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L'image de la voie lactée Abell 2744, prise et diffusée par le télescope James Webb. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Nous pensons avoir trouvé un premier indice de la présence de ces étoiles extraordinaires", a annoncé Corinne Charbonnel, professeure d'astronomie à l'Université de Genève dans un communiqué. Le superlatif n'est pas volé pour décrire des astres hors-normes, jusqu'ici uniquement théorisés.
L'étoile la plus massive observée à ce jour a une masse équivalente à celle d'un peu plus de 300 Soleils. Celle décrite dans l'étude parue dans l'édition de mai d'Astronomy & Astrophysics la laisse loin derrière, avec une masse estimée entre 5.000 et 10.000 fois celle du Soleil.
L'équipe menée par l'astrophysicienne, -avec des scientifiques des Universités de Genève et Barcelone et de l'Institut d'astrophysique de Paris-, avait théorisé leur existence en 2018 pour expliquer une énigme de l'astronomie : la grande diversité de composition des étoiles dans les amas globulaires.
Généralement très vieux, ces amas concentrent plusieurs millions d'étoiles dans un volume réduit. Les progrès de l'astronomie en dévoilent un nombre croissant, comme une sorte de "chaînon manquant" entre les premières étoiles et les premières galaxies. Notre voie lactée, qui contient plus de cent milliards d'étoiles, compte environ 180 amas globulaires, rappelle le communiqué de l'Université de Genève.
L'énigme repose sur le fait que bon nombre des étoiles de ces amas contiennent des éléments exigeant des températures colossales pour être produits, jusqu'à 70 millions de degrés pour l'aluminium. Des températures bien supérieures à celles que les étoiles atteignent dans leur cœur, au maximum 15 à 20 millions de degrés -comme notre Soleil.
La solution proposée est celle d'une "pollution" par une étoile supermassive jeune, seule à même d'atteindre une température aussi extrême. Les scientifiques imaginent que de telles étoiles supermassives sont nées par collisions successives dans l'espace restreint et très dense de l'amas.
Une "étoile-graine"
La galaxie Messier 74 observée via James Webb. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Une "espèce d'étoile-graine va engloutir de plus en plus d'étoiles", explique Mme Charbonnel à l'AFP. Et devenir "comme un immense réacteur nucléaire, continuellement alimenté en matière, et qui va en éjecter beaucoup" dans l'amas. Cette matière va alimenter les jeunes étoiles en formation, en proportion de "leur proximité avec l'étoile supermassive".
Restait à trouver une preuve du phénomène. L'équipe l'a dénichée dans une galaxie des premiers âges de l'Univers, GN-Z11.
Découverte en 2015 par un collègue de Corinne Charbonnel, cette galaxie parmi les plus distantes observées, à plus de 13 milliards d'années lumière, et donc une des plus anciennes, existait déjà 440 millions d'années après le Big Bang.
Découverte avec le télescope spatial Hubble, l'observation de cette minuscule tache rouge avec son successeur James-Webb a livré deux indices clés : une très forte densité d'étoiles et surtout beaucoup d'azote. Un élément dont la présence ne peut s'expliquer dans de telles proportions que par la combustion d'hydrogène à des températures extrêmes. Un phénomène qui ne peut se produire que dans une étoile supermassive.
Si l'équipe tenait avec sa théorie "comme une espèce de trace de pas de notre étoile supermassive, là c'est un peu comme si on avait trouvé un os", reprend Mme Charbonnel : "Et on spécule sur la tête de la bête derrière tout ça...".
L'espoir d'en observer une un jour est mince. Les scientifiques estiment l'espérance de vie d'une étoile supermassive autour de deux millions d'années, un clin d'œil dans les échelles de temps cosmique.
Mais ils soupçonnent qu'elles pourraient être apparues dans des amas globulaires jusqu'il y a encore deux milliards d'années, soit relativement récemment. Et donc y laisser une trace permettant de mieux les cerner.
AFP/VNA/CVN