La politique énergétique vietnamienne n'a pas changé d'un iota pendant de longues années : donner la priorité à la demande domestique. Le pays commence il y a peu à exporter du charbon dans un triple objectif : compenser et réguler le prix de vente au détail dans le pays, avoir de quoi investir dans les infrastructures et ouvrir de nouvelles mines pour répondre à la demande allant croissante à partir de 2013, et rentabiliser la production du Groupe industriel des charbons et des minerais du Vietnam (Vinacomin).
Lê Quôc Dung, vice-président de la Commission de l'économie de l'Assemblée nationale, juge "énormes" les besoins en premières matières et en carburants au moment où le pays s'engage dans l'industrialisation et la modernisation alors que les ressources sont "limitées". Les espoirs reposent sur le charbon dont les réserves à Quang Ninh ne sont pourtant "pas inépuisables", précise-t-il. La mine ne produit que plus de 40 millions de tonnes (Mt) par an contre une demande allant croissante, prévue pour atteindre 90 Mt en 2015.
En 2009, le pays pourrait produire 40 Mt de charbon commercialisable. La moitié (19,5-20 Mt) est destinée à la consommation intérieure, l'autre exportée. La quantité exportable est donc considérable par rapport à la production, alors que le charbon est une ressource naturelle non renouvelable et coûte cher à l'importation.
La tendance risque d'être renversée. À partir de 2013, il arrive que le pays importe du charbon pour satisfaire la demande domestique. Contrairement à ce qu'on attend, les besoins augmentent d'année en année, passant de 90 Mt par an (en 2015) à 150 Mt (en 2020) puis 225 Mt (en 2025), selon Nguyên Manh Quân, chef du Département de l'industrie lourde (ministère de l'Industrie et du Commerce). Le chiffre pour 2020 pourrait atteindre 230 Mt en 2020 au maximum.
Une des raisons : une série de nouvelles centrales thermiques (Hai Phong, Quang Ninh, Thai Binh) et d'usines d'azotes ayant été mises en service dans cette période.
La consommation en charbon à cette fin monte également, passant de quelque 63 Mt (en 2015) à 110 Mt (en 2020) avant d'atteindre 180 Mt (en 2025). La puissance des centrales du pays a augmenté d'environ 18.000 MW l'année dernière. En 3 derniers mois de 2009, quelque 1.400 MW ont été rajoutés à la puissance réunie du pays. Ce chiffre est pourtant inférieur à l'objectif approuvé par le gouvernement pour 2009 (3.393 MW supplémentaires).
Les experts réunis en colloque à la mi-novembre à Hanoi n'excluent pas les possibilités d'importer du charbon pour la production électrique plus tôt que prévu, les gisements charbonniers étant situés pour la plupart dans le Nord.
Si l'on développe les centrales thermoélectriques, le pays devra importer du charbon au lieu d'en exporter. Le directeur général de Vinacomin, Trân Xuân Hoà, estime pour sa part que les importations devraient commencer à partir de 2013 et représenteraient plus de 100 millions de tonnes en 2020. Pour le moment, aucun fournisseur étranger n'est en vue pour alimenter en carburants les centrales thermiques du Sud alors que la route est longue pour en ramener du Nord. Cette solution, jugée "mauvaise" par les experts, devra être acceptée si d'autres plus acceptables ne sont pas trouvées.
Les décideurs se trouvent devant de nombreux choix : accepter l'importation du charbon, accélérer et multiplier les projets de centrales nucléaires, économies énergétiques drastiques, développement poussé des énergies renouvelables (biomasse, solaire, éolienne, géothermique, marémotrice, houlomotrice…).
Importer du charbon pose de problèmes. L'énergie nucléaire commence à être expérimentée mais son utilisation à grande échelle nécessite d'être éclaircie. Économiser les énergies est tout à fait réalisable et permettrait de combler un tiers de la demande. Développer les énergies renouvelables, qui sont propres, est faisable. Un seul handicap : elles ne sont utilisables qu'à une petite échelle, étant incapables de remplacer les énergies fossiles (uranium, charbon, pétrole, gaz).
Il faut dire qu'un éventuel manque de charbon provient aussi des exportations de charbon de ces derniers temps. Mais ces problèmes sont à 100% techniques : la productivité du gisement du Nord-Est (Quang Ninh) ayant atteint le plafond. Si l'on optimise son exploitation, le pays pourrait obtenir quelque 65 Mt (en 2015), puis 80 Mt (en 2020), contre environ 42 Mt aujourd'hui. Un manque à combler : quelque 25 Mt (en 2015), 70 Mt (en 2020). En cas d'une hausse de la demande, le manque s'accentuerait davantage.
Une telle insuffisance de sources de carburants pousse les décideurs à oser l'exploitation de nouveaux gisements. Cette situation amène le gouvernement à donner à Vinacomin instruction de couvrir autant que possible les besoins du développement socio- économique du pays, de commercialiser le charbon de façon à en réduire au fur et à mesure l'exportation et à n'en vendre hors frontières que les sortes dont le pays n'a pas encore besoin. Vinacomin est chargé de planifier l'extraction charbonnière annuelle, périodique et d'en importer en quantité suffisante pour l'économie nationale.
Dans l'optique d'un développement durable de ce secteur, un marché du charbon concurrentiel devra être mis en place. Sont planifiées également une intégration régionale et mondiale, une diversification des modes d'investissement et de commerce, et de l'éventail des produits. Le secteur charbonnier devra augmenter la quantité de charbon trié au lieu d'en exporter à l'état brut ou de produit semi-fini.
Le gouvernement veut un développement durable, adéquat et proche de l'environnement de l'industrie charbonnière. Le secteur charbonnier devra accélérer les travaux d'exploration et d'évaluation des réserves, qui lui permettront de bien préparer son extension stable et durable. Le gouvernement lui confie même la tâche d'étendre ses activités à l'étranger à la recherche de nouvelles sources pour le pays.
Pour résoudre ce calcul énergétique, Vinacomin aura ainsi à accélérer la prospection des gisements houillers et à en estimer les réserves, à terminer la prospection à moins de 300 m du gisement de Nord-Est (Quang Ninh), à explorer partiellement celui du delta du fleuve Rouge (932 m2) vers la fin de 2015, tout en intensifiant l'investissement dans la recherche de sources étrangères qui compléteraient celles du pays. Les secteurs Dông Quan, Vu Tiên, Dông Hung et Tiên Hai du gisement du delta du fleuve Rouge devraient être explorés en fin de 2025.
C'est pour les raisons précitées que Vinacomin demande au gouvernement d'ouvrir le gisement houiller du delta du fleuve Rouge dont la présence est confirmée (voir encadré). Il serait bien de l'étudier et de le mettre en exploitation, à titre expérimental et dans un meilleur délai, estime Nguyên Manh Quân, aussi vice-président du conseil d'expertise du projet. Les travaux ne seront qu'au stade expérimental, a précisé le ministre de l'Industrie et du Commerce, Vu Huy Hoàng, lors d'une séance d'interpellations devant l'Assemblée nationale.
Ce n'est pas par hasard qu'une telle mission importante soit confiée à cette compagnie générale d'État qui a lancé en juin 2009 un projet gigantesque et téméraire. Un projet qui fait couler beaucoup d'encre.
Un gisement qui existe bel et bien
En 1961, les premiers forages à 1.200 m de profondeur sont effectués dans la commune de Phùng Hung (province de Hung Yên) et révèlent la présence de 12 couches de houille exploitable.
De 1965 à 1969, une carte géologique du sous-sol à 3.000 m de profondeur est établie. Des forages permettent de confirmer l'existence de la houille sous les districts de Kiên Xuong et Tiên Hai, province de Thai Binh.
En 1979, un rapport d'études scientifiques fait état de 30-100 couches de houille.
En 1977, un rapport conforte la certitude de la présence de couches de houille dans une région comprise entre le district de Khoai Châu (province de Hung Yên) et le plateau continental du golfe de Bac Bô.
En 1986, un autre rapport estime à 210 milliards de tonnes de houille les réserves sous le delta du fleuve Rouge.
Hà Minh/CVN