>>Un juriste tchèque apprécie la décision de la CPA
>>Sentence de la CPA - la "jurisprudence" en Mer Orientale
Cette sentence est définitive, irrévocable et contraignante pour la Chine et les Philippines. Néanmoins, le ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré que la Chine, qui avait boycotté les audiences, "n'accepte ni reconnaît" l'arbitrage de la CPA, lequel est qualifié de "virage" dans le règlement des différends en Mer Orientale. Pékin a également insisté sur le fait que cette décision "n'a aucune incidence" sur ses droits de souveraineté territoriale et ses intérêts maritimes dans cette zone maritime, lesquels ont été rejetés par la CPA.
Le refus par la Chine de cette décision largement saluée dans le monde, et notamment le fait que la CPA n'est pas revêtue de force obligatoire pour sa sentence arbitrale, exposent les pays dans comme hors de la région à un redoutable défi en matière de légitimité du droit international, notamment au regard de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 (CNUDM), de leurs propres intérêts légitimes comme de la sécurité et de l'ordre en Mer Orientale.
La CPA a jugé le 12 juillet que les revendications de la Chine sur ses "droits historiques" pour les zones maritimes délimitées par la "ligne en neuf traits" étaient contraires à la CNUDM de 1982. |
Photo : BBC/VNA/CVN |
Une affaire commune
L'ancien ambassadeur d'Allemagne en Chine et au Japon, Volker Stanzel, a estimé que la sentence n'était pas une affaire propre à Pékin et à Manille.
"Quand un tribunal de l'ONU rend sa décision, la Mer Orientale n'est plus seulement une question de l'Asie-Pacifique. Elle deviendra une question de gouvernance globale sur la façon dont le monde peut maintenir les normes et les règles de droit", a-t-il souligné.
La confiance de la communauté internationale, récemment renforcée, dans le rôle de la CPA à prendre part au règlement des complexes différends en Mer Orientale, pourrait être compromise si la sentence du 12 juillet n'est pas suivie d'exécution, fait l'objet d'une défiance publique, est appliquée avec lenteur ou n'est pas pleinement exécutée. La responsabilité des membres de la communauté internationale est donc de s'assurer que la justice soit effective pour protéger l'effectivité du droit, mais aussi la défense de leurs propres intérêts en matière de liberté de la navigation maritime en Mer Orientale, laquelle est considérée comme l'"artère maritime" du commerce international.
Un test de la fiabilité des engagements de Washington
Des analystes ont estimé que la décision de la CPA donnait aux États Unis une base pour prendre la responsabilité d'empêcher les actes belliqueux de la Chine, enfreignant les règles de droit et défiant l'ordre international. Ce serait également un "test" de la fiabilité des engagements à promouvoir la sécurité et la libre navigation maritime et aérienne en Mer Orientale et, plus globalement, la stratégie de "pivot vers l'Asie" de Washington.
Le rejet de la sentence arbitrale, la multiplication de la construction d'îles artificielles, l'obstruction des activités des pêcheurs étrangers et l'agression dans leurs zones de pêche traditionnelles, la violation des zones économiques exclusives et des plateaux continentaux des pays riverains de la Mer Orientale, ou encore l'établissement d'une zone d'identification de la défense aérienne (ADIZ) au-dessus de la Mer Orientale comme l'a menacé le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Liu Zhenmin, vont à l'encontre des appels des Nations unies, de l'Union européenne (UE), des États-Unis, du Japon, de l'Inde, de l'Australie, de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN)… à faire preuve de la plus grande retenue et à respecter le droit international.
Poursuivre la lutte par des moyens pacifiques
S'agissant du demandeur, les Philippines, ainsi que les autres pays subissant les revendications absurdes de la Chine, le défi consiste à poursuivre la lutte par des moyens pacifiques, dont les moyens juridiques, afin de stopper les actes belliqueux de la Chine en Mer Orientale, parallèlement à la promotion et à la création d'un environnement favorable à l'exécution de la sentence de la CPA.
Tous les mouvements de la nouvelle administration philippine concernant la Mer Orientale seront suivis de très près par la communauté internationale. Manille sera-t-elle capable de faire face aux représailles, ou satisfaite de renoncer à ses droits protégés par le droit international, lors de prochaines négociations avec la Chine ?
Le rôle de l'ASEAN mis à l'épreuve
Le rôle central et la solidarité de l'ASEAN sont également mis à l'épreuve depuis cette sentence. La question est de savoir si les pays membres de cette organisation régionale seront capables d'être fermes devant les attaques diplomatiques et la "soft power" croissante de la Chine, pour adopter une position unique et solidaire sur la question de la Mer Orientale, dans le contexte d'un droit international pour eux et d'une sentence confirmant ce point ? Le maintien de l'ordre en Mer Orientale sur le fondement du droit international dont la CNUDM et la sentence de la CPA, contribuera à élever le rôle et la position de l'ASEAN en tant qu'entité dynamique et solidaire.
La réaction de la Chine, une question majeure
Actuellement, la réaction de la Chine à cette sentence est une question majeure.
Cette décision impose à Pékin un choix difficile, à savoir poursuivre sa politique des "trois non" (boycott des audiences, non reconnaissance de la sentence et non acceptation de la sentence), qui compromet son prestige international comme la confiance que lui accordent les autres pays, ou alors revoir son approche de la question de la Mer Orientale, fondée sur des erreurs historiques ayant pour source une carte comportant cette "ligne en langue de bœuf" vague et absurde.
Le respect de la décision de la CPA, largement sollicitée et attendue par l'opinion internationale, est de la responsabilité et du devoir de la Chine en tant que partie à la CNUDM et membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, qui s'est autoproclamée "grande puissance responsable", et s'est engagée à une "montée pacifique".
L'histoire des procès en droit international a vu cinq pays qui ont boycotté les audiences d'instances de juridiction internationales. Cependant, avec le temps et la pression de la communauté internationale, tous ces cinq pays ont finalement coopéré pour régler les différends en vertu de la sentence de la cour.
Nous espérons que la Chine ne sera pas un cas exceptionnel. Les actes de ce pays seront jugés par le temps et "le tribunal de l'opinion publique internationale".