>>Le Pdg de Total meurt dans un accident d'avion à Moscou
L'avion privé qui transportait le dirigeant du géant pétrolier, première entreprise de l'hexagone par les bénéfices, et deuxième par la capitalisation boursière, a percuté une déneigeuse alors qu'il s'apprêtait à décoller de Vnoukovo, l'un des trois aéroports internationaux de Moscou, pour se rendre à Paris.
"Total doit continuer à aller de l'avant", a déclaré mardi 21 octobre le secrétaire général du groupe pétrolier Jean-Jacques Guilbaud, assurant qu'il était "organisé pour (...) faire face à cet événement tragique".
Christophe de Margerie, Pdg de Total, le 1er juillet 2013 à Paris |
Photo : AFP/VNA/CVN |
M. de Margerie n'avait pas désigné de dauphin mais s'était entouré de lieutenants susceptibles de prendre sa succession. Deux noms sont régulièrement cités : Patrick Pouyanné, le directeur général de la branche Raffinage-Chimie, et Philippe Boisseau, directeur général Marketing & Services (activités qui recouvre la distribution de carburants) et Energies nouvelles.
Le comité de gouvernance et d'éthique, puis le conseil d'administration du groupe se réuniront "dans les plus brefs délais afin de prendre les décisions nécessaires", selon M. Guilbaud.
Une minute de silence a été observée à 14h00 au siège du groupe à La Défense (Hauts-de-Seine), où les salariés étaient sous le "choc", et dans la plupart des établissements du groupe en France et à l'étranger.
À la Bourse de Paris, le titre de Total, après avoir reculé à l'ouverture, a gagné 3,24% peu avant la clôture de la Bourse.
"Négligence criminelle"
À Moscou, les enquêteurs, placés sous l'égide du Comité intergouvernemental d'aviation et de l'agence fédérale d'aviation russe, ont retrouvé les boîtes noires du Falcon 50 de la compagnie privée d'aviation d'affaires Unijet.
Le comité d'enquête, qui accuse la direction de l'aéroport de "négligence criminelle", a rapidement blâmé le conducteur du chasse-neige, en affirmant qu'il était en état d'ébriété, ce que dément catégoriquement l'avocat de cet employé de 60 ans. Ce dernier a été placé en garde à vue pour 48h.
Les aiguilleurs du ciel ont commencé à être interrogés et doivent faire l'objet d'analyses pour détecter une éventuelle consommation d'alcool et de substances psychotropes.
Par ailleurs, trois enquêteurs du Bureau français d'enquêtes et d'analyses (BEA) étaient en route pour Moscou afin d'éclaircir les conditions de l'accident. En outre, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour "homicides involontaires", confiée à la section de recherches de la gendarmerie des transports aériens.
Les télévisions russes ont aussi diffusé des images de la carlingue en grande partie carbonisée de l'appareil gisant sur le dos dans l'herbe, hors de la piste.
Un "ami" de la Russie
L'annonce du décès de M. de Margerie a suscité de nombreuses réactions de patrons de grandes entreprises, et de responsables politiques et syndicaux.
Le président François Hollande a salué le "caractère indépendant" et la "personnalité originale" du Pdg de Total, qui "défendait avec talent l'excellence et la réussite de la technologie française à l'étranger".
"Il y a beaucoup d'émotion et de tristesse chez les salariés, car c'était un homme très apprécié, très proche des gens, et même un défenseur du dialogue social", a réagi le coordinateur CFDT du groupe (premier syndicat), François Pelegrina.
Le président russe Vladimir Poutine a déploré la perte d'"un vrai ami" de la Russie, à l'origine "de plusieurs grands projets communs qui ont jeté les bases d'une coopération fructueuse entre la Russie et la France dans le domaine énergétique pour des années".
Image tirée d'une vidéo faite par l'équipe d'enquête russe montrant les restes du Falcone du Pdg de Total, Christophe de Margerie, à l'aéroport de Moscou, le 21 octobre |
Selon le quotidien russe Vedomosti, M. de Margerie venait de prendre part à une réunion avec le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, consacrée aux investissements étrangers en Russie, alors que les sanctions américaines et européennes découlant de la crise ukrainienne frappent durement Moscou, en particulier dans le secteur pétrolier et gazier.
Bénéficiant de contacts privilégiés au sommet de l'État russe, M. de Margerie continuait à défendre l'investissement en Russie, dont Total souhaite faire sa principale zone de production d'hydrocarbures à l'horizon 2020.
Dans son dernier discours en Russie lundi 20 octobre, il avait répété son opposition aux sanctions contre Moscou, tout en appelant la Russie à "corriger la situation" découlant de la crise ukrainienne.
"Big Moustache"
Patron atypique, connu pour son franc-parler, M. de Margerie défendait inlassablement une entreprise aussi puissante que contestée, à l'image ternie par une série de catastrophes et d'affaires : naufrage de l'Erika en 1999, explosion de l'usine AZF en 2001, affaire "pétrole contre nourriture" en Irak, investissements controversés en Birmanie et polémiques récurrentes sur le fait qu'en dépit de bénéfices records, Total n'acquitte pas d'impôts sur les sociétés en France, où ses activités sont déficitaires.
Surnommé "Big Moustache", Christophe de Margerie avait effectué toute sa carrière au sein du géant pétrolier, dont il était devenu directeur général en 2007 puis Pdg en 2010.
Sous son égide, le groupe avait accéléré ses investissements dans l'exploration, avant d'amorcer une marche arrière en septembre dernier.
Le groupe avait restructuré ses activités en France, avec la fermeture de sa raffinerie de Dunkerque (Nord) en 2010.
AFP/VNA/CVN