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Le président turc Recep Tayyip Erdogan. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
MM. Gül et Erdogan ont fondé ensemble le Parti de la Justice et du Développement (AKP) qui domine la scène politique turque depuis son arrivée au pouvoir en 2002. M. Gül a ensuite été Premier ministre et ministre des Affaires étrangères avant d'être élu président de 2007 à 2014.
Depuis, il a gardé un silence prudent tandis que des rumeurs circulaient sur l'inquiétude de M. Gül face à la voie prise par la Turquie et son amertume à avoir été exclu de l'AKP.
Mais un décret-loi publié le mois dernier accordant une immunité judiciaire aux civils ayant affronté les putschistes lors de la tentative de coup d'État du 15 juillet 2016 a provoqué une polémique et une rare prise de position de la part de M. Gül.
Il a ainsi qualifié ce décret-loi de "préoccupant", craignant que "ne se produisent à l'avenir des développements susceptibles de tous nous attrister".
Sans le nommer, M. Erdogan a fustigé ceux qui critiquent les décret-lois, disant qu'ils ne diffèrent en rien de ceux qui se sont opposés au référendum remporté en avril sur l'extension des pouvoirs présidentiels.
Abdullah Gül était le président de la République de Turquie de 2007 à 2014. |
Trafic électoral
Un éditorialiste du quotidien Hürriyet, Abdülkadir Selvi, proche du pouvoir, a ajouté de l'huile sur le feu en évoquant des rumeurs croissantes sur la possibilité qu'Abdullah Gül se présente comme candidat de l'opposition à M. Erdogan lors de l'élection présidentielle de novembre 2019.
Pour M. Selvi, le président Erdogan a déjà "vu le complot", et la dispute sur le décret-loi n'est "que la partie émergée de l'iceberg".
Abdullah Gül a rejeté les critiques de "certains députés et trolls" (internautes malveillants), estimant qu'elles "dépassaient les limites de la morale". "En tant que personne qui croit à la liberté de pensée et d'expression, l'un des principes fondateurs de notre parti, je continuerai d'exprimer mon opinion lorsque je le juge nécessaire", a-t-il affirmé.
Selon le quotidien nationaliste Aydinlik, l'ancien président est engagé dans un intense "trafic électoral", avec de nombreux voyages, notamment au Qatar, en Arabie Saoudite et en Grande-Bretagne, ainsi que des contacts rapprochés avec l'ancien Premier ministre Ahmet Davutoglu, démis de ses fonctions par le président Erdogan en 2016.
Risques et sacrifices
Les analystes estiment que la dispute entre les deux hommes représente une nouvelle étape pour Abdullah Gül, figure politique prudente qui a toujours évité les critiques publiques de Recep Tayyip Erdogan.
Mais il serait prématuré de supposer qu'Abdullah Gül provoque ouvertement son successeur en vue d'une confrontation en 2019.
"Malgré les désaccords qui émergent parfois entre eux, ils n'ont jamais été rivaux", explique à l'AFP Adil Gür, qui dirige l'institut de sondages A&R.
"Je pense que Gül ne sera pas candidat, et même s'il le fait, je ne pense pas qu'il ait la moindre chance", ajoute-t-il.
Les tensions entre les deux hommes ont émergé pour la première fois en mai-juin 2013 lorsque M. Erdogan, alors Premier ministre, a refusé tout compromis face aux manifestations anti-gouvernementales sans précédent qui ont secoué le pays, tandis que M. Gül était partisan d'une ligne plus conciliante.
Le référendum d'avril 2017 apparaît comme un point de rupture, puisqu'Abdullah Gül aurait refusé de soutenir publiquement la réforme constitutionnelle malgré une rencontre de plusieurs heures avec le président Erdogan en amont du scrutin.
Pour Gareth Jenkins, chercheur au Silk Road Studies Program, le meilleur moyen pour Abdullah Gül de revenir au premier plan en politique serait au sein même de l'AKP, en cas d'émergence d'une fronde anti-Erdogan.
Mais il estime que pour représenter un vrai défi, M. Gül doit regagner la confiance de l'opposition, perdue du fait de son silence prolongé sur des questions-clé et de sa réticence à la confrontation publique.
"Il devra faire beaucoup de sacrifices et se préparer à prendre des risques avant que qui que ce soit ne le prenne au sérieux en tant qu'opposant", affirme M. Jenkins, tout en lui reconnaissant "un peu plus de courage" ces derniers jours.
AFP/VNA/CVN