Thiên et poésie au Vietnam

Il y a 700 ans, le roi Trân Nhân Tông a fondé la secte Thiên (Zen) de Trúc Lâm (Forêt de Bambous) à Yên Tu, province de Quang Ninh (Nord-Est). Elle a été source d’inspiration lyrique et philosophique de la poésie classique vietnamienne.

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Des bouddhistes à la pagode Quan Su à Hanoï.
Photo: VNA/CVN

À Hanoï, par les temps de chaleur caniculaire, les pancoviers et flamboyants au bord du lac Thiên Quang (Lumière du Zen), côté rue Nguyên Du, vous offrent avec leur arcade de verdure un havre de fraîcheur, de paix et de sérénité.

Les sons de cloche de la pagode voisine, qui porte le même nom que le lac, vous plongent parfois dans un état de torpeur délicieuse. Vous oubliez, pour quelques secondes, et vos soucis quotidiens et vos tracas métaphysiques. Vous ne sentez plus la pesanteur du physique, vous percevez le vide du "moi-non moi" annonciateur du nirvana.

Pour accéder à ce quiétisme athée dont il est donné au profane que je suis de ne goûter que de rares et fugaces perceptions, le Thiên ouvre une voie. Thiên (sanscrit: Dhyana, chinois: Ch’an, japonais: Zen) signifie méditation. Il privilégie l’instruction de maître à disciple, souvent par des suggestions hors de la parole, les écritures et les doctrines étant réduites au minimum.

École bouddhiste

Dans le cadre du Mahayana (Grand Véhicule) bouddhiste, une école Thiên fut créée au Vietnam au VIe siècle. Au XIIIe siècle, après avoir vaincu les envahisseurs mongols, le roi Trân Nhân Tông se retira dans un monastère de montagne et y fonda la fameuse secte Thiên de Trúc Lâm (Forêt de Bambous).

Yên Tu est "La Mecque" du bouddhisme vietnamien.
Photo: VNA/CVN

Le Thiên, proche du taoïsme irrationnel et intuitif dont il est teinté, corrige et complète parfois ce qu’il y a de trop scolastique et de conventionnel chez le lettré confucéen. Il a été une source d’inspiration lyrique et philosophique pour la poésie classique vietnamienne.

Doctrine bouddhiste

Dès le XIe siècle, la bonzesse Diêu Nhân, fille d’un prince de sang royal, a résumé la doctrine bouddhiste dans le gatha () suivant:

Naissance, vieillesse, maladie, mort
Se perpétuent depuis les premiers âges.
Veut-on s’en délivrer,
Les liens dénoués se resserrent davantage.
Dans l’aveuglement, on s’adresse à Bouddha,
Dans le trouble, on s’adresse au dhyâna.
Ne t’adresse ni à Bouddha, ni au dhyâna.
Reste muet car les mots ne sont que verbiage.

Le bonze Van Hanh (XIe siècle) se réfère au spectacle de la nature pour parler à ses disciples de l’évanescence de ce monde:

La vie de l’homme est un éclair sitôt né, sitôt disparu.
Verdoyant au printemps, l’arbre se dépouille à l’automne,
Grandeur et décadence, pourquoi s’en effrayer?
Épanouissement et déclin ne sont que gouttes de rosée perlant sur un brin d’herbe.

Panthéiste, l’adepte du Thiên s’oublie souvent dans la nature dont il aime la beauté fragile et l’apparence immuable:

Sous la longue lueur du jour, belle est la véranda fleurie,
À la fenêtre du Nord, le vent parfumé de lotus apporte la fraîcheur,
Après la pluie, le jardin a revêtu son manteau d’émeraude,
Seul un chant de cigale trouble le crépuscule.

(Roi Trân Thánh Tông)

De tel joyaux de poésie émaillent la littérature de la période des Lý et des Trân (XIe-XIVe siècles), l’âge d’or du bouddhisme vietnamien.

À partir du XVe siècle, malgré la prédominance idéologique du confucianisme, le Thiên et le bouddhisme en général ont continué à inspirer de nombreux poètes dont Nguyên Binh Khiêm, Nguyên Gia Thiêu (Plaintes d’une femme du harem royal), Ngô Thì Nhâm, Nguyên Du (Kiêu)…

Dernièrement, au cours d’une visite au petit village de Bac Biên, de l’autre côté du fleuve Rouge, j’ai lu deux sentences parallèles écrites à la porte d’une petite pagode:

Sur le sentier noyé de brume, s’égoutte le chapeau de feuilles
Les fleurs qui parsèment le sol parfument les sandales du pèlerin.

Mon ami, le poète Trân Lê Van, qui m’accompagnait, m’a dit: "On ne sait pas à quelle époque ont été écrits ces vers, mais c’est du Thiên, assurément".

Huu Ngoc/CVN
(Novembre 1993)

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