>>Autriche : accord de gouvernement entre droite et extrême droite
Le conservateur Sebastian Kurz, nouveau chancelier autrichien, à Vienne, le 16 décembre. |
À 31 ans, le conservateur Sebastian Kurz devient chancelier, et plus jeune dirigeant du monde, huit mois après son arrivée à la tête du Parti chrétien-démocrate (ÖVP) qu'il a conduit à la victoire aux législatives d'octobre.
Dans le décor baroque du palais Hofburg, le chef de l'État, Alexander Van der Bellen, a investi le nouveau gouvernement composé de treize ministres, dont six appartiennent au Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ), qui obtient des responsabilités gouvernementales inédites pour un parti d'extrême droite européen.
Écologiste libéral, M. Van der Bellen a adoubé la nouvelle coalition, non sans lui adresser une mise en garde, l'appelant à "respecter l'histoire autrichienne, (...) ses pages positives comme ses pages sombres", à "respecter les droits des minorités et de ceux qui pensent différemment".
À quelques centaines de mètres du lieu de cette cérémonie, plus de 5.000 manifestants ont bruyamment exprimé leur hostilité à la présence du FPÖ au gouvernement, rassemblés derrière des banderoles proclamant "les Nazis dehors" ou "Mort au fascisme".
Une mobilisation loin des manifestations géantes qu'avait entraînées à Vienne la précédente participation du FPÖ au pouvoir, au début des années 2000, en coalition avec les conservateurs.
Kurz félicité
Même retenue du côté des dirigeants européens dont beaucoup ont félicité le chancelier Kurz, sans s'appesantir sur son pacte avec l'extrême droite.
Le FPÖ, arrivé troisième aux législatives, décroche trois ministères régaliens -Intérieur, Défense, Affaires étrangères- et un poste de vice-chancelier pour son chef, Heinz-Christian Strache, 48 ans, qui a comparé l'immigration à une "invasion de masse" et qui estime que "l'islam n'a pas sa place en Autriche".
La chancelière allemande Angela Merkel, dont la politique d'ouverture aux réfugiés avait été pourfendue par M. Strache, a dit souhaiter "une bonne coopération" avec l'Autriche et convié son homologue à Berlin. Le président du Conseil européen Donald Tusk s'est dit confiant dans "le rôle constructif et pro-européen" que jouera le nouveau gouvernement au sein de l'UE. Un respect des "valeurs européennes" également mis en avant par Paris.
En février 2000, au sein d'une UE alors composée de 15 membres, l'entrée du FPÖ de Jörg Haider dans le gouvernement autrichien avait provoqué une levée de boucliers et des sanctions.
Dix-sept ans après, les partis populistes et hostiles à l'immigration se sont enracinés dans de nombreux pays et Sebastian Kurz, ministre sortant des Affaires étrangères, s'est lui-même emparé des craintes suscitées par l'immigration dans sa conquête du pouvoir.
Le durcissement de la politique migratoire, notamment via les restrictions concernant les aides sociales accordées aux étrangers, compte parmi les priorités du nouveau gouvernement.
À cet égard, le Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Zeid Ra'ad Al Hussein, a jugé "dangereux" lundi 18 décembre que "l'ancien ministre des Affaires étrangères (bascule) vers l'extrême droite sur la question de l'immigration et des droits des migrants afin d'attirer à lui des voix".
À Bruxelles dès mardi 19 décembre
Le retour au pouvoir du FPÖ électrise en revanche ses alliés nationalistes européens, après une année 2017 marquée par les scores élevés de l'extrême droite en France, en Allemagne, aux Pays-Bas.
"Cela n'arrivera plus qu'un migrant qui n'a jamais travaillé ici une seule journée ou versé quelque cotisation que ce soit dans notre système social reçoive des milliers d'euros d'aide", s'est félicité dimanche M. Strache dans un message sur son compte Facebook.
"Je crains qu'on ne s'en prenne de plus en plus aux étrangers", s'inquiétait dans la manifestation viennoise Katharina, 38 ans.
Si elle revendique "un engagement européen clair", la nouvelle majorité a également "l'objectif de renforcer la subsidiarité" au sein de l'UE (c'est-à-dire de donner davantage de compétences aux États membres) et de limiter les délégations de souveraineté, à l'opposé de la vision d'une Europe plus fédérale prônée par le président français Emmanuel Macron.
Le programme comporte également une série d'allégements fiscaux, des coups de pouce aux familles et aux petites retraites, des mesures pour alléger la bureaucratie et simplifier le système social.
Pour rassurer ses partenaires de l'UE, M. Kurz conservera aussi la haute main sur les dossiers européens, l'Autriche devant présider l'UE au second semestre 2018.
Il sera d'ailleurs dès mardi à Bruxelles pour rencontrer le patron de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le président du Conseil européen, Donald Tusk.