>>France : forte hausse des pertes d'emploi chez les entrepreneurs
>>France : le chômage se stabilise et confirme la bonne forme de l'emploi
>>Le nombre de chômeurs en France en légère baisse au 2e trimestre
Une affiche publicitaire de la société de maroquinerie Sofama pour recruter, sans aucune expérience exigée, le 8 septembre à Saint-Étienne. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Cette démarche est une première pour nous, car le luxe évolue traditionnellement dans la discrétion. Mais il faut trouver des solutions pour attirer de nouveaux candidats", explique Vincent Rabérin, le patron de Sofama, qui travaille avec de grandes maisons du luxe.
Avec des effectifs en hausse - 140 salariés au moment de la reprise de la société en 2010, plus de 1.000 aujourd'hui - et un chiffre d’affaires de 70 millions d'euros, il fait partie de ceux qui ont bénéficié à fond du succès du luxe à la française en Asie et en Amérique. Le secteur est dominé par les performances de Louis Vuitton, Hermès, Chanel... principaux donneurs d'ordre des sous-traitants.
"Avec un taux de croissance annuel à deux chiffres sur la décennie écoulée, le recrutement est devenu la principale problématique de ces sous-traitants, plus que l'approvisionnement en matière première de qualité", note Thierry Voisin, directeur formation au Centre technique du Cuir.
Sofama doit ainsi faire une cinquantaine de recrutements d'ici la fin de l'année. Après les 4x3, une campagne d'affichage est prévue dans des abribus de la région de Vichy, où se trouvent trois de ses ateliers. Son patron en est convaincu : "il faut faire connaître notre filière et ses débouchés, et la rendre globalement plus attractive à travers la rémunération bien sûr mais aussi des plans de carrière, en changeant notre business model".
"Culte du secret"
Membre de la fédération CGT textile et maroquinerie, Thomas Vacheron voit d'ailleurs la pénurie de main-d'oeuvre comme une opportunité pour les grandes maisons de "réduire leurs marges au profit des sous-traitants". Et d'alléger "la pression sur les cadences de production pour que ces emplois gagnent en attractivité".
Selon lui, il y a un "réel problème de pouvoir d’achat" pour "les salariés qui parcourent de longues distances pour se rendre dans les ateliers situés en zone rurale", contre des rémunérations à peine supérieures au Smic. La région Auvergne Rhône-Alpes concentre une part importante de la production française de maroquinerie haut de gamme, avec près de 7.500 salariés, sur les 27.000 recensés en France, selon les chiffres de Pôle Emploi.
"On essaie de susciter des vocations, notamment chez les hommes encore peu nombreux dans ces métiers manuels de travail du cuir où de gros besoins se font ressentir", expose Fathi Janier, cheffe de projet Industrie à la direction régionale de Pôle Emploi.
Son conseil aux employeurs est de "communiquer sur les réseaux sociaux", mais le culte du secret reste prégnant dans un monde industriel contraint par des engagements de confidentialité et des impératifs de sécurité. Pour se protéger des convoitises, un sous-traitant du Puy-de-Dôme assume ainsi de ne pas avoir de site internet. Un autre refuse de s'exprimer sur la prochaine construction d'un gros atelier dans la région de Saint-Étienne.
Isabelle Allard, la DRH de Sofama, insiste sur la formation et souhaite "que l'Éducation nationale étoffe son offre de formation initiale en maroquinerie du CAP au BTS en passant par le Bac Pro", parallèlement à celle destinée aux demandeurs d'emploi ou à la reconversion professionnelle.
En attendant, comme plusieurs grandes maisons, l'entreprise a créé sa propre structure de formation, la "SB Académie" et formé plus de 600 personnes depuis 2017. Malgré une année 2020 marquée par de nombreuses semaines d'arrêt de la production, la crise sanitaire n'a pas freiné la croissance du secteur. L'année 2021 a été celle de tous les records et la tendance ne semble pas près de s'inverser.
AFP/VNA/CVN