>>Brexit : réunion d'urgence UE - Grande Bretagne pour clarifier les positions
>>Londres défie l'UE et s'expose à de "graves conséquences"
Le vice-président de la CE, Maros Sefcovic, quitte le siège de la délégation de l'UE à Londres, le 10 septembre 2020. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Alors que les tractations pour arriver à un accord commercial et éviter un "no deal" à haut risque le 1er janvier restent dans l'impasse, la situation s'est brusquement envenimée ces derniers jours entre Londres et Bruxelles, avec le retour des ultimatums et accusations mutuelles qui avaient déjà précédé leur divorce en janvier dernier.
Les Européens ont été piqués au vif par l'intention du gouvernement de Boris Johnson de faire adopter un projet de loi qui contredit en partie l'accord encadrant la sortie de l'UE, une manœuvre violant de son propre aveu le droit international.
Venu à Londres pour une réunion d'urgence du comité mixte chargé de superviser l'application de l'accord de divorce, le vice-président de la Commission européenne Maros Sefcovic a exhorté le gouvernement britannique à expurger de son projet de loi les dispositions litigieuses "dans le délai le plus bref possible et dans tous les cas avant la fin du mois".
Soulignant qu'elle "n'hésiterait pas" à utiliser des recours juridiques, l'UE a reproché à Londres d'avoir "gravement porté atteinte à la confiance" mutuelle.
Malgré cet ultimatum, le ministre d'État Michael Gove a assuré avoir été "parfaitement clair" avec le représentant de l'exécutif européen sur le fait que Londres ne retirerait pas ce texte.
Jeudi soir 10 septembre, le négociateur britannique David Frost a lui nié tout blocage des tractations par le Royaume-Uni et assuré de son intention de "travailler dur pour parvenir à un accord d'ici la mi-octobre".
Souveraineté
Le gouvernement britannique entend lancer dès lundi 14 septembre le processus d'adoption du texte controversé par les députés, malgré la bronca jusque dans les rangs de la majorité conservatrice. Parmi les voix critiques, celles des anciens Premiers ministres Theresa May et John Major, qui dénoncent un coup porté à la crédibilité du Royaume-Uni sur la scène internationale.
Dans une note juridique explicative, le gouvernement argue que la souveraineté de son Parlement lui permet, sur des dispositions domestiques, de passer outre ses obligations issues d'un traité international.
Le controversé projet de loi britannique sur le marché intérieur donne à Londres de manière unilatérale des pouvoirs censés être partagés avec les Européens, selon l'accord de Brexit, et concernant le régime douanier en Irlande du Nord.
Il enfreint ainsi des dispositions clés du traité conclu l'an dernier, qui visent à garantir l'absence de frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, membre de l'UE, et à éviter la résurgence de tensions dans cette région, ensanglantée par trois décennies de "troubles" jusqu'à la signature de l'accord de paix du Vendredi saint en 1998.
L'Irlande a notamment critiqué un texte "clivant" tandis que le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a prévenu son homologue britannique Dominic Raab que toute violation du traité serait "inacceptable".
"Confiance mutuelle"
Les principales étapes du Brexit. |
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Cette poussée de fièvre coïncide avec la fin d'une nouvelle session de négociations contre-la-montre avec l'UE, pour tenter d'arriver à un accord de libre-échange entre les anciens partenaires au terme d'une période de transition post-Brexit qui s'achève fin décembre.
Les deux parties se sont une nouvelle fois rejeté la responsabilité de l'absence de progrès, chacun assurant être prêt à dialoguer et "déterminé" à arriver à un accord.
"Des différences significatives" subsistent, a déploré dans un communiqué le négociateur européen Michel Barnier, reprochant au Royaume-Uni de refuser de s'engager sur "d'indispensables garanties" sur les conditions de concurrence équitable. Insistant sur la "confiance mutuelle" nécessaire, il souligne que l'UE "intensifie" ses préparatifs "pour tous les scénarios" au 1er janvier 2021.
Son homologue britannique David Frost a reconnu aussi "des divergences, pour certaines toujours importantes".
Les discussions butent également sur l'accès des bateaux européens dans les poissonneuses eaux britanniques et le temps presse : Boris Johnson a averti que faute de compromis d'ici le 15 octobre, il se satisferait d'un "no deal" malgré les craintes de conséquences dévastatrices pour l'économie.
Au vu de la montée des tensions ces derniers jours, les investisseurs semblent juger ce scénario de plus en plus probable, la livre sterling décrochant sur les marchés.
La manœuvre est également vue d'un mauvais œil par certains aux États-Unis, avec lesquels Londres entend décrocher un accord de libre-échange ambitieux avant la fin de l'année.
La présidente démocrate de la Chambre des représentants Nancy Pelosi a averti qu'il n'y aurait "aucune chance" d'accord si Londres violait le traité international sur le Brexit.