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Des balles de lin dans une usine de Villons-Les-Buissons (Calvados), le 15 juillet |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Ce serait génial. C'est quand même dommage : on produit le lin ici, il part en Chine et revient ici" sous forme essentiellement de vêtements, résume Bertrand Lefèvre, liniculteur de 27 ans à Parfouru-l'Eclin (Calvados). Derrière lui vrombit la machine qui arrache et couche sur le sol les plants aux reflets verts et jaunes vifs. Le lin destiné au textile n'est pas coupé, mais arraché, et il doit rester plusieurs semaines au sol avant que la fibre ne soit extraite en usine.
"Avec la crise, on voit qu'on est dépendant de la Chine et d'autres. Si on relocalisait, on le serait moins", ajoute ce fils et petit-fils de liniculteur. La Coopérative linière du Nord de Caen, à laquelle il appartient avec 250 producteurs, compte 4.000 hectares de lin contre 1.350 en 2013. Au niveau national, l'interprofession affiche une hausse de 50% de la production sur dix ans.
Le lin a en effet bonne presse : même si elle est rarement bio (à peine 1% de la production), cette plante à fleurs bleues est plus écologique que le coton. Et de la racine à la graine, tout est utilisé (textile, papier, matériaux composites, fourrage).
Mais avec un virus qui a touché d'abord l'Asie, les liniculteurs ont été totalement privés de débouchés durant de longs mois. "Ça redémarre un petit peu", indique Marc Vandecandelaere, président de la coopérative. Mais les prix ont chuté, "presque de moitié", selon des producteurs. En bio, ils sont restés stables selon Chanvre et lin bio. Le coup est rude mais le lin n'est qu'une production parmi d'autres pour les agriculteurs et la chute des prix fait suite à une flambée.
Cette culture, risquée car très dépendante d'une savante alternance de pluie et de soleil, peut être très rémunératrice (de 2.000 à 6.000 euros à l'hectare contre 500 à 1.000 pour le blé selon M. Bertrand). Depuis le COVID, "on est revenu à des prix beaucoup plus logiques", explique une cadre du secteur.
Un retour des filatures
Face à cette secousse, cinq députés LREM ont plaidé pour "relocaliser toute la filière dans les régions de production" (Normandie, Hauts de France) qui comptent "4.000 producteurs et un millier de salariés".
Des employés dans une usine de lin à Villons-Les-Buissons (Calvados), le 15 juillet. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les usines de teillage (séparation des fibres par broyage et battage) sont nombreuses en France. Celle de la coopérative caennaise emploie ainsi 40 personnes à Villons-les-Buissons. Les producteurs y ont même une boutique de vêtements en lin. Mais les filatures ont disparu de l'Hexagone depuis 20 ans. Ou presque.
Le tisseur Emmanuel Lang (groupe Velcorex) vient d'en ouvrir une à Hirsingue (Haut-Rhin), après avoir importé des machines de Hongrie. "C'est une aberration d'avoir abandonné" la filature en France, "surtout avec la transition écologique", pense son Pdg Pierre Schmitt, en soulignant que le lin peut aussi remplacer des dérivés du pétrole ou isoler les logements. L'usine traiterait 150 tonnes de lin par an (sur 150.000 produites en France) dans un premier temps, puis 1.000 à moyen terme.
Face à la demande de produits haut de gamme, le groupe NatUp, qui vient de prendre une part majoritaire dans le tisseur de lin Lemaître-Demeestere, promet, lui, une autre filature de lin, fin 2021 à Saint-Martin-du-Tilleul (Eure). Et à Evrecy (Calvados), une usine de t-shirts en lin bio est annoncée pour l'automne. Toutefois, ces deux projets attendent encore confirmation de leurs financements.
"Je suis à 200% pour, mais on arrivera à filer chez nous à un prix qui sera presque le double de l'Asie. Est-ce que le consommateur suivra ?", s'interroge toutefois M. Vandecandelaere. Emmanuel Lang promet pour l'automne des jeans en lin 100% made in France, sans surcoût dus à la relocalisation. Selon lui, la "production intégrée", la proximité des différents métiers, compense le surcoût de la main d’œuvre.
AFP/VNA/CVN