La troupe, qui joue actuellement dans les Instituts français en Afrique, poursuivra avec une deuxième tournée française puis en Europe l’année prochaine. «C’est une fenêtre ouverte sur l’Afrique contemporaine avec leur rage, leurs préoccupations, leurs centres d’intérêts (des danseurs)», confie Anthony Egea.
Un specracle qui se veut un portrait intense, et parfois politique, de l’Afrique. |
Le spectacle met en scène différents tableaux de la vie africaine : une bagarre de rue, un combat de coqs, un dictateur et son trône mais aussi les «sapeurs congolais» ou les rencontres entre amis.
Plein de fougue et de violence, le Krump, la danse apparue dans les bas quartiers de Los Angeles, après les émeutes aux États-Unis en 1984 et qui mime le passage à tabac de Rodney King, est un des fils conducteurs de la chorégraphie.
«J’ai découvert le Krump tard : en 2007 avec le film +Rize+ (David Lachapelle 2005). Cela a été une révélation», avoue l’impressionnant Comorien Salim Mze Hamadi Moissi qui se «bat» contre quatre de ses collègues lors du spectaculaire ballet final. «Le Krump, j’ai tout de suite vu que c’était pour moi. Quand je krumpe, je suis moi, c’est spirituel même. Je parle de moi, je fais des grimaces. On est proche de la transe», poursuit-il.
«Je crois que c’est le premier spectacle du genre avec du Krump», avance M. Egea dont la compagnie s’appelle «Rêvolution avec un circonflexe. Rêve et évolution»
«L’idée, c’était de faire un spectacle avec le krump, mais d’incorporer le hip-hop avec de la danse contemporaine et la danse traditionnelle que chacun des danseurs a en lui. Je voulais amener le hip-hop là on on ne l’attend pas. Loin des baggies et des casquettes», explique le chorégraphe. «Mais, il faut passer d’une technique à l’autre sans qu’on le note. En quelque sorte, on crée une nouvelle danse», poursuit-il.
Egea a choisi ses danseurs en les regardant évoluer dans différents ateliers lors d’une tournée précédente en Afrique. «Les gars passaient sur scène et je tombais de ma chaise. Il fallait absolument faire quelque chose avec ce talent et cette rage», se souvient-il.
Le chorégraphe a alors sélectionné six danseurs (Mali, Congo, Gabon, Comores, Centrafrique, Burkina Faso) pour travailler en résidence à l’Institut français de Dakar.
Le Gabonais Djaroule Mvou (hommage au rappeur Ja Rule avec qui il a une légère ressemblance) n’a «pas hésité une seconde : c’était une chance comme celle-là que j’attendais. Danseur en Afrique, c’est difficile».
Né à Moanda (Sud-Est du Gabon), loin de la capitale, Djaroule, qui a commencé à danser en public dès l’âge de 13 ans, affirme avoir «galéré», malgré un «talent incroyable», selon Anthony Egea.
Djaroule, 27 ans, qui a adapté son style pour le spectacle, évolue habituellement avec un masque et a créé ce qu’il appelle «la danse comique». Il y mélange hip-hop pur, contorsionnisme, acrobatie et «aussi du Charlie Chaplin, du Jim Carrey et du Mister Bean», précise-t-il.
Pour vivre de son art, il se produit souvent dans des mariages pour 200.000 F CFA (300 euros). «Entre chaque mariage, il faut vivre. C’est dur», raconte le danseur, qui a fait du gardiennage pour joindre les bouts.
«Sur scène, on se bat sans brutalité mais on montre qu’en tant qu’Africain on se bat avec la même énergie (que les animaux qui se battent pour vivre), avec toutes nos forces», raconte le Congolais Kirsner Tsengou, qui incarne à un moment du ballet un coq de combat.
Originaire de Centrafrique, Raymond Siopathis trône comme un «dictateur africain» qui pourrait être l’empereur Jean-Bedel Bokassa. «Ça tombe bien parce que l’histoire me tenait à cœur (...). Le spectacle parle de politique parce qu’il parle de tout, de la société et donc de politique mais ce n’est pas la volonté à la base. Ça parle surtout de nous».
AFP/VNA/CVN