêng Chà pây+, qu'il soit joué ou non à un niveau professionnel, demande une certaine pratique. L’artiste doit être capable de chanter, jouer du +Chà pây+, mémoriser des poèmes mis en musique, créer et improviser», insiste Thach Mâu, 80 ans, amateur. Originaire de Trà Vinh, l’octogénaire a consacré toute sa vie à la conservation du Châm riêng Chà pây. Pendant la guerre, avant 1975, «c’est par ce moyen que j'ai réussi à exhorter la population locale à la lutte patriotique, et que j'ai incité les soldats de l’armée saïgonnaise à revenir dans le droit chemin. Par la suite, pour sensibiliser la jeune génération, j’ai créé et chanté des airs avivant les nobles vertus comme l’amour de la terre natale, la piété filiale, la bonne conscience, la sincérité, le savoir-vivre. Sans oublier des airs critiquant les vices et les défauts», affirme-t-il.
Avant de se produire, les amateurs pratiquent un rite cultuel d’hommage aux fondateurs du Châm riêng Chà pây. |
Un tremplin pour le Châm riêng Chà pây
Dans les yeux des Khmers, le Châm riêng Chà pây est indispensable à toute cérémonie cultuelle ou culturelle. Très développé pendant le XIXe et le début du XXe siècle, cet art vocal a toutefois, malgré sa popularité, tendance aujourd’hui à décliner, face au développement de la musique moderne. Par ailleurs, la rigueur de cette technique et le manque de formation réduisent au fil du temps le nombre de ces «narrateurs chantants».
«Si autrefois, chaque village khmer disposait d'au moins un ou deux interprètes, il n'en reste que quelques uns dans toute la région du delta du Mékong. Et tous sont d'âge avancé», indique Thach Mâu. Et de citer ses confrères Ly Sêm (à Soc Trang), Chau Nung (à An Giang), et Danh Xà Râm (à Bac Liêu), qu'il appelle à se battre pour transmettre cet art centenaire aux jeunes générations. Pour lui, la décision du ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme d’introduire en 2013 le Châm riêng Chà pây dans la liste des patrimoines culturels immatériels du pays correspond à l’attente de la communauté locale. «C’est vraiment une reconnaissance de la valeur inestimable de cet art propre aux Khmers, pour ne pas dire un tremplin pour le réveiller», ajoute-il.
Chà pây, un luth propre aux Khmers
Selon le musicologue Son Ngoc Hoàng, Chà pây est d’origine indienne. Il s’agit d’une sorte de luth à deux cordes, avec une grande caisse et un long manche. La caisse peut être de forme variée, trapèze isocèle (40 cm de longueur, 37 cm de largueur et 6 cm de hauteur), en feuille de styrax, ou en ananas. Le manche en bois dur, d’une longueur de 120 cm, compte douze touches, courbées à l’extrémité avec deux chevalets. Les motifs qui y sont sculptés font la particularité de ce luth propre aux Khmers.
Nghia Dàn/CVN