Quand un vent d’Afrique souffle sur la robe traditionnelle bavaroise

Deux créatrices d’origine camerounaise installées en Allemagne se taillent un beau succès en réinventant à partir de flamboyants tissus africains la robe traditionnelle bavaroise, la «Dirndl», célèbre dans le monde entier grâce à l’Oktoberfest dont la 181e édition débute mi-septembre à Munich.

La créatrice Rahmee Wetterich présente quelques-unes de ses robes traditionnelles bavaroises en tissus africains, à Munich.

«Nous voulions relier les cultures», explique Rahmée Wetterich, 49 ans, qui a créé avec sa sœur, Marie Darouiche, 61 ans, sa griffe de «Dirndl à l’Africaine», baptisée «Noh-Nee» qui signifie en swahili «cadeau de Dieu».

C’est presque par hasard qu’elles se sont lancées dans cet étonnant projet de mariage stylistique. Une idée qui ressemble au destin de ces deux femmes arrivées par accident en Bavière il y a maintenant plus de 35 ans.

Nées au Cameroun, elles sont passées dans les années 70 par Munich avec leur famille parce que l’un de leurs frères musiciens s’y trouvait. Elles n’en sont finalement jamais reparties alors que leur parcours devait les mener vers la France.

«Ma mère était couturière et nous avons grandi dans les tissus, il y en avait partout à la maison», raconte Mme Wetterich, décoratrice d’intérieur de formation. «Marie a toujours aimé les étoffes, notamment les foulards africains, les pagnes, elle a appris la couture avec ma mère et c’est devenu son métier. Et elle a toujours gardé en tête cette connexion à l’Afrique, à ces tissus qui la fascinaient».

Ensuite, ce sont «nos enfants qui baignent dans cette atmosphère de mélanges culturels qui nous ont dit : mais pourquoi ne faites-vous pas une Dirndl ?», explique encore en riant la cadette des deux sœurs, mariée à un Bavarois.

La Dirndl, tenue de la plus grande fête

À l’occasion d’une exposition, elles ont présenté un prototype et des admiratrices sont venues leur demander où se procurer le surprenant modèle. Ainsi est né «Noh-Nee». «On a commencé dans un bureau puis au printemps 2011, on a ouvert un magasin dans le Nord de Munich, un peu caché, dans une cour intérieure. Depuis mars-avril, nous sommes vraiment dans le centre, dans une rue très cool».

Une vitrine de la boutique des créatrices Rahmee Wetterich et Marie Darouiche présentant des "Dirndl à l'africaine".

Apparue à la fin du XIXe siècle, la Dirndl, robe à corset étroit et jupe large couverte d’un petit tablier, est notamment portée à l’occasion de l’Oktoberfest, plus grande fête populaire du monde, mais elle peut aussi l’être dans d’autres occasions festives, dans le sud de l’Allemagne mais aussi en Suisse ou en Autriche.

Elle obéit à des codes stricts que les deux sœurs ont tenu à scrupuleusement respecter. «Nous avons consulté une couturière bavaroise spécialisée pour nous retrouver véritablement dans la tradition, nous voulions aller à l’original, apprendre à connaître cette culture».

Côté tissus, «Noh-Nee» se tourne vers des étoffes africaines (wax, kitenge ou khanga) «classiques, avec des motifs qui datent parfois de 80 ou 100 ans».

Tradition rafraîchie

Ce mélange des savoir-faire a rencontré un véritable succès, à l’heure où le costume traditionnel redevenait à la mode, en Bavière, lui apportant un petit extra de modernité. «Nous n’avons pas changé la tradition mais nous l’avons rafraîchie», estime Mme Wetterich.

Les créatrices de "Dirndl à l'africaine" Rahmee Wetterich (gauche) et Marie Darouiche à Munich.

«La coupe de base (de la Dirndl) peut toujours être réinterprétée, c’est aussi peut-être pour ça que (cette robe) fonctionne si bien, il y a en a pour tous les goûts», explique Simone Egger, de l’Institut du folklore et d’ethnologie européenne de l’Université de Munich. «Parallèlement, cette +Dirndl à l’africaine+ témoigne de la diversité de nos sociétés urbaines».

«Nous avons de tout comme clientes, des femmes du monde de la culture, celles qui aiment l’Afrique, mais aussi celles qui ont porté la Dirndl enfant et qui ne voulaient plus la porter, éprouvant même une aversion», décrit Mme Wetterich.

Il y a aussi des femmes qui ont vécu à l’étranger, ne se sentent peut-être plus vraiment bavaroises mais qui le sont malgré tout. Elles disent : «ah enfin, je peux de nouveau porter mon propre +tracht+ (costume traditionnel)», poursuit-elle.

«Il y a une certaine fascination autour du fait que nous ayons rapporté ces tissus qui sont si liés à l’Afrique et qu’il puissent aussi bien être connectés avec la tradition d’ici».

L’an passé, elles ont produit «quelques centaines» de robes. Chaque modèle - dont le prix est compris entre 500 et 1.100 euros - est réalisé par Marie Darouiche dans son atelier où travaillent quatre à cinq personnes, puis les robes sont intégralement produites dans les environs de Passau, près de la frontière autrichienne.

Totalement bavaroise, la «Dirndl à l’africaine» a également «un petit côté français», confie Rahmée Wetterich. «On a rajouté un jupon avec une petite dentelle très chic» qui, normalement, n’existe pas. C’est un petit hommage à leur nationalité : les deux fondatrices de Noh-Nee sont en effet françaises.

Elles le doivent à leur père syrien devenu français dans la Légion étrangère avec laquelle il avait rejoint le Cameroun dans les années 60, et où il a rencontré leur mère.

Le jupon séduit beaucoup : «Les clientes adorent», dit Rahmée Wetterich qui, pour une fois, s’exprime en français. En général, quand elle parle de la Dirndl, cette robe qui reste tellement bavaroise, elle préfère parler allemand.

AFP/VNA/CVN

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