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Des visiteurs d'une exposition en Pologne consacrée à Frida Kahlo contemplent une photo d'une toile disparue depuis plus d'un demi-siècle de l'artiste mexicaine, "La table blessée", le 28 novembre 2017 à Poznan. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Ines et Joana Cavaco, deux jeunes Portugaises, ont fait une nuit de bus pour venir voir l'exposition consacrée à Kahlo et à son compatriote et mari Diego Rivera, présentée à Poznan (Ouest de la Pologne) jusqu'au 21 janvier.
On y découvre une réplique grandeur nature de 2,44 m sur 1,21 m, en noir et blanc, de la toile manquante : un double auto-portrait figurant l'artiste assise derrière une table tâchée de sang, entre un Judas et un squelette, un tableau faisant penser à la Cène.
Près de l'affichette en forme d'avis de recherche, une petite boite à idées invite les visiteurs de l'exposition à "entrer dans l'histoire" en suggérant des pistes pour retrouver le chef-d'œuvre volatilisé.
"J'ai écrit que probablement le tableau a été détruit, ou il a été volé et vendu sur le marché noir", déclare Ines Cavaco, 21 ans, étudiante à Cracovie.
"C'est évident : il est accroché chez quelqu'un dans son salon", estime sa sœur Joana, 23 ans, une grande fan de Kahlo qui comme elle porte une coiffure parée de fleurs.
L'exposition "Frida Kahlo et Diego Rivera : le contexte polonais" au centre culturel ZAMEK, un château construit pour l'empereur Guillaume II et destiné plus tard à Hitler, retrace les liens peu connus de ce célèbre couple d'artistes avec la Pologne.
Leurs tableaux sont accrochés aux murs d'un jaune qui rappelle la palette flamboyante de Kahlo et sa joie de vivre, gardée malgré des problèmes de santé et en dépit des aventures amoureuses de son époux Rivera.
Deux salles sont consacrées à deux autres artistes d'origine polonaise et proches du couple : la photographe Bernice Kolko, qui a notamment pris Kahlo sur son lit de mort en 1954, et la peintre muraliste Fanny Rabel, une de ses quatre élèves les plus dévouées.
La Cène
Un visiteur dépose sa suggestion dans la "boite à idées" pour retrouver le chef-d'œuvre disparu de Frida Kahlo, qui était aussi la plus grande toile jamais peinte par l'artiste, le 28 novembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Une autre salle rappelle l'exposition sur l'art mexicain présentée à Varsovie en 1955, dernier endroit où fut montrée La table blessée.
"Il doit être quelque part. Il n'a pas pu juste disparaître, un tableau si grand. A moins qu'ils l'aient brûlé dans un poêle dans les années 1950...", a déclaré Helga Prignitz-Poda, la commissaire de l'exposition Kahlo et Rivera.
"C'est une des raisons pour lesquelles j'ai fait cette exposition. Peut-être qu'un jour quelqu'un en Pologne a vu ce tableau quelque part", a-t-elle ajouté.
Frida Kahlo, connue pour son mono-sourcil, ses jupes longues et ses bijoux lourds, avait créé La table blessée pour l'exposition internationale du surréalisme organisée en 1940 à Mexico.
Envoyée à Varsovie pour une exposition sur l'art mexicain qui a tourné ensuite dans plusieurs pays socialistes, elle a disparu dans la capitale polonaise, peut-être à cause de son caractère : La table blessée offrait une "représentation surréaliste absolument cruelle de la double Frida" qui allait à l'encontre du style réaliste socialiste.
Cette toile est aujourd'hui considérée comme un chef-d'œuvre, estimé à 20 millions de dollars.
À l'époque, "il y a eu des déclarations officielles selon lesquelles ce tableau n'était pas exposable, qu'il était tellement terrible, qu'il ne valait pas l'argent dépensé pour son transport. Il est possible que les propriétaires russes n'aient pas voulu le récupérer", estime la responsable de l'exposition.
Des enfants visitant l'exposition Frida Kahlo à Poznan, en Pologne, prennent des photos de plusieurs autoportraits de l'artiste, le 28 novembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Sa disparition est d'autant plus frustrante que seule la moitié des quelque 300 œuvres de Kahlo est connue du public, les autres ont été détruites, perdues ou se trouvent dans des collections qui ne les prêtent jamais, relève Mme Prignitz-Poda, qui leur a consacré un livre.
Krzysztof Najbor, un acteur de 56 ans de Zakopane (Sud), a fait 600 kilomètres pour admirer l'exposition. "Je suis heureux d'avoir pu voir un peu de cette légende en original. Le Mexique, c'est loin", déclare-t-il.
Dans sa famille, raconte-t-il, il y a une tradition : "Lorsqu'on quitte une galerie d'art, on se demande toujours ce qu'on aurait emporté. Là, il y avait un petit autoportrait de Frida que j'ai beaucoup aimé..." Si l'auto-portrait, lui, est toujours là, La table blessée manque résolument à l'appel... malgré de nombreuses suggestions trouvées dans la boite à idées.
Aucun indice viable mais un petit espoir : un mural de Rivera, Glorieuse Victoire, également disparu dans les années 1950, a été retrouvé en 2000 dans les entrepôts du musée Pouchkine à Moscou.