>>En Syrie, Washington tente de désamorcer la crise entre Ankara et les Kurdes
>>Maison Blanche: le départ des troupes américaines en Allemagne pas à l'étude
Des véhicules blindés américains près de la ville syrienne de Manbij, le 5 mars 2017. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
L'annonce de cette décision aux conséquences géopolitiques majeures a été faite par un tweet laconique de 16 mots, dans une certaine confusion, renforçant l'image d'un président isolé sur ce dossier au sein de son administration.
Quelque 2.000 soldats américains sont actuellement déployés dans le Nord de la Syrie, essentiellement des forces spéciales présentes pour combattre le groupe État islamique et entraîner les forces locales dans les zones reprises aux jihadistes.
Quel est le calendrier de redéploiement? Pourquoi cette décision intervient-elle maintenant? A-t-elle fait l'objet d'une coordination avec les alliés des États-Unis? Toute la journée, la Maison Blanche et le Pentagone se sont renvoyés la balle, sans fournir le moindre chiffre ni la moindre date.
"Nous avons vaincu le groupe État islamique en Syrie, la seule raison pour moi pour laquelle nous étions présents pendant la présidence Trump", a écrit le président américain, qui a plusieurs fois exprimé le souhait de "ramener les troupes à la maison".
"C'est un retrait total" qui interviendra aussi rapidement que possible, a indiqué mercredi 19 décembre un responsable américain sous couvert d'anonymat.
Ces derniers mois, de hauts responsables militaires américains ont multiplié les mises en garde contre un retrait précipité qui laisserait la voie libre en Syrie aux alliés du gouvernement de Bachar al-Assad.
"La campagne contre l'EI n'est pas terminée", s'est borné à souligner le Pentagone, affirmant qu'il ne fournirait aucun détail pour des raisons de sécurité.
Aucune information n'a été communiquée concernant l'impact de cette décision sur la campagne de frappes aériennes menées en Syrie depuis fin 2014.
"Trahison" pour les Kurdes
Cette annonce pourrait placer dans une situation très difficile la milice kurde YPG, qui se bat avec l'appui de Washington contre les jihadistes du groupe EI dans le Nord de la Syrie.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a une nouvelle fois menacé lundi 17 décembre de "se débarrasser" de cette milice si son parrain américain ne la contraignait pas à s'en retirer.
Ankara considère cette dernière comme une organisation "terroriste" liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui livre une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984.
Pour Rafee Ismail, commerçant dans la ville kurde de Qamishli (Nord-Est de la Syrie), le retrait américain est "une trahison des principes humanitaires". Elle est "en contradiction frontale avec les engagements de Washington (…) de protéger le peuple kurde qui a tant sacrifié pour lutter contre le terrorisme".
Les États-Unis ont par ailleurs approuvé mercredi 19 décembre la vente de leur système de missiles antimissiles Patriot à la Turquie pour un montant total de 3,5 milliards de dollars.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré qu'Israël, informé par avance par les États-Unis, allait étudier les retombées d'un retrait américain de Syrie mais "saurait se défendre" contre les éventuelles menaces venues de chez son voisin.
Israël a mené des dizaines de frappes en Syrie depuis le déclenchement de la guerre dans ce pays en 2011, contre des positions du Hezbollah mais aussi contre des convois d'armes destinés, selon l'État hébreu, au mouvement libanais.
Donald Trump l'a martelé sur les estrades de campagne: il estime que l'engagement des États-Unis au Moyen-Orient coûte des milliards de dollars qui seraient mieux dépensés au profit du contribuable américain, et qu'il faut laisser d'autres acteurs, notamment les pays arabes du Golfe, faire le travail sur place.
Mais plusieurs membres de son administration ont exprimé leur net désaccord sur ce dossier sensible.
"Énorme erreur"
La semaine dernière encore, l'émissaire des États-Unis pour la coalition internationale antijihadistes Brett McGurk assurait que les Américains avaient vocation à rester encore pendant un bon moment en Syrie.
"Même si la fin du califat en tant que territoire est maintenant clairement à portée de main, la fin de l'EI prendra beaucoup plus longtemps", avait-il dit devant la presse à Washington, car "il y a des cellules clandestines" et "personne n'est naïf au point de dire qu'elles vont disparaître" du jour au lendemain.
À plusieurs reprises, le ministre américain de la Défense, Jim Mattis, a lui aussi mis en garde contre un départ précipité de Syrie, évoquant le risque de "laisser un vide qui puisse être exploité par le gouvernement d'Assad ou ses soutiens".
Dans le camp républicain, nombre d'élus ont vivement regretté cet arbitrage soudain du 45e président des États-Unis.
"Les généraux du président n'ont pas la moindre idée d'où est venue cette décision", a souligné le sénateur conservateur Ben Sasse dans un communiqué cinglant.
Pour son collègue Marco Rubio, cette décision, prise en dépit de mises en garde "quasi-unanimes" de la part des militaires, est une erreur "qui hantera l'Amérique pendant des années".