Regards d’enfant

Aujourd’hui, c’est le jour où papa écrit pour le journal, et je vais lui faire une surprise ! C’est moi qui vais vous raconter ma vie de petite Vietnamienne de 8 ans. Comme ça, il pourra jouer avec moi : son travail sera fait…

Je profite de l’heure de la sieste, quand tout le monde dort, pour me faufiler jusqu’à son ordinateur. Je soulève un petit coin de la moustiquaire qui fait comme un voile de mariée tout autour de notre lit, et je me laisse glisser sur le sol, en prenant soin de ne pas laisser un espace libre dont pourrait profiter le plus petit moustique.

Mais cela, nous les enfants du Vietnam, nous savons faire. Pas comme mes cousins de France, qui écartent largement la moustiquaire, laissant entrer des escadrilles de féroces moustiques, avec lesquelles ils se battent toute la nuit !

Petit matin

Ma journée commence tôt. Je suis souvent réveillée par le chien du voisin qui aboie tous les matins quand son maître part au travail. Aussitôt, tous les chiens du quartier lui répondent et le coq de la maison d’en face se joint au concert.

Je suis contente de me lever et je descends vite à la cuisine, guidée par les odeurs du pho que maman est allée acheter chez la marchande au coin de notre rue. À la campagne, c’est ma (grand-mère) qui fait le pho, et ça sent encore meilleur, la coriandre ngò gai, l’oignon violet, le basilic thai, l’échalote, le gingembre et d’autres épices encore dont ma tait le nom, en me disant en souriant que c’est un secret de famille et que je le saurais quand je serais assez grande pour faire le pho moi-même ! J’aime bien les secrets, mais j’aime encore mieux le pho, au bœuf ou au poulet.

En plus du pho, mon papa me fait boire du jus d’oranges pressées. Ça, c’est bon, mais ce n’est pas une habitude vietnamienne ! Ici, les fruits, on ne les boit pas souvent à la maison : on les mange, et plutôt dans la journée, en grignotant entre les repas !

Le pho est le plat national vietnamien.
Photo : Bùi Phuong/CVN

Après le petit déjeuner, c’est le moment le plus rigolo de la journée : la toilette ! Papa m’explique que j’ai beaucoup de chance, car dans son pays, quand on prend sa douche ou son bain, il faut faire attention de ne pas mettre de l’eau partout, sinon les parents ne sont pas très contents de nettoyer à la serpillière. Ici, il n’y a pas de bac à douche : c’est toute la salle de bain qui sert de douche ! L’eau coule directement sur le sol carrelé et disparaît dans un trou caché dans un coin. On peut patauger sans risque, et ensuite, un coup de balai-raclette, et hop, le sol est tout net ! En sortant, il suffit de s’essuyer les pieds sur le tapis qui est toujours devant la porte de la salle de bain.

Ça aussi, papa il dit que c’est différent de chez lui, parce que là-bas, le tapis il est dans la salle de bain… Ils sont bizarres ces Occidentaux !

Grande école

Après la toilette, mes toilettes ! Avant, je me disputais souvent avec maman pour choisir les vêtements que je voulais mettre. Mais depuis que je vais à l’école primaire, je n’ai plus à choisir mes habits : je porte l’uniforme des écoliers. Il y en a de couleurs différentes pour les jours où on fait du sport, les jours où on reste en classe, et les jours où on va se promener avec la maîtresse. Et quand je sors de la maison, tout le monde sait que je vais à l’école des grands !

Mon école n’est pas très loin de la maison, dans une petite ruelle calme, à côté d’un petit étang. Parfois, c’est papa ou maman qui m’accompagne avec ma copine d’en face. Parfois, c’est la maman ou le papa de ma copine qui nous accompagne. Parfois, c’est encore une autre dame…

Ici, c’est comme un petit village et tout le monde se connaît et s’entraide. Je me souviens une fois où il pleuvait très très fort, en sortant de l’école. À cause de la pluie, il y avait beaucoup de parents qui étaient en retard, et qui seraient venus très tard pour nous ramener à la maison. Alors, le monsieur de notre rue qui peint de jolis dessins, il a mis sa fille, moi et trois autres enfants sur sa moto, sous une grande cape en plastique, et il nous a distribués, comme on fait avec le courrier, en nous déposant chacun chez nos parents. Bon, mais là, je vous parle déjà du soir, alors qu’on arrive seulement à l’école.

La maîtresse emmène ses élèves en classe.
Photo : Phuong Vy/VNA/CVN

J’aime bien l’école, parce que nous avons plein de jeux dans la cour : des balançoires, des toboggans, des cages à grimper, des tourniquets… Et puis, les maîtresses s’occupent beaucoup de nous : on chante, on danse, on colorie… Et aussi, on va se promener, en rang par deux. Bien sûr, comme dans toutes les écoles, si on fait des bêtises, on se fait gronder. Mais quand on travaille bien, on a des récompenses, des bons points, des félicitations devant toute la classe. Moi, parfois, j’ai des récompenses et je le dis à mon papa ou ma maman quand ils viennent me chercher. Ils sont contents et on s’amuse beaucoup en rentrant à la maison. Parfois, j’ai fait une bêtise, et c’est la maîtresse qui le dit à mon papa ou à ma maman. Ils ne sont pas contents et on rentre très vite à la maison sans rien dire !

J’aime bien quand c’est maman qui vient me chercher à la sortie de l’école, parce que tout le monde me dit qu’elle est belle ma maman. Mais j’aime encore mieux quand c’est Papa, parce que tout le monde nous regarde, et je ne sais pas pourquoi, mais les maîtresses elles rient davantage avec lui, et les autres mamans aussi. Quand mon papa il rit, en racontant des blagues en vietnamien, avec sa barbe et ses grandes moustaches, il ressemble au grand dragon blanc. Alors, je viens me serrer contre lui pour qu’il me protège toujours.

Promis, si mon papa est content de ma surprise, je reviendrai encore vous raconter ma vie de petite Vietnamienne…

À bientôt !

Gérard BONNAFONT/CVN

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