>>Le secrétaire général de l'AAFV apprécie les pensées de Nguyên Phu Trong
>>Nguyên Phu Trong appelle à construire un pays plus prospère et heureux
Denis Rondepierre, membre de l'Exécutif national du Parti communiste français. |
Étant membre du Parti communiste français (PCF), que pensez-vous des analyses du secrétaire général du PCV, Nguyên Phu Trong, dans son article intitulé "Questions théoriques et pratiques sur le socialisme et la voie vers le socialisme au Vietnam" ?
L’intervention du camarade Nguyên Phu Trong, secrétaire général du Parti communiste du Vietnam (PCV), est de haute teneur. Et nous nous réjouissons du nombre de convergences dans nos analyses respectives, d’autant plus qu’elles s’inscrivent, comme cela est souligné, dans le droit fil des valeurs du Président Hô Chi Minh que nous allons commémorer à l’occasion du centenaire du PCF dont il fut l’un des fondateurs.
Nous partageons totalement sa vision du système capitaliste actuel et ses crises. Comme lui, Fabien Roussel, notre secrétaire national, estime dans ses déclarations que la régression économique accélérée par la pandémie de COVID-19 a aggravé les inégalités sociales et mis en lumière les déficits des systèmes capitalistes tant dans l’organisation de la vie économique que dans les services publics. Nous l’avons vu en France avec la défaillance du système hospitalier et sanitaire saqué depuis des années au profit du privé dans un objectif de rentabilité immédiate. Ce sont les populations les plus démunies qui souffrent le plus de ces politiques néo-libérales avec la montée du chômage.
Le modèle capitaliste et sa financiarisation créent, comme le souligne le camarade Nguyên Phu Trong, un environnement international extrêmement dangereux menaçant pour notre planète et pour sa population : crises alimentaire et énergétique, épuisement des ressources naturelles, et régression environnementale.
Le capitalisme est incapable de relever les défis à ces crises que son système a engendrées. Ces défis sont le résultat d’un processus de développement socio-économique au cours duquel le profit est considéré comme l’objectif ultime.
Nous, communistes, nous voulons travailler à d’autres modèles de développement propres à assurer le bien de tous et l’émancipation sociale et humaine. Comme lui, nous pensons que les sociétés ont besoin d’un développement mis au service de l’homme, et non pas une société basée sur la recherche du profit et de l’exploitation au détriment de la dignité humaine. Un véritable développement économique va de pair avec le progrès et l’équité sociale. Nous avons besoin d’une société humaniste et solidaire et non pas d’une société régie par la concurrence qui impose la loi du plus fort et la domination d’une minorité au reste de la population.
Nous devons repenser les relations internationales et la mondialisation en ce sens, parler en termes de partenariat et de coopération inclusive et non de mise en concurrence des peuples. Nous sommes dans un monde interdépendant et la marche vers le progrès ne peut être que collective. Aucun pays ne s’en sortira seul. Nous avons besoin de dialogues, d'importants projets communs que les grandes institutions internationales comme l’ONU et ses agences peuvent assurer.
Pourriez-vous donner des évaluations sur l'œuvre de Renouveau et l'économie de marché à orientation socialiste du Vietnam ?
Dès sa fondation et tout au long de sa lutte révolutionnaire, le Parti communiste du Vietnam (PCV) a mené de durs combats. Après sa victoire sur l’impérialisme, il s’est agi de gagner la paix et de reconstruire un pays dévasté.
Le choix de suivre une voie vers le socialisme ancré dans les réalités nationales a démontré au regard des progrès accomplis depuis 35 ans que cette démarche était la bonne. Le Vietnam est devenu la 4e grande économie de l'ASEAN. Le revenu moyen annuel par habitant s’élève à 3.512 USD. De la carence alimentaire chronique, le pays est arrivé à assurer non seulement sa sécurité alimentaire, mais aussi à exporter du riz et d'autres produits agricoles.
Le taux moyen de pauvreté est passé de 58% en 1993 à 5,8% en 2016 et à moins de 3% en 2020.
Comme l'Organisation des Nations unies qui a reconnu que le Vietnam figure parmi les premiers pays à avoir atteint les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), nous saluons tous ces progrès. Pour les communistes français très attachés au peuple vietnamien par notre histoire, ces réalisations accomplies sont sources de joie et d’espoir pour le futur.
Tout ceci a été possible en mobilisant les forces - grandes - du peuple vietnamien. Afin de conduire ces réformes, le Parti communiste du Vietnam s’est appuyé sur le marxisme pour trouver sa voie vers le développement et la modernisation en prenant en compte les réalités nationales. L’introduction du concept de l’économie de marché à orientation socialiste a constitué une percée théorique fondamentale et créative comme vous le dites. Cet acquis a permis aux réformes contenues dans le Dôi Moi de se réaliser. Le marché n’est pas une finalité en soi comme dans les pays capitalistes mais un outil permettant de s’ouvrir au monde et de développer les forces productives. L’important est que l’État garde le contrôle du marché et du secteur privé. Il en est de même pour les investissements étrangers dont le Vietnam a besoin. Ces fonds doivent être dirigés dans les secteurs productifs utiles pour le pays et ne peuvent être l’objet de spéculation. Ils doivent s’intégrer aux plans quinquennaux qui assurent la réalisation des projets cohérents, une croissance régulière redistributrice et l’équilibre entre les différents secteurs économique, public, collectif, familial, privé. Le rôle de l’État et du Parti est alors essentiel pour garantir la souveraineté et l’indépendance du pays en s’appuyant sur les forces vives de la population.
D'après vous, quels sont les domaines auxquels le Vietnam doit penser en priorité pour mener à bien son œuvre de développement dans ce contexte mondial actuel ?
Comme vous l’estimez, le Vietnam est encore en période de transition. Et la situation internationale est incertaine et comporte beaucoup de dangers. Les forces réactionnaires et du capital sont à l’œuvre et leur politique veut freiner l’émancipation des peuples en les mettant en concurrence féroce. Elles se refusent à un nouvel ordre international pour conserver leur hégémonie et tentent de maintenir sous leur férule les pays en émergence.
La course aux armements et l’explosion des ventes d’armes mettent notre planète en danger et tendent à recréer des blocs antagonistes en s’attaquant au multilatéralisme.
Toutes les forces de progrès exigent au contraire une coopération internationale propre à relever les grands défis actuels - l’environnement, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire - dont nous avons un besoin urgent en cette période de pandémie, ainsi que la sécurité globale et collective de tous les peuples.
Propos recueillis par Nguyên Thu Hà