"Tous les accessoires utilisés dans le film +Intempéries dans la région frontalière+ ont été prêtés par Dô Van Toàn ", a fait savoir le metteur en scène Hô Ngoc Xum.
Dô Van Toàn, un natif de Kim Son, province de Ninh Binh (Nord), est domicilé à Bao Lôc, province de Lâm Dông, sur les hauts plateaux du Centre. Longue queue de cheval poivre et sel retenue par un catogan, visage arrondi, yeux brillants, vêtements de l'ethnie Ba Na. Ce septuagénaire appelé K'Toàn par les habitants locaux, porte bien son âge. "Je suis originaire de Ninh Binh, dans la plaine du Nord. Je vis dans les hauts plateaux du Centre depuis 55 ans. J'aime la vie des gens d'ici. Plus je participe à leurs activités quotidiennes, plus j'admire leurs traditions", a-t-il confié.
Un legs pour les générations futures
Le "trésor" qu'il a patiemment amassé durant 30 ans, il le conserve chez lui dans une petite pièce de 32 m². Plus de 10.000 objets, anciens et plus récents, des milliers de photos et des centaines de pages de documents divers relatant toutes les facettes de la vie de 8 ethnies minoritaires. L'on y trouve aussi bien des ustensiles ménagers, des objets de chasse, de pêche, des outils de forgeron que des métiers à tisser, des instruments aratoires ou du matériel pour les fêtes et cérémonies cultuelles... Certain objets sont rarissimes, par exemple une paire de boucles d'oreilles en ivoire, un goong tre (instrument de musique en bambou), un cache-sexe long de 6-7 cm, un ken bâu (sorte de flûte de pan comprenant 6 tiges de bambou plantées dans une calebasse séchée), une hotte à couvercle… Sa collection fait des envieux : 300 couteaux, 100 serpes et coupe-coupe, 50 calebasses séchées servant à contenir les liquides, 20 mortiers destinés à pilonner le riz, 12 tambours...
Les photos prises par K'Toàn illustrent tous les aspects de la vie des montagnards, allant des activités champêtres, de pêche et de chasse aux cérémonies rituelles et aux fêtes des gongs, en passant par leurs métiers traditionnels…
"Cette collection, je la dédie aux générations futures", avoue K'Toàn. Car, aujourd'hui, les montagnards, même ceux des régions les plus reculées, ont accès aux objets de ladite "civilisation moderne". Le plastique vient remplacer le bois, le rotin ou le bambou, le T-shirt la tenue traditionnelle finement brodée... " À ce rythme-là, nos enfants ne connaîtront rien du mode de vie de leurs ancêtres". C'est pour préserver un patrimoine qui part à vau-l'eau que K'Toàn a débuté, en 1977, sa collection.
Dès son arrivée au Tây Nguyên, en 1954, le petit Toàn est fasciné par cette contrée peuplée d'une vingtaine d'ethnies minoritaires. Il suit ses camarades de classe dans les villages des ethnies K'Ho, Châu Ma, Châu Ro, Stieng…, observant avec intérêt les activités quotidiennes des autochtones : culture des caféiers, récolte du riz, piégeage du gibier, pêche… Il a une prédilection particulière pour les fêtes où les villageois dansent au rythme des gongs autour du nhà rông (maison commune sur pilotis, à toit à forte pente), chantent d’anciens airs émouvants ou écoutent, autour d'un gigantesque feu de bois crépitant, le sage du village raconter des épopées, en sirotant avec des tiges de bambou un alcool de riz contenu dans des jarres en terre cuite...
“Des objets dotés d’une âme”
Toàn a exercé diverses professions : praticien de médecine traditionnelle, jardinier, planteur de caféier, cueilleur de thé, électricien… Des métiers qui lui ont permis de s'intégrer plus profondément dans la communauté multiethnique locale. Généreux de nature, il est toujours prêt à aider les autochtones que ce soit pour des conseils sur les plantes médicinales, des travaux de bricolage ou champêtres… Il est ainsi devenu un membre à part entière de la communauté locale.
L'idée de collectionner des objets anciens lui est venu le jour où, alors qu'il ramassait des plantes médicinales, il trouve par hasard une jambière brodées multicolores jetée aux orties. Il l'emporte chez lui et l'accroche sur une poutre pour pouvoir "la regarder à tout moment". Selon lui, "les objets fabriqués et utilisés par les ethnies minoritaires reflètent leur mentalité, leur façon de voir la vie, le monde, et dévoile en particulier leur amour du bien et du beau. Grâce à ces objets quotidiens on arrive à mieux connaître leur vie tant matérielle que spirituelle". Dès qu'il a du temps libre, K'Toàn enfourche sa moto et part, un vieil appareil photo en bandoulière, dans les villages éparpillés dans les collines. Chargée à l'aller de livres, de cahiers, de stylos et de jouets "à offrir aux enfants", sa monture déborde au retour d'objets hétéroclites. Le "trésor" de K'Toàn s'enrichit au fil de ses pérégrinations.
Il est particulièrement fier de sa collection d'instruments de musique. Il possède en effet presque toutes les sortes de flûtes des 8 ethnies du Tây Nguyên, ainsi que des ensembles de gongs, de tambours… Enthousiaste comme un gamin auprès de ses jouets, il saisit une flûte goong tre puis joue un air ensorcelant appris auprès d'un vieil homme de l'ethnie Ba Na.
Dô Van Toàn nourrit l'espoir de pouvoir monter un jour un petit musée sur la vie des ethnies du Tây Nguyên. Et attend l'hypothétique mécène qui viendra l'aider à concrétiser ce rêve…
Nghia Dàn/CVN