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Des escargots dans une ferme d'élevage, à Voynivka, en Ukraine, le 7 juillet. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Au milieu des paysages bucoliques de Voïnivka (région de Poltava, centre), à 500 kilomètres à l'est de Kiev, l'exploitation où travaille Ioulia Koretska a été une des pionnières de l'héliciculture - l'élevage des escargots comestibles - en Ukraine.
Désormais, son affaire est fragilisée par la fermeture des frontières, qui a frappé de plein fouet l'industrie alimentaire mondiale et entraîné des annulations de commandes.
Un coup dur pour la jeune éleveuse, qui s'était lancée dans l'aventure en 2015, dans les locaux d'une ancienne ferme laitière, avec 500 kg d'escargots importés de la Pologne voisine.
"À l'époque, personne d'autre n'en avait", se souvient-elle, en aspergeant d'une nourriture spéciale les caisses en bois dans lesquelles rampent les gastéropodes, au milieu de champs verdoyants.
Faute d'expérience, les erreurs de débutant n'ont pas manqué. Les voisins, qui se demandaient si les mollusques pouvaient vraiment être comestibles et la surnommaient "Maman Escargots", l'alertaient parfois au petit matin pour lui dire que des gastéropodes s'étaient échappés.
Mais moins de cinq ans après ses débuts, 50 tonnes ont été produites par la ferme de Mme Koretska l'an passé et l'expérience a fait des émules : aujourd'hui, l'Ukraine compte environ 400 fermes à escargots, pour la plupart des petites exploitations, selon l'association nationale des héliciculteurs.
Leur production est presque totalement destinée à l'exportation vers l'Union européenne, notamment l'Espagne et l'Italie. En 2020, entre 500 et 1.000 tonnes devraient être produites, contre 200 à 300 l'an passé.
Préparation des escargots avant leur exportation, à Poltava, en Ukraine, le 7 juillet. |
Les raisons de ce succès? Selon Ioulia Nastasivna, directrice de la ferme Ravlykova Khata (centre-ouest), les gastéropodes ukrainiens sont très demandés grâce à leur qualité et leur prix intéressant, environ 10% inférieur à celui de leurs rivaux polonais.
L'Ukraine exporte aussi des escargots sauvages, mais ils "sentent la terre tandis que ceux d'élevage sont plus délicieux", ajoute Mme Nastasivna, qui se préparait cette année à débarquer sur le marché français et était en discussion avec des acheteurs italiens avant l'épidémie.
Frigos pleins à craquer
Co-propriétaire de l'exploitation de Ioulia Koretska, Serguiï Danileïko espérait aussi démarrer cette année des exportations vers la Chine, mais la crise provoquée par la pandémie de coronavirus a brouillé les cartes.
"Toutes les négociations sont arrêtées. Avec des pays de l'UE, c'est pareil", déplore l'homme d'affaires de 43 ans qui ne peut plus visiter son entrepôt espagnol à cause de la fermeture des frontières.
"L'an dernier, tout était super. Cette année, c'est le contraire", ajoute-t-il.
Car avec le confinement, les restaurants européens ont fermé, annulant leurs commandes auprès d'héliciculteurs dont les cargaisons prêtes à l'envoi se sont retrouvées bloquées. "Le coronavirus m'a déjà fait perdre 55.000 euros", regrette M. Danileïko.
Lui et ses collègues attendent désormais l'automne avec anxiété, dans la crainte d'une deuxième vague et d'un nouveau confinement.
"Le coronavirus et les frontières fermées, c'est le problème clé maintenant", explique Mme Nastasivna, qui a dû annuler plusieurs missions commerciales vers l'UE et dit craindre que, sans reprise rapide, "toutes les fermes s'effondrent".
"Il va falloir se débrouiller et commercialiser en Ukraine tout ce qu'on a dans nos frigos pleins à craquer", ajoute-t-elle. Une mission difficile : pour la plupart des Ukrainiens, réputés pour leur amour du "salo" (lard de porc), l'escargot reste un chouïa trop exotique.
AFP/VNA/CVN